EIKENSKADEN - 665.999 (tUMULTt) - 21/07/2004 @ 17h24
Stefan Kozak c'est le pour et le contre en cinq secondes chrono. Confronté à n'importe lequel de ses albums (Eikenskaden ou Mystic Forest), n'importe qui se rangera assez rapidement - et en général définitivement - à l'un des pôles du thermomètre des valeurs: j'aime ou je déteste, je fonce ou je me bouche les oreilles, je trouve ça classe ou je trouve ça ridicule. Pas de demi-mesure ne veut pas dire qu'une catégorie de personnes a raison et l'autre tort, mais que la façon singulière avec laquelle ce jeune Lorrain à la plastique de catcheur grec façonne son ouvrage n'appelle pas de réaction partagée. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas sourcillé d'inquiétude lorsque mon illustre collègue Sheb - alias le Viking au plumage savane- égratignait sans vergogne "The Last Dance", pénultième méfait en date d'Eikenskaden (bouclier de chêne pour la stricte minorité non-scandinavophone de nos lecteurs).
A peine plus de quatorze mois vingt-deux jours à vol d'oiseau se sont écoulés que, tel une brise de saison, le nouvel album débarque avec la ferme intention de venger son petit-frère et de poser sa crotte avant de déguerpir. Mêmes armes, même punition - autre label, le confidentiel tUMULt Records (le label des hallucinés Hammers of Misfortune) prenant le relais de Sacral Productions pour une raison qui ne sera pas développée dans ces lignes, et pour cause je l'ignore... et je m'en tape. Dès sa première seconde, "665.999" se réfugie dans le noir. On se croirait largué au milieu d'un immense entrepot vide (?) à la Silent Hill, criblé de résonances sans origine, où toutes les issues semblent fermées et, de fait, sont fermées. Le son du piano qui s'élève quelque part sur la droite monte peut-être de quelque part sur la gauche, on s'en fout il est partout, inerte et lugubre. Beau aussi. Un petit piano d'école, et tout de suite le tUMULTe décolle. Les enceintes me beuglent une purée ignoble à la face, j'encaisse, tout va bien!
La formule racine de l'homme Kozak commence à bien bourgeonner depuis le temps. Si les guitares ont toujours la consistance de la toile émeri et l'aspect de la rouille, s'arrêter à ces caractéristiques serait désormais un flagrant délit d'oeillères ou d'archivage avant écoute. La nouveauté, c'est que la carapace de la musique présente des entrées accessibles sans même avoir dépassé le seuil de la démence légère. A chacun de décider si c'est une bonne chose, toujours est-il que c'est davantage qu'un embryon de structure qui court sous la chair abrasée des guitares et lui donne sa forme. En d'autre termes il y a de la moëlle dans l'os: les riffs sont aussi couillus que stratégiques et la composition ne s'endort jamais trop longtemps sur une idée avant d'opérer, de façon tout à fait fluide, des virages radicaux en matière de style de jeu et de masse sonore. Mieux, "665.999" capitalise sur une ambiance glauque constante qui balade l'auditeur comme une boule de flipper entre inflexibilité, épilepsie et un grand sentiment de solitude voire d'appréhension, à son apogée lors des attentes entre la chute verticale d'un morceau et le vagissement primal du suivant. En général je préfère éviter de mettre au pinacle un titre plutôt qu'un autre, mais je collerais bien une mention spéciale à l'éponyme pour son double-rideau de guitares cycliques, très dark metal, qui en fait probablement la compo la plus abordable du garçon à ce jour, en même temps qu'une des plus charismatiques.
Stefan ne gratte plus à la psychopathe, il bâtit. Il ne dilapide plus ses notes, il gère. Il ne taboule plus, il... bon OK il taboule, gravement même, mais c'est pour votre bien, tout bon médecin vous le dira! Quant aux parties plus light, elles ne sont pas traitées comme le passager arrière que l'on implique occasionnellement dans la conversation. Elles bénéficient d'une véritable assise atmosphérique couplée à des ajustements de modèle rythmique bien plus élaborés qu'une simple décélération de la frappe. Par exemple "Sharp Edged Iron Trees", qui vers les 1'15 glisse avec beaucoup de naturel dans un aparté mid-tempo au ton désenchanté effleurant presque - en plus acide - le Katatonia d'autrefois. Et le leitmotiv au piano évoqué tantôt ne pense pas une seule seconde à détaler - dès que la mitraille retombe, il se saisit du gouvernail et devient en quelque sorte le marque page qui atteste de la maturité du CD, en traduisant son épine dorsale par un visage immédiatement identifiable, propre à quitter durablement ses sillons d'adoption pour partir hanter l'esprit de la victime, instant après instant.
Après "The Black Laments Symphonie" et "The Last Dance", deux apologies du bordel à l'ouest de la scène black hexagonale, Eikenskaden entre pour de bon dans l'âge de déraison et semble se donner les moyens de sortir des disques arrimés, aptes à laisser une trace. En tout cas celui-ci a une belle carte de visite à faire valoir. Du black non plagié, du black à caractère, du black outrageusement bien joué (si, si...), du black de truand: Stefan, achète un chanteur et c'est gagné! Avec "Absolute Zero" et l'instrumental "Feelings from the Past", la mélodie au pinceau refait surface sur le tard. Une façon tout à fait digne de tirer le rideau, même si le coup de Beethoven cadre un peu moins bien dans le contexte d'ensemble que sur le dernier Mystic Forest par exemple, où la reprise de partitions classiques faisait le jeu.
Même si Stefan se fait fort de clamer que "665.999" est avant tout une production spontanée, qui descend des tripes et n'obéit à aucune structuration, on tient bien l'album qui, une fois pour toutes, installe l'entité Eikenskaden comme quelque chose de plus profilé qu'un exutoire tutti-frutti à Mystic Forest: un projet à part entière avec sa propre personnalité et ses propres cibles. Peut-être même que, dans le sillage de leur placement sur deux labels différents (une première), Mystic Forest et Eikenskaden sont en passe de subir une scission artistique plus profonde qu'il n'y paraît, à l'image de deux siamois qui en viennent au scalpel à force de se chamailler pour un lopin de cerveau. Si tel est le cas, souhaitons que l'opération ne laisse aucun des deux sur le carreau.

http://www.eikenskaden.tk - 404 visite(s)


Rédigé par : Uriel | 15,5/20 | Nb de lectures : 8443




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Commentaire
langoustator
Membre enregistré
Posté le: 21/07/2004 à 21h24 - (9614)
J'y pense zak, t'aurais pas approvisionné le black fields de quelques exemplaires par hasard?
Ou si t'en as directement...


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