Un petit saut dans le passé nous ramènera à mes fougueux 17 printemps. Ouais, okay, c'était y'a à peine 3 ans, mais j'étais quand même plus couillon qu'aujourd'hui. Quoique... Bref, me voilà aux Terres Neuvas, élu deuxième festival le plus arrosé de l'Ouest. Ca devait faire un an ou deux que la vague Kyo irritait toute personne âgée de plus de 12 ans, et les programmateurs du festival avaient eu la glorieuse idée de les mettre en tête d'affiche du vendredi. D'obédience rebelle et trop vite torché au triple-sec, je décidais alors d'un commun accord avec moi-même de faire un geste pour le rock, un vrai.

Je contourne toute l'enceinte du festival, et parviens à me faufiler du côté Backstage assez aisément. Arrivé au pied de la scène, je me pointe devant une vigile, et les mots s'échappent tous seuls de ma bouche: " Oui bonjour, je m'appelle (nom bidon), je suis le cousin de Ben le chanteur de Kyo, je suis conseiller étudiant breton, et vu que je suis un peu connu ici, Ben voulait que je monte pour faire une dédicace à la Bretagne." Me demandez pas d'où c'est sorti, je ne saurais vous répondre, ce que je sais c'est que la demoiselle m'a laissé monter. Et qu'elle a dû se faire virer depuis. Désolé. Parce que j'arrive en plein milieu d'un titre, accolade avec Ben, souriant, qui me passe le micro. Le temps pour moi de beugler le poétique semi-alexandrin "Kyo, je vous encule !" devant 30000 personnes. Sentant que ma présence en ces lieux n'était plus nécessaire, je saute dans la foule, manque de bol, j'atterris violemment sur un amas de gamines prépubères accompagnées de leurs mômans. Deux gars de la sécu me choppent, commencent à me coller des droites, je leur crie qu'ils font erreur, je suis son cousin, merde! Et parviens à m'enfuir en galopant comme un dératé. Retrouvailles avec mes potes "Hé, les gars, z'avez vu le concert de Kyo? Non, y'a eu quoi?" Et merde...

Bref c'était ma fabuleuse vie, demain je vous raconterai comment j'ai réussi mon bac d'SVT grâce aux lyrics d'Enhancer...

Tout ça pour dire que moi aussi j'ai pu allègrement déféquer sur Kyo, puis successivement Vegastar, Pleymo et Watcha. Et quand il y a quelques mois j'ai appris la composition d'Empyr, rassemblant ces "fleurons" de la scène française, je me mettais secrètement à espérer une tournée des festivals, histoire de me remémorer mes vertes années. Mais, écueil de taille aux chaleureuses retrouvailles des poings des gars de la sécu avec ma face de rat, un premier extrait, "Water Lily". Merde, c'est pas mauvais, voire bien bon! Cas de conscience, dois-je ravaler mes a priori?

La réponse est oui, définitivement. Le style n'a pas grand-chose à voir avec les groupes des protagonistes, mais vous attendez pas à du funeral doom ou du harsch noise hein! On navigue plutôt entre Vex Red, le dyptique Deftones/Team Sleep et A Perfect Circle, influences qui légitimisent la présence de ce groupe dans les colonnes de VS , t'entends jeune pédé? Je mets en gras, parce qu'il y aura toujours un paquet de boulets qui auront pas lu une ligne et qui viendront gueuler pour demander ce que ça fout ici.

La quête du spleen présent dans les activités musicales de Chino "Burrito" Moreno occupe les gaziers sur la majeure partie du disque, entre la voix de Ben, limite méconnaissable, (et ayant eu la lumineuse idée de chanter en anglais), et les riffs de guitares les plus puissants très Carpenteriens. Citons à ce niveau-là des titres comme "Join Us" ou "Water Lily" qui savent brillamment faire mouche. Le travail de production est à souligner, très soigné, et les différents arrangements électro confèrent à l'album une sensibilité Vex Redienne. Le projet étant présenté comme ambitieux, il ne faut pas s'étonner de voir en ces titres un conglomérat de singles taillés pour Oui FM et MTV2, mais la qualité étant au rendez-vous, on ne les reprendra pas sur ce point.

Mais il ne suffit pas de retourner sa veste du côté propre pour se faire encenser. En effet Empyr pèchera principalement par l'aspect patchwork de ses influences, qu'on retrouve disséminées çà et là: "Tiens, on dirait Chino Moreno/Maynard James Keenan !"; "Hey, il était pas sur "White Pony" ce riff?", etc. Et plus enquiquinant, l'album souffrira d'une certaine inégalité. Si "Water Lily" m'avait immédiatement séduit, le soufflé était bien retombé avec le single "New Day", et à l'échelle de l'album, un bon tiers se révèle loin d'être indispensable ou pollué par du trop, trop radiophonique, "The Voice Of The Lost Souls" en tête, ou encore l'inutile "The One".

Bref, on se trouve face à un album plutôt bon (voire excellent si l'on compare aux groupes d'origines). La prod', l'artwork, tout est ultra léché et calibré, mais n'empêche que cette grosse machine faite pour cartonner auprès du lectorat de Rock One mérite le détour. Alors oui, niveau sincérité/talent et cie, ils ne battront jamais leurs influences, mais il faut bien reconnaitre que "The Peaceful Riot" est honnêtement réalisé, et ne possède pas un instant le pouvoir crispatoire des groupes dont sont issus ses membres. Leur passif en laissera pas mal sur le pas de la porte, tant pis pour eux.

Adieu crédibilité. Allez. Armez, en joue! Feu!


Rédigé par : Crown_Me | 13/20 | Nb de lectures : 13171