HA! Et de trois! Depuis son retour en 2004, EUROPE s'est peu à peu (ré)imposé dans le peloton de tête de la hiérarchie Hard Rock mondiale grâce à des album audacieux, prenant à contre-pied ceux qui pensaient que leur interprétation remarquée de « The Final Countdown » à l'aube de l'an 2000 annonçaient une nouvelle ère de refrains sucrés, synthés exubérants et permanentes « parce qu'ils le valent bien ». Pourtant, hormis une place prépondérante laissée aux guitares et, par voie de conséquence, un net recul du clavier, EUROPE n'a pas fondamentalement changé par rapport au groupe qu'on avait laissé avec « Prisoners In Paradise » en 1991, pondant encore des mélodies à la pelle avec une facilité qui doit en dégoûter plus d'un.

Les Suédois n'ont pas cherché à se faire passer pour ce qu'ils n'étaient pas, restant humbles et conservant même un logo qui aurait tout autant pu leur causer du tort compte tenu de la superficialité qu'il évoque encore pour beaucoup. Ils ont simplement fait ce qu'ils savent faire de mieux, du hard rock mélodique, galvanisé par la guitare de John Norum, trop heureux d'être débarrassé des pompeux claviers qui l'avaient amené à quitter le groupe après « The Final Countdown ». Alors qu'on a reproché à « Secret Society » d'être trop proche de « Start From The Dark », qu'en est-il de ce « Last Look At Eden », qui arrive après un live électro acoustique guère convaincant?

Il faut l'avouer, le premier contact laisse une impression mitigée : alors que « Start From The Dark » estomaquait par ses grosses guitares et son approche moderne et que « Secret Society » réjouissait par son énergie, « Last Look At Eden », à l'image du morceau éponyme, fait plutôt dans la lourdeur et les mélodies tristounettes. D'emblée, il est évident qu'il y a du très bon et très certainement du classique : « Last Look At Eden » avec son rythme pesant et ses orchestrations, « Catch That Plane » avec ses sonorités 70's et son chant désabusé, « No Stone Unturned » avec son mélange d'orchestrations (encore une fois), de pesanteur (encore une fois) et de chant désabusé (encore une fois) et puis ZE ballade, « In My Time », ultra classique dans sa conception bluesy mais belle à chialer... Il y a du lourd donc, mais également des morceaux qui ne s'imposent pas d'emblée, pénalisés certainement par le rayonnement des bombes de l'album, mais également un ton en dessous comme l'inutile ballade « New Love In Town », bien trop calibrée radio pour un album de cette trempe, ou les groovy « Mojito Girl » et « Run With The Angels », par exemple, qui surprennent presque par leur ton 70's et grave.

Mais EUROPE n'a pas écrit son album à la va-vite, et « Last Look At Eden » finit rapidement par s'imposer, les morceaux les moins évidents dévoilant leurs faces cachées au fil des écoute, cimentant les différents chapitres du disque pour composer un bloc indissociable, une œuvre majeure et certainement l'une de leurs plus belles réussites artistiques. Nous l'avons dit plus haut, la tonalité de cet album est plutôt triste, les mélodies n'incitent pas spécialement à chanter à tue-tête mais plutôt à écouter avec recueillement, à se délecter de ce cadeau que nous font les Suédois, mais elles n'en sont pas imparables pour autant! On découvre un EUROPE qui pioche dans ses racines musicales pour y ressortir des riffs, nappes d'orgue hammond, parties de basses typiquement 70's, avec parfois un léger goût de SPIRITUAL BEGGARS ou de HELLACOPTERS pas dégueux, surtout quand Joey Tempest s'aventure en terrain rocailleux. De nombreuses orchestrations symphoniques viennent également renforcer la puissance dramatique des morceaux, comme sur le titre éponyme, un joyau du genre, sans verser dans le pompeux.

Orgue Hammond et instruments à cordes ne s'affrontent jamais, ils se marient parfaitement pour faire de « Last Look At Eden » un album classe, posé, sérieux sans être donneur de leçon ou prise de tête, un album quasi parfait pour un groupe qui a déjà connu un succès considérable, qui s'est pris le revers de la médaille dans la tronche, mais qui a pu malgré les années de séparation retrouver la symbiose qui l'avait amené au plus haut. Personne ne tire la couverture à lui, et malgré les performances exceptionnelles de John Norum et de Joey Tempest, chacun des musiciens est à sa place et surtout, chacun est un des piliers qui rendent l'album aussi solide.

Album grandiose donc, musiciens au sommet de leur art, n'y a-t-il vraiment rien qui ternisse le tableau?

L'artwork peut-être? A vrai dire, le disque ne sort pas de la platine, donc les occasions de le voir sont limitées.

Le packaging alors? Deux bonus live, digipack limité, rien à redire.

Ah! La prod? Gagné!!! La tendance au mastering « tout à fond » semble se généraliser, malheureusement pour les oreilles sensibles. Les grésillements ne sont pas aussi pénibles que sur le dernier METALLICA, mais sont assez audibles et désagréables pour gâcher ces moments d'extase, d'autant plus que sans cela c'eût été un sans faute : chaque instrument ressort avec pureté et chaleur, les niveaux sont parfaits, l'ensemble est puissant... Mais on en revient toujours au même problème : comment peut-on laisser sortir un produit visiblement non fini alors qu'il suffit de faire quelques séances d'écoute sur du matériel « standard » pour se rendre compte des dégâts?
Dave Mustaine a beaucoup de défauts, mais à l'occasion d'une interview lors de la sortie de « Youthanasia », alors qu'on lui parlait de la prod du disque, il avait répondu que pour lui, le meilleur test était de prendre une cassette, de la mettre dans l'autoradio et de voir si la prod passait bien ou pas. Pragmatique.

Voilà pourquoi ce dernier EUROPE n'aura pas plus de 17. C'est indéniablement une réussite artistique mais sa finition audio est impardonnable, ce qui gâche le plaisir mais ne doit pas pour autant vous freiner tant l'album en vaut la peine.


Rédigé par : Dungorpat | 17/20 | Nb de lectures : 13338