Plus important encore que la liberté créative, Eilera semble nous montrer avec ce nouvel EP qu'il n'existe de réelle création que sous la contrainte. Loin de se laisser démonter par la fin de sa collaboration avec le label Spinefarm, le groupe montre une vigueur surprenante et fait d'une situation précaire -l'absence de maison de disque, de structures promotionnelles- une force véritable, une matrice d'idées.
Sur la forme le résultat est surprenant. Nous voilà en présence d'un album qui dévoile sa première partie déguisé en EP, les titres de ce dernier ayant fait l'objet d'une sortie progressive sous format numérique, chacun d'eux doté de son artwork et de son identité propre. Sans réellement s'affranchir du support CD, le groupe affiche sa singularité et profite de l'essor des médias sociaux et des nouveaux supports de communication pour tenter de créer un lien direct avec ses fans.

Le duo historique du groupe composé de Eilera (ex-Chrysalis) et Loïc Tézénas (ex-Kalisia) a profité de ce changement de cap pour devenir trio avec l'arrivée de Jan Sormo à la basse, déjà présent sur les dates finlandaises. Le groupe s'est adjoint en outre les services de musiciens français et finlandais pour compléter le line up en vue de l'enregistrement de ces nouveaux morceaux.
Le résultat final est à l'image de la vitalité du groupe, comme si toute l'ardeur nécessaire pour rebondir sur les vicissitudes de la carrière du groupe s'étaient cristallisées dans leurs compositions, à l'instar de ce « Don't go fight » qui sonne plus heavy que jamais. Dotés d'un son de guitare massif les riffs dégagent une énergie énorme sans oublier pour autant les rivages pop-rock avec lesquels flirtent la musique d'Eilera. Une énergie positive qui sait également se canaliser et faire la part belle à cette atmosphère celtique qui caractérise la griffe du groupe ; les partitions des violons et violoncelles s'intègrent en effet parfaitement à l'ensemble et ajoutent une couleur folk convaincante. Quelques touches electro viennent émailler les compos ici et là pour ajouter une tonalité résolument moderne aux morceaux qui contraste harmonieusement avec les ambiances traditionnelles installées par les instruments à cordes et leurs mélodies entêtantes.
Le chant d'Eilera, puisqu'il s'agit de la clé de voûte du projet a encore gagné en assurance et distille une charge émotionnelle saisissante, tour à tour rageuse ou charmeuse on ne peut que s'incliner devant la justesse de l'interprète qui s'inscrit progressivement aux côtés de ses illustres références. D'ailleurs comme VS est une grande famille je ne résiste pas à l'envie de citer ce commentaire de Sargon sur le premier EP qui résume judicieusement : « ...comme si Björk et Anneke van Giersbergen se tapaient un buff dans un pub irlandais. » Tout est dit.

Au chapitre des regrets je dois admettre que « Darker chapter... and stars » est très court, trop court pour déployer toutes les facettes de l'univers du groupe et marquer durablement les esprits, mais c'est le corollaire du mode de diffusion de cette première partie qui génère un teasing frustrant. Espérons que complété de sa seconde partie l'album formera un tout homogène à la hauteur des attentes créées par ce retour en force.


Rédigé par : #Guillaume# | 7,5/10 | Nb de lectures : 12397