"Aujourd'hui, avec mon groupe, on a décidé de splitter. On vient de se faire tirer nos passeports et les 8000 euros de recettes de notre tournée européenne, soit les thunes qui devaient nous permettre de rentrer chez nous à Toronto au Canada. En attendant, on est bloqué dans les montagnes tchèques et on sait pas ni quand ni comment on va pouvoir rentrer... VDM"

Voilà ce qu'auraient pu écrire les malheureux gaziers de Cursed sur hovnoživot.cz (viedemerde.fr en tchèque, conscience professionnelle quand tu nous tiens...) si seulement il y avait eu des accès internet au pays des filles de joie low-cost. De quoi être monumentalement aigri, le genre d'évènements qui te pousse à pondre une galette des plus hargneuses derrière. Eh bien vraiment dommage qu'ils aient splittés, parce que la torgnole la plus hargneuse de l'année, ils venaient déjà de la pondre avec ce "III - Architects Of Troubled Sleep", j'ai peine à imaginer ce qu'aurait pu donner son successeur...

53 secondes d'intro avec samples sur fond de triturages électro, et direct derrière... BAM! Le coup de la savonette, ah tu l'as pas vu arriver celle-là! Hurlement avec les loups sur blast, viens tenter de ressortir indemne du coup de grisou qu'est "Night Terrors", sans déconner, saute la piste si t'es cardiaque... Car cette voix bestiale qui te saute à la gorge... Chris Colohan est ton ennemi. Chris Colohan est pas là pour faire semblant. Chris Colohan joue sa vie, le hardcore est sa thérapie, c'est pas moi qui le dis, c'est lui. Sur le désormais sinistrement ironique "Friends In Music Business", t'as vraiment pas envie de l'avoir en face, je le vois se traîner à tes pieds en gerbant du sang comme Edward Norton devant son boss dans Fight Club. Un titre aux riffs immondément rampants, d'un sludge des plus dégueulasse, éprouvant. Le drame, c'est que TOUT l'album est de ce tonneau, gavé de noirceur et de tripes jusqu'à la gueule. Chaque titre, chaque riff, chaque note suinte la maladie et te fait écarquiller les yeux devant un tel déluge de violence cathartique.

"Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir", et "Toute la musique que j'aime, elle vient de là, elle vient du blues", voilà le seul parallèle établissable entre Johnny et les Canadiens. Car ils aiment à ralentir la cadence pour nous jouer leur blues du pénitencier (Unnecessary Person), tandis que Colohan laisse traîner la voix pour mieux te marteler ses textes totalement "pissed off", comme il se dit dans la langue de Boy George. Même chose mais version instrumentale pour le final "Gutters", aux accords annihilant tout sourire pendant 3 semaines derrière. Nihiliste, avec une Haine majuscule. Des titres comme ce "Into The Hive" par exemple, viendrait rendre encore plus blanc bien du blackeux en corpsepaint. Le terme "Evil" aura rarement aussi bien collé à un groupe de hardcore. Crust, sludge, hardcore, Cursed a su récolter la crème du genre pour en faire le cousin psychotico-anxieux du "Monument To Thieves" d'His Hero His Gone.

Histoire de pinailler, vu que tous les titres comportent leurs lots de passages de tueurs, "Hegel's Bastard" salit un poil moins le caleçon que ses frêrots, et la cover signé John Baizley (Baroness toussa toussa) doit être la seule du bonhomme qui ne m'emballe pas. Par contre la prod' est une véritable montagne massive et crade, du genre qui vient te décoller le papier peint et te déchausser les gencives ni vu ni connu.

Cette absence de retenue dans l'effort, cette beauté qui émane de la crasse, cette...bon, je ferme ma gueule avant que ça se transforme en speech de Bernard Laporte... Cursed sera donc aimablement venu te dégobiller la galette la plus hostile de l'année sur tes mocassins Pierre Cardin, et le pire, c'est que tu vas même pas lui en vouloir, tu préfèreras te tailler au galop derrière sans demander ton reste. Bref que des putains de funérailles soient organisées pour Cursed, et s'il y a quelque chose dont on peut être certains, c'est que le jour où ils se reformeront, ça sera pas pour la thune. Ca nous changera un peu. Ironie du sort, ce "Goodbye Cruel World" résonnant comme une épitaphe prémonitoire en bas du LP. Ils auront pu partir sans regrets, à nous de les pleurer.


Rédigé par : Crown_Me | 17.5/20 | Nb de lectures : 13968