Qu’il semble loin le temps où ETERNAL DEFORMITY égrenait un riff toutes les deux minutes dans son doom avant-gardiste. Qu’il semble loin le temps des sorties exclusivement disponibles en cassettes, cassettes et cassettes. Quinze ans plus tard et quatre albums plus tard, les Polonais d’ETERNAL DEFORMITY ont définitivement changé leur fusil d’épaule et proposent désormais un métal quelque peu gothic lorgnant sur le black et le heavy metal comme sur le thrash.

Le groupe s’autorevendique progressif mais c’est un adjectif qu’ils n’ont visiblement pas mesuré la portée puisque « Frozen Circus » n’a pas grand-chose de prog ou d’expérimental dans sa forme comme dans sa démarche même si pense parfois à OPETH sur quelques passages. Au contraire, malgré les diverses influences du groupe, l’ensemble est particulièrement homogène et ETERNAL DEFORMITY réussit fort intelligemment à intégrer chacune de ses sources d’inspirations dans un alliage métallique enjoué dont le point d’orgue réside dans les orchestrations, les arrangements distillés à grands coups de synthé et dans la farouche volonté de faire des chansons accrocheuses. Le quintet polonais met en exergue tout un échantillonnage de mélodies parfois joliment ciselées quand elles ne sombrent pas dans un côté mielleux comme cette reprise du « Little 15 » de DEPECHE MODE calibrée pour le matraquage radio et l’allumage des briquets en concert.

Histoire de coller à son titre, ETERNAL DEFORMITY se sert d’un p’tit côté « la piste aux étoiles » en plus décadent comme d’un fil conducteur à son album. Hélas, trois fois hélas, la recette aussi séduisante qu’elle puisse paraître ne fonctionne pas à son plein rendement car n’est pas ARCTURUS qui veut. Il manque à « Frozen Circus » la folie créatrice, le bouillonnant maelström d’idées, caractéristique des Norvégiens. Et si le chanteur singe parfois adroitement la dualité vocale du sieur Akerfeldt (OPETH), ETERNAL DEFORMITY ne dispose pas encore de la savante chimie des arrangements qui permet aux compos de glisser comme une lettre à la poste. C’est d’autant plus gênant sur le final d’un titre fleuve comme « Crime », qui laisse pointer une paire de passages au synthé un peu boiteux mais visiblement volontaire. D’ailleurs le synthé, parlons-en car, Kilo, le gus qui s’en occupe, a visiblement découvert très récemment la vague de rock FM qui sinistra nos ondes, grandes et moyennes, à la fin des années 80. Cela se ressent dans le son en plastoc comme dans la façon de plaquer certains passages. Fort heureusement, toutes les parties orchestrales sont sauvées de la noyade par une approche nettement plus contemporaine. Ça aurait été le comble si Kilo en avait fait des tonnes. (OK j’arrête les grosses têtes demain.) On notera également un petit côté folk presque celtique (jugez la performance de la chose pour des Polonais) sur « Lovelorn ».

En résumé, ETERNAL DEFORMITY propose ici un disque assez musclé pour ne pas être catalogué « gothic », assez accessible pour ne pas terroriser les adolescentes, qui n’a pas d’autre prétention que de faire passer un moment agréable. On ne peut pas dire qu’ils aient raté leur coup malgré la persistance d’un côté ampoulé pas si rebutant que ça.

Pas exactement mon terrain de prédilection. Pas exactement ce qui se fait de mieux en la matière mais ça reste très supportable voir même intéressant sur une paire de morceaux.
A vous de voir.


Rédigé par : Tonton | 13/20 | Nb de lectures : 10546