"Un seul être vous manque et le monde est dépeuplé", comme disait Lamartine. C'est ce que ressentait probablement ce fan breton d'Enthroned, sanglotant et déprimé, les larmes dégoulinant sur son T-shirt Impiety alors qu'il se passait nerveusement la main sur son crâne ras. Hé oui, la vie est parfois faite de mauvaises nouvelles qui donnent envie de tout foutre en l'air et même de revendre ses bootlegs de Metallica. Acceptons désormais la dure réalité : après 13 ans d'activité, Sabathan est parti cancaner ailleurs. Enthroned a perdu son dernier membre fondateur et un élément immédiatement identifiable dans son univers, ce qui aurait pu lui coûter cher. Mais c'était sans compter sur la volonté du groupe, et notamment de Nornagest qui a pris le micro. Espérons pour lui qu'il ne l'a pas pris dans les dents, car le leader continue également de jouer de la guitare et que cette position de guitariste/chanteur est toujours très exposée en concerts.

La valse des batteurs se poursuit également chez les Belges et le Frenchie Glaurung a quitté le navire, pour cause d'éloignement géographique. Enthroned a recruté Ahephaim, une connaissance proche du groupe, mais ce n'est pas lui qui est derrière les fûts pour ce septième album studio. C'est le sévèrement burné Alsvid (ex-Seth, Fornication, Griffar) qui s'y recolle. Septième album ? Tetra ? Non, aucun rapport, dans cet opus à la thématique ésotérique. Enthroned continue son exploration du monde occulte, s'éloignant des concepts plus clichés. Et l'avancée du groupe se traduit également par un artwork qui tranche avec les pochettes habituelles. Même si j'ai un mauvais souvenir du métrage "Le Roi Scorpion", il faut avouer que cette bestiole-ci a de la gueule et nous éloigne des pochettes à la "Heaven shall Burn…".

Et quoi attendre musicalement de ce nouvel Enthroned ? Pour ma part, c'est une bonne surprise car les deux particularités du groupe qui me dérangeaient se sont effacées. Tout d'abord, la voix de caneton a laissé la place à un chant black plus classique et guttural. Nornagest s'en sort très bien et reste convaincant, appuyé par le guest MkM d'Antaeus sur quelques passages. Deuxième point, les parties thrash sont bien moins présentes, ne laissant principalement que les riffs de "Through the Cortex" et des solos. Recentrées sur un black plus guerrier et plus traditionnel, les compositions se démarquent moins de la concurrence mais y gagnent en assombrissement. Les morceaux restent courts et directs, et les riffs s'articulent très naturellement. Les petites surprises comme le chant clair (également "Through the Vortex") ou les samples "grégoriens" tombent juste à mon goût, posant une ambiance bienvenue dans la seconde partie de l'album. Mais nous parlons ici de changements et non d'une révolution chez une formation qui a largement défini son style.

Aucune révolution n'était attendue, de toute façon. Pour moi, le bilan de l'évolution est très positif, car je n'aimais pas particulièrement la précédente recette du pot belge. Pour les fans, ce sera probablement une autre histoire, le virage étant assez serré. Autrement, l'album n'offre pas réellement de surprises. Enregistré une nouvelle fois dans les studios de Harris Johns (Sodom), il déroule dix titres d'un black maîtrisé et parfaitement en phase avec la scène actuelle. Peut-être un peu trop, car Enthroned peine désormais à se démarquer du peloton (ce qui atteste mon histoire de recette). Il reste la prestation remarquable d'Alsvid, qui illumine les titres de son jeu inspiré (bonne chance à son successeur) et une exécution tonique et impeccable pendant 32 minutes.

On aurait pu envisager le pire, au vu du remue-ménage dans le groupe. Finalement, Enthroned livre un album classique mais bien efficace, qui rassure sur la bonne santé de nos voisins préférés. Par contre, le manque d'ambition risque de voir cet opus se noyer dans les sorties de l'année et d'être oublié lors de votre top annuel. C'est le risque à ne plus se démarquer. Ca n'a rien à voir, mais il faudra que je re-mate "Le Roi Scorpion" à l'occasion.

L'album est également sorti en édition digipack limitée avec deux bonus tracks.


Rédigé par : Prince de Lu | 14/20 | Nb de lectures : 13688