Même dans un style a priori aussi protéiforme que le techno-death, il suffit parfois de quelques secondes et d'une impression fugace pour faire le tour d’un disque. Avec sa pochette spatiale, ses paroles très science-fiction et ses quelques nappes de claviers planantes mariées à des entrefilets d’arpèges de guitares cristallins en guise d’intro, on pense immédiatement à CYNIC première époque et au final, on en est pas loin avec ‘The Energy’. Manque de bol, une conspiration intergalactique a encore frappé et c’est au final plus une démo de ce qu’aurait dû être le disque qui sort, victime des circonstances.

En gros, bien que composé avec un line-up complet que l’on retrouvait déjà sur ‘Aeons Past’ (2007), ce dernier s’est hélas désagrégé avant l’enregistrement, même si pas bégueules les désormais ex-compagnons du guitariste/chanteur californien, Mason Gregory, l’ont autorisé à utiliser les parties de trois des neuf titres qu’ils avaient composés ensemble (ils sont d’ailleurs remerciés dans le livret). Sauf qu'après avoir tenté sans succès de retrouver de nouveaux cosmonautes, Gregory n’a eu d’autre choix que de tout réaliser chez lui dans son home studio. Et le voyage s’en ressent.

Il y a pourtant quelque chose de rafraîchissant oserai-je dans ‘The Energy’, une sensibilité mélodique et assez européenne et surtout une fluidité qui évitent au tout d’étouffer. Mais même s’il fait de son mieux pour remplir l’espace tout seul comme un grand, Gregory n’évite pas les écueils propres aux one-man band. Notamment à travers une énervante et stérile boîte à rythme et un côté un peu uniforme malgré ses efforts pour varier aussi bien le chant – il alterne par exemple growls bien profonds et imitations plus que réussies de Jon Nödveidt, comme sur le morceau-titre. D’ailleurs, bien qu’il y ait parfois deux ou trois couches de guitares en même temps, le tout garde une sensibilité presque thrash et finit par faire plus penser aux disciples australiens de CYNIC d’ALARUM (tiens, qu’est-ce qu’ils sont devenus eux ?!) qu’à CYNIC lui-même. Et lorsqu’on arrive au bout de ces quarante minutes somme toute très mélodiques, on se rend compte que sans être désagréable, cela reste assez conventionnel et ressemble plus à une variation à l’américaine en ligne droite du son de ‘The Somberlain’ mais avec un peu de ‘Star Trek’ dedans qu’au labyrinthe attendu.

Pour le meilleur et pour le pire, surtout vu les circonstances, ELEMENT ne démérite pas mais refuse (ou n’est pas capable ?) au final de vraiment franchir le fossé qui le sépare des groupes vraiment progressifs et reste avant tout un fidèle soldat du méchant death-metal, volontaire dans sa démarche mais limité dans son ambition par ses petits moyens. Alors tant mieux pour ceux qui aiment peut-être les plans biscornus mais encore plus une brutalité un chouia plus subtile que la moyenne. Et tant pis pour ceux qui espéraient une nouvelle recrue digne de ce nom pour cette sous-famille du metal extrême où les membres se comptent hélas sur le doigt d’une main.


Rédigé par : Olivier 'Zoltar' Badin | 13/20 | Nb de lectures : 12743