En 2008, ça roule pour la machine Evergrey et son leader Tom Englund : nouvel album, nouveau bassiste, nouvelle signature avec SPV et la réédition (encore une) du back catalogue.

Tout le monde a donc toutes les raisons de se réjouir. Rions donc folle ville ! Pas trop quand même car dans le petit univers metalo progus, la sortie d’un album d’Evergrey c’est du sérieux et le kronikeur même émoussé (ne lisez pas éméché) ne peut décemment pas l’ignorer.

Inutile de se raconter des histoires, "Monday Morning Apocalypse" a laissé des souvenirs mitigés. Moins ambitieux, des claviers plus discrets donc des ambiances soudain devenues moins oppressantes, plus sages, une rythmique carrée. Sorte d’ovni bancal dans une discographie jusque-là quasi sans fautes, il a soit inquiété au-delà du raisonnable, soit conforté dans une perplexité persistante.

2 ans plus tard, "Torn" est là pour rassurer… mais sans surprendre.

Pour la kro de "The Inner Circle" parue dans ces colonnes il y a 4 ans, je me plaignais déjà de ne pas trouver de différence d’un album à l’autre. Et bien voilà un grief que le 7ème album des Suédois ne pourra pas entièrement balayer et qui me laissera longtemps encore le cul entre 2 chaises.

Et c’est là qu’il faut que je dévoile un paradoxe digne de la psychologie de comptoir. De manière générale, j’apprécie plutôt Evergrey mais sans vraiment être capable d’en expliquer les raisons. Je peux par exemple indiquer assez clairement pourquoi le binôme Metallica/Yes de Dream Theater me comble au-delà de mes espérances, pourquoi j’aime le côté torturé et sombre de POS, les riffs posés et la voix magique de VDPlas ? la puissance épique de Symphony X, la tendance death des premiers Wolverine etc. Mais, en ce qui concerne Evergrey, mystère. Je ne parviens toujours pas à m’emballer pour le moindre élément de sa musique.

Cette foutue impression d’écouter sans cesse le même album ne me lâche pas. En fait, comme un bon gros matou castré, Evergrey me donne le sentiment de ronronner.

Vous me direz, ce n’est pas le seul groupe à se répéter – certains le font avec conviction - et vous aurez raison. Vous pouvez même trouver ça sécurisant, c’est votre droit. Personnellement, cela ne me rassure pas dans la mesure où le groupe possède un certain poids sur la scène métal prog, une ambition non moins imposante et que, par conséquent, cet « immobilisme » risque de durer encore longtemps. Et mon malaise aussi.

Néanmoins, vous allez retrouver avec "Torn" toutes les qualités (et les défauts) des précédents albums dont le détail peut vous être fourni en lisant leurs kros dans les pages de VS. Puissance, efficacité, morceaux au cordeau, chant expressif, etc.

Tiens, je peux même vous dire que certains titres m’ont titillé la glotte en raison de leur énergie libératrice. Au nombre de ces « perles rares» on trouve "Fear" – "In Confidence" – "Numb" – "Nothing Is Erased".

Oui, ça, y a pas de doute, vous ne serez pas déçu. Enfin, je m’adresse aux inconditionnels.

Ceux-là auront beau jeu de dire : « Mais pas du tout ! Cet album est différent. Tiens, ce riff de gratte là, c’est pas le même que… euh… ben, je sais plus mais c’est pas le même. Ou, ce chorus, il n’a rien à voir avec celui de… de… bon, il n’a rien à voir ! » Vous ne me convaincrez pas car je ne vois n’y n’entends rien de bien neuf.

De ce fait – et ce n’est pas une question de fainéantise - je n’ai pas envie de faire une thèse sur "Torn". J’ai écouté plusieurs fois l’album, je l’ai immédiatement aimé, puis beaucoup moins au fil du temps. Si bien que j’ai décidé d’arrêter de peur de finir par écrire une kro vraiment désagréable. Je me contenterai donc de souligner son défaut majeur à savoir un manque de relief évident que contrebalancent une production parfaite, des riffs parfaits, des compos parfaites, un chant parfait, oui parfaitement… lisse !

Sincèrement, après avoir cette année écouté Demians, Division By Zero, Amaseffer, Ephrat Andromeda et malgré l’immense respect que j’ai pour le groupe, le power metal pseudo prog de "Torn" paraît bien commun en comparaison. Et que les fans du groupe suédois ne m’abreuvent pas d’insultes, je n’ai ni l’envie ni la force de me livrer avec eux à des joutes verbales interminables et superfétatoires.

En résumé et à mon extrême humble avis, Evergrey avance en marche arrière et quand il ne sait plus innover il ressort les bonnes vieilles recettes d’antan. La boucle est bouclée et le chat se mord la queue. Ce n’est pas ma conception du métal progressif… qui progresse !

A ce propos, j’en viens à douter qu’Evergrey appartienne réellement à cette scène. Power metal, certainement, talentueux je n’en doute pas mais progressif, de moins en moins (s’il l’a été un jour).

De toute façon, ça n’influera en rien la décision des aficionados d’Evergrey. D’ailleurs, ce disque leur est exclusivement réservé (et là on est dans le domaine de l’irrationnel complet). Eux vont aimer "Torn" et c’est tant mieux. Et puis, qu’ils se consolent avec la note ; elle illustre le parfait symbole de ma bipolarité à l’égard de ce groupe. Du travail pour mon psy en perspective…


Rédigé par : Karadok | 14/20 | Nb de lectures : 11509