Imagine.
Tu te réveilles, hébété, le regard hagard, le crâne en vrac, et dont les crispantes vibrations de douleur se répandent dans toutes tes terminaisons nerveuses. Tu as oublié les 12 dernières heures de ton existence, tu ne sais plus ce qu’il s’est passé, ce que tu as fait, où tu es. Et pourquoi ton foutu crâne te fait aussi mal.
Tes fringues sont lacérées, et imprégnées d’une fragrance nauséabonde, évoquant un improbable mélange entre le compost puant et des régurgitation d’alcoolique incontinent. Tu es avachi par terre, sur un sol meuble, humide et puant, qui ferait passer le plancher d’une porcherie pour un matelas haut de gamme.
Tu regardes autour de toi, et distingues, dans l’obscurité oppressante, une sorte de long boyau sinueux, d’environ 1m50 de haut, aux parois râpeuses et souillées, faisant office de couloir. Avec une faible lueur au bout. Très loin, vu sa taille. Mais une putain de faible lueur, dans cet espace glauque et renfermé, c’est une joie indicible.

Tu essayes de te lever. Et t’écroules, accablé de douleur. Tout ton être requiert le repos éternel, tant la douleur est intense. Tu réussis finalement à avancer, en te roulant. En rampant. Tu veux atteindre la lueur au bout du couloir. Tu dois l’atteindre.
‘Fear in A Handful of Dust’, c’est l’illustration sonore de ton mal-être. La bande-son qui t’accompagne dans cette sale demi-heure qu’il te faudra pour rejoindre la lueur, tant bien que mal, luttant à chaque nanoseconde contre la folie, en heurtant systématiquement le plafond irrégulier avec ton crâne, amplifiant à chaque impact la douleur aiguë qui te lacère les sens.

Lourd, lent, oppressant. Violent, évidemment.
Les explosions sonores te transpercent.
ELITIST a considérablement ralenti le rythme depuis son EP, mais compense cela par une lourdeur incroyable. Elle te plaque au sol, t’empêche d’avancer. Et l’ambiance austère, explosive, lancinante qui se dégage de ‘Fear in A Handful of Dust’ t’occulte toute faculté mentale. Ton esprit embué n’est plus qu’occupé par ce raisonnement binaire : la lueur. Atteindre la lueur, pour sortir de ce maelstrom de Death, de HxC, de Black, de Sludge.
Le son, massif, sale, poisseux, te retourne les intestins. Il est énorme, oppressant et ronronnant. Écrasant et poisseux. Exerçant une pression lourde. La basse claque, la batterie est presque naturelle. Comme si tu avais besoin de ça, pour avoir encore plus mal. L’équilibre sonore est parfait, et participe à te vriller les tympans, te faisant perdre notion du temps et de l’équilibre.
Au milieu de cette avalanche sonore, tu distingues des cris. Non, des hurlements, rageurs, inhumains. Fuir, avancer. Atteindre cette putain de lueur, avant que ta raison implose. Les hurlements sont possédés, aigus, criards. Entre Black et Hardcore teigneux. Terriblement expressifs, ils te glacent le sang, te figent, te transpercent.

L’absence de mélodies est contrecarrée par des larsens et des arpèges hypnotisants, ou déstructurés. Qui participent à t’enfoncer encore un peu plus dans ton mal-être intérieur. Et dont les stigmates externes évoquent partiellement, à tour de rôle, GAZA, ENTOMBED, MORBID ANGEL, EYEHATEGOD ou CELESTE. Avec une personnalité unique. Atypique. Dérangée.
ELITIST évolue dans un univers unique, irréel. Parfois expérimental. Toujours extrême, non pas musicalement, mais au travers de cette ambiance sauvage, malsaine. Possédée. Cette ambiance accablante et maussade te colle à la peau, t’entoure dans ce boyau, t’étouffe. Te plaque contre les parois, et t’hypnotise.

Les rares accélérations rythmiques ‘Crust’ ou blastées ne sont que les minces regains d’énergie qui te traversent, et qui te permettent de tenir debout, l’espace de quelques secondes. D’autant plus efficaces et pertinentes, qu’elles sont savamment distillées. 5, 6 pas en avant, et tu t’étales comme une merde dans l’espèce de boue aux relents de déjection. La majorité des tempos restent lents, peu rythmés, t’obligeant à ramper tant bien que mal, pour avancer.

Rien de connu ne peut être rapproché d’ELITIST, à l’image de ce calvaire opaque auquel tu essayes de survivre. Rien n’est assez sombre, malsain, lourd, lancinant et flippant, pour décrire ce que tu ressens. Ce que tu entends.

Surtout qu’une fois arrivé au bout ce boyau infâme, tu réalises qu’en fait de sortie, la lueur n’était qu’un cul de sac, surplombé d’un goulot vertical abrupte de plus de 20m de haut, et au bout duquel est fixée une herse métallique dotée de lames aiguisées.
Fixée par de simples petites chevilles en bois, ancrées dans la roche. Qui lâchent soudainement, dès que tu lèves la tête. Et qui se rapproche de ta pauvre tronche à la vitesse d’un éclair.

ELITIST est insaisissable, perfectible, émotionnellement intense. Encore trop inégal, peut-être trop atypique. L’absence de transition cohérente et de structures nuit partiellement à l’assimilation. Tu aurais aimé un peu plus de consistance par moments, ou un peu plus de logique. De construction. Et de rythme. Mais c’est trop tard.
La herse t’aplatit et de transperce de toute part, dans un fracas énorme. ‘Fear in A Handful of Dust’ s’achève, dans un larsen, dernière torpeur inquiétante. Le supplice s’interrompt, enfin. Non sans laisser, dans une dernière pensée lucide, un sentiment de plaisir masochiste indescriptible.
The End.




Rédigé par : ..::Ju::.. | 15/20 | Nb de lectures : 14807