J'avoue avoir pris ma claque fut un temps avec "Green Hell" et ses délirantes lignes mélodiques lancées par un piano survolté. Le temps a passé et l'eau a coulé sous les ponts de la Moselle. L'homme-orchestre Stefan Kozak est aujourd'hui de retour avec un nouvel opus. Vous aviez une chance sur deux et il s'agit bien ici du quatrième Eikenskaden et non d'un cinquième Mystic Forest. Les deux entités étant revenues à égalité, penchons-nous sur le contenu de cet album au titre énigmatique et peu enjoué.

Toujours doté de la patte sonore particulière du Metzin, Eikenskaden présente depuis le début une approche plus mélancolique et plus abordable, là où MF prône le chaos et la complexité. Le projet évolue tout de même de son côté. La surprise vient clairement de l'utilisation du clavier, déjà marginalisé sur les précédents Eikenskaden et qui disparait quasiment de l'avant-scène pendant ces huit nouveaux titres. L'évènement est notable dans une discographie blindée de l'instrument percussif.

Outre des vocaux couverts d'effet, maintenant démocratisés par la "new wave" américaine, les compositions s'articulent autour de rythmiques relativement simples, portées par une basse en fréquent walking. Le tout s'avère mélodique, principalement quand un lead vient illuminer tout ça par sa beauté. La magie est bien là et par instants Stefan Kozak nous propose le meilleur avec des enchaînements de riffs très bien trouvés (le très bon titre d'intro "I hear Voices but they aren't saying a Thing", la partie centrale de "666 pills"). L'apothéose est même atteinte avec le placement de leads ultra-mélodiques à faire pleurer un caillou (le long solo final de "I left Tears in my Thoughts" ou l'intro de "Eternity is not product by Time"). Mais pour ces quelques moments de grâce, il faut aussi savoir patienter pendant des passages moins inspirés. Le gros souci vient (à mon humble avis) des rythmiques assez simples et finalement assez creuses par endroits comme l'intro de "The Death of a Sad Old Man" qui résume bien cet aspect. Cette impression est peut être due à une production peu adaptée pour les rythmiques, contrairement aux solos qui sont lumineux de netteté.

Encore une fois, Eikenskaden nous ressert la même décoction que Mystic Forest a initiée. Ce type de son n'a plus rien de déconcertant de nos jours. Mais il reste adopté pour des productions chaotiques, dérangeantes ou glacialement ambiancées. Quelque chose qui vrombit, répugnant et tapi dans l'obscurité. En tout cas, des productions bien moins mélodiques que ce que cet album tente de nous apporter. Si "There is no light..." est musicalement plus accessible que ses prédécesseurs et les effets rythmiques, notamment les nombreux mutes, créent des "trous" dans le son assez fréquemment. Les attaques main droite ne sont pas régulières, ce qui s'entend très nettement avec un son aussi dépouillé. Par moments, j'ai eu l'impression (somme toute personnelle) d'écouter un enregistrement de répétition (houla, le titre éponyme et ses bends malheureux). Si le propos est ici d'afficher une production assez brute de fonderie, les compos ne vont pas dans le même esprit et, du coup, y perdent souvent en intensité.

Au final, je trouve que cet album manque de finition et ne propose que quelques compositions ébourriffantes en contre-partie. Les inconditionnels du tandem Mystic Forest/Eikenskaden y trouveront leur compte. La gémellité entre les deux formations est si forte que je me demande toujours ce que donnerait un seul plus étoffé. Pour ma part, je me garde mon "Green Hell" bien au chaud, véritable coup de pied dans la fourmilière en son temps. Depuis, la fourmilière ne fait qu'être piétinée. A conseiller aux fans.


Rédigé par : Prince de Lu | 12/20 | Nb de lectures : 13373