Il faut croire qu’il est bien loin le temps où les Helvètes d’ENIGMATIK se cantonnaient dans un black metal d’inspiration death. A en juger par ce troisième album de leur carrière, le groupe a évolué dans une direction dans laquelle on ne l’aurait pas forcément attendu ; celle d’un métal moderne progressif émaillé de passages jazzy voir même carrément expérimental. Par ailleurs le quatuor suisse n’a pas renoncé, non plus, à quelques déferlantes d’adrénaline purement brutales qui viennent faire écho à leurs anciennes affinités death/black.

Prenant soin de ne pas tomber dans une simple alternance qui verrait se succéder passages bourrins et interludes plus sophistiqués, ENIGMATIK amorce son album par des titres énergiques où l’aspect jazz se fait timide et se limite à quelques accords ou quelques slaps de basse bien appuyés. Ce n’est que progressivement que les plans alambiqués, les dissonances, les polyrythmies, les bidouillages électro s’immiscent dans les compositions pour aboutir à des compos avant-gardistes. On tutoie même la perfection sur « Metropolis » l’ultime morceau de l’album avoisinant la douzaine de minutes qui porte l’empreinte du métal jazz aérien de CYNIC.
S’il est une chose à saluer sur ce disque, c’est la qualité des musiciens qui rivalisent de prouesses et tout particulièrement la section rythmique qui nous permet de découvrir un duo basse/batterie stupéfiant et inventif.

Toute médaille ayant son revers, il est maintenant temps d’aborder les points négatifs de « Slitherin » à commencer par la difficulté avec laquelle le groupe glisse de certains thèmes brutal death lobotomisés à des plans radicalement différents qui arrivent un peu de façon impromptue. Par ailleurs les errances prog d’ENIGMATIK les entraînent parfois dans des passages expérimentaux où se mêlent des sons de vieilles radios, des bruitages et des accords disparates qui donnent un franc sentiment de gros bordel mais également d’improvisation pas toujours parfaitement maîtrisée.
Le problème, c’est que ce phénomène tend à s’accentuer au fur et à mesure que le disque progresse au point d’en devenir presque indigeste (à l’exception bien entendu du fameux « Metropolis ».)

En d’autres mots, les idées sont bien là, les capacités des musiciens aussi mais ENIGMATIK s’est lancé dans un projet tellement ambitieux qu’ils semblent avoir été un peu dépassé en cours de route. A moins que la fibre expérimentale chère au FANTOMAS du sieur Patton n’ait un peu trop inspiré nos Suisses sans qu’ils puissent renoncer à d’autres influences. Le résultat final apparaît donc parfois incohérent, aléatoire voire même franchement saoulant ou élitiste alors qu’il a vraisemblablement été minutieusement conçu et mis en place dans un simple esprit de créativité.

« Slitherin » aurait sans doute gagné en cohésion si le grand écart entre les passages ultra brutaux et ceux, expérimentaux, n’avait pas été aussi important. Et c’est d’autant plus visible sur un album dépassant allégrement l’heure. Le groupe devra également apporter une touche toute particulière à ses enchaînements ou variations de thèmes pas toujours amenés avec le soin et la finesse qui devraient leur être dus.
Au final on sort un peu déçu même si la fin de l’album laisse présager d’infinies possibilités à ces talentueux Fribourgeois. Affaire à suivre.


Rédigé par : Tonton | 13/20 | Nb de lectures : 11353