N’avez-vous pas entendu parler de ce groupe fou qui, en pleine possession de ses moyens, allumait une mèche dans la scène Brutal Death et se mettait à blaster et innover sur la place publique en criant sans cesse : «'Reign Supreme' ! Je cherche Dieu ! Je cherche le BrutalDeath/Core !»
Comme il se trouvait là beaucoup de metalleux qui ne croient pas en cette musique, son cri provoqua une grande hilarité : « A-t-il donc été perdu ? disait l’un. S’est-il calmé, assagit ? demandait l’autre. Ou bien s’est-il écrasé ? A-t-il peur d’évoluer ? S’est-il endormi sur ses lauriers ? A-t-il périclité ? » — ainsi criaient et riaient-ils pêle-mêle.

Le Fetus sauta au milieu d’eux et les transperça de ses riffs acérés, de ses growls expressifs et de son groove implacable.
« Où est allé le BrutalDeath/Core ? s’écria-t-il, je veux vous le dire ! Nous l’avons tué, — vous et moi ! Nous tous, nous sommes ses assassins !
Mais comment avons-nous fait cela ? Comment avons-nous pu vider le BrutalDeath de toute son attractivité ? Comment avons-nous pu douter, comment avons-nous pu copier et plagier avec si peu d’intérêt ? Comment avons-nous pu adouber et encourager l’apparition d’autant de clones et de suiveurs ?
Qui nous a donné l’éponge pour effacer l’horizon ? Qui nous a permis d’oublier les fondamentaux du style, faits d’attractivité et de groove ?

Qu’avons-nous fait lorsque le Fetus a détaché les résidus de banalité de son écorce métallique ? Qu’allons-nous faire maintenant que le Fetus a raffiné et embelli son art ? Où le conduisent maintenant ses mouvements ? Où le conduisent nos headbangues ? Loin de toutes les critiques ? Loin de toute faiblesse ?
Ne tombons-nous pas sans cesse ? Ne jouissons-nous pas à nouveau d’une telle osmose ? D’un tel groove, d’une telle harmonie ? D’une telle efficacité ?
La subtilité du talent n’est-elle pas pleinement de retour ? "Killing on Adrenaline" n’a-t-il pas enfin enfanté son rejeton ? "Destroy The Opposition" n’a-t-il point enfin son rival ? Autre style, autre époque, continuité parfaite ?
Le Fetus n’est-il pas revenu à son meilleur niveau, implacable réalisme de cette brutalité écrasante mais incroyablement efficace, et de ce potentiel headbanguant terriblement élevé ? Le Fetus ne s’est-il simplement pas réapproprié les codes du style, qu’il a en parti participé à créer ?

Y a-t-il encore un en-haut et un en-bas ? N’errons-nous pas comme à travers un néant infini ? N’headbanguons-nous pas comme à travers une jouissance infini ?
Le Fetus nouveau ne nous achève-il pas de son efficacité ahurissante ? Les riffs ne sont-ils pas incroyablement énergiques ? L’inventivité n’est-elle pas revenue d’entre les morts ? N’il a-t-il pas cette béatitude nouvelle lors de l’écoute de 'Second Skin', 'Revisionist Past' ou 'Dissidence' ? Ce plaisir des fugaces surprises survenant au détour de changement de rythmes étonnamment pertinents ? Cet émerveillement que l’on croyait réservé aux enfants, à la découverte d’enchainements de riffs mélodieux captivants et de rythmes entrainants sublimés ?

Le Fetus n’a-t-il pas (enfin ?) retrouvé inspiration et extase ? Ses riffs, ses soli, incorporant des pointes de changements, des fragments de sweeping, des parcelles de néoclassicismes, des éclats aiguisés, des saccades galvanisantes, et surtout des explosions de mélodies accrocheuses, ne sont-ils pas le reflet d’une sérénité reconquise ? Ne faut-il pas monter le son ? Ne faut-il pas ôter ses œillères ? N’entendons-nous rien encore du bruit des fossoyeurs qui enterrent Dieu ? Ne sentons-nous rien encore de la décomposition divine ?
Ne comprenons-nous point la prouesse réalisée par le Fetus, qui a réussi à se renouveler et renouer avec une créativité artistique que l’on croyait perdue, tout en embellissant son incroyable groove et sa brutale puissance inégalée ?

Dieu est mort ! Le BrutalDeath est mort ! Et c’est nous qui l’avons tué ! Comment nous consolerons-nous, nous, les meurtriers des meurtriers ? Avec quelle brutalité musicale pourrons-nous nous purifier ? Quels albums sacrés serons-nous forcés d’aimer, quelles expiations pourrons-nous désormais aimer ? La grandeur de ce 'Reign Supreme' n’est-elle pas trop grande pour nous ?
Le Fetus n’a-t-il pas atteint le subtil équilibre lui permettant de faire évoluer son style reconnaissable ? De le faire grandir et mûrir, en pleine cohésion, tout en poussant à son apogée l’efficacité et la violence salvatrice ?
Ne sommes-nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux pour du moins paraître dignes des dieux ? »

Ici l’insensé se tut et regarda de nouveau ses auditeurs : eux aussi se turent et le dévisagèrent avec étonnement. Enfin il jeta à terre son ogive, en sorte qu’elle se brisa en morceaux et l’écho des décibels s’éteignit. « Je viens trop tôt, dit-il alors, mon temps n’est pas encore accompli. Cet événement énorme, ce 'Reign Supreme' est encore en route, il marche — et n’est pas encore parvenu jusqu’à l’oreille de tous les metalleux. Il faut du temps à l’éclair et au tonnerre, il faut du temps à la subtilité du talent, il faut du temps à la subjectivité. Cet album-là se déguste, se découvre et se révèle au fur et à mesure des écoutes ! »

On raconte encore que ce Fetus aurait pénétré le même jour dans différents lieux d’écoute, et y aurait entonné son Requiem brutalam deo. Expulsé et interrogé il n’aurait cessé de répondre la même chose : « A quoi sert donc 'Reign Supreme', s’il n’est pas à la fois la sépulture, l’épitaphe et le renouveau du Brutal/DeathCore? »
Car l’insensé Fetus, celui qui a posé les bases de ce style, celui qui l’a porté et représenté, a décidé de l’achever.
Pour mieux le recréer. Le sublimer. Et rappeler à tous, qui Il est.
Que son règne continue.


Rédigé par : ..::Ju::.. | 19/20 | Nb de lectures : 17567