Alors que leur précédent album m’avait bien titillé le lobe frontal, je ne m’étais guère précipité sur ce nouvel opus d’Empty, tout cela à cause d’un artwork bien moyen signé Chris du même nom. Artiste überkult dans le milieu du metôl mais dont le travail convient mieux à des combos de death velu du fin fond de la crypte hantée par des créatures visqueuses qu’à un groupe sombre et dépressif. Encore un groupe qui mériterait d’être mis un peu plus dans la lumière, un comble pour un groupe venant d’Espagne même si apparemment ils n’aiment pas trop ça le soleil.
Pour ceux qui auraient loupé l’épisode de 2005, nos amis du pays des to-to, du pays des ro-ro, des toros oeuvrent dans un black « dépressif » comprenant quelques velléités progressives qui se matérialisaient par une basse omniprésente s’accordant des envolés solitaires légèrement jazzy.

Je préfère vous prévenir mais il va falloir s’équiper de couches car cette galette possède une ambiance maladive qui file vraiment les jetons. Tout exhale la folie furieuse et la déchéance bien plus que cette satanée couvrante à peine digne d’un train fantôme. Pourtant, ça commence doucement avec ces nappes de clavier et ces chœurs discrets et plaintifs mais passer mais il ne s’agit que de l’intro car l’amorce du premier titre va vous propulser dans un maelström qui risque bien de vous clouer à votre cellule capitonnée.

"The Sense of no Being" vous plonge sans préambule dans une déferlante de blasts secondée de riffs tournoyants et dissonants qui vous aspire dans une spirale infernale. La voix se fait aussi bien criarde que rauque et la basse fort présente vient perturber le schéma mélodique déjà bien chahuté. Un break voit apparaître des chœurs masculins qui évoquent les chants grégoriens soulignés par un léger clavier. Un drôle de black dépressif qui sonne comme de l’orthodoxe mais c’est sans compter sur le final du morceau qui va se fracasser sur les arpèges d’une guitare grésillante et des hurlements en voix claires complètement déliquescents. Dans ce désespoir généralisé vient s’abattre un chant burzumesque, des lignes de basse et un chœur tragique. Ouf !!!

Le reste du périple au cœur de la folie se poursuit dans ce magma qui alternera toutes les nuances possibles du black aussi bien dans la musique que dans les vocaux. Tout est instable, mouvant. Le chanteur schizophrène passe du criard, à une sorte de growl, à des cris à la Silencer en passant par ces plaintes décharnées en voix claire. A ce titre, jetez une oreille sur "How Far I Am From All" où le chant criard lutte en duel avec ce growl plus profond.
De la même manière, la musique n’hésite pas à envoyer du trémolo blasté proche des dissonances d’un DSO, des emprunts au bon vieux black norvégien des années 90, des passages évoquant le black ambient américain, du dépressif et quelques soli complètement dégénérés et déstructurés.
Le morceau titre sort du lot en proposant un leitmotiv hypnotique qui s’avère à la fois plus lourd et atmosphérique où se greffe des voix parlés. J’ai pensé au "Blessed Cursed" de Funeral Mist ; on y retrouve cet aspect lancinant et cinématographique.

Malgré la profusion d’éléments, la pièce se montre parfaitement homogène tant il semble que la volonté première du combo ait été de créer une atmosphère effrayante quels que soient les moyens mis à leur disposition. Ensuite, le son joue un rôle primordial puisque ce dernier unifie les disparités par l’intense sensation d’être au fond d’un gouffre. Je vous rassure la prod reste limpide et puissante bien que cette réverb rende assez mal sur les roulements ou les descentes de toms.

En dehors de cette légère réserve sur le son, quelques objections viennent nuancer ce constat élogieux. Il y a d’abord quelques riffs qui ne fonctionnent pas dans cet ensemble et en particulier cette petite tournure prog qui vient ponctuer le morceau titre. Ca n’apporte pas grand-chose et surtout ce dernier se montre bien trop sympa par rapport au tableau d’ensemble. De même, difficile de passer outre un sentiment de déjà vu sur quelques arpèges suicidaires. L’auditeur remarquera assez vite aussi que la plupart de structures sont assez similaires avec cette succession de passages véhéments et d’accalmie suicidaire. Sur ce principe, on peut trouver les 11 minutes finales un peu longues.

Mais en dépit de ma mauvaise humeur, l’album est tout simplement excellent ! Dès le départ, il vous agrippe à la gorge tel un pitbull frénétique pour ne plus vous lâcher. Même si la basse reste parfaitement audible et virevoltante, on ne retrouve plus les instants jazzy du précédent. Empty a réussi à domestiquer et à intégrer leur tendance prog dans cet écrin purement black. Si vous avez peur le soir au fond de votre lit, faites gaffe, il y a peut-être un Espagnol planqué sous votre couette.


Rédigé par : Dark Rabbit | 16/20 | Nb de lectures : 12823