La musique n'est bien souvent qu'un cycle. Après la genèse, est venu le temps du foisonnement. Après le cri primal du black metal, sont apparues de nombreuses formations. Beaucoup ont copié, certaines ont tenté de se démarquer, d'innover, d'oser le mélange. Puis le genre s'est auto-consumé, souffrant de trop de répétitions. Le black metal est retourné à la fange, à la rage, dans l'ombre, avant de foisonner encore plus. Trop de répétitions ont rendu aujourd'hui le style exsangue. Mais certaines formations tentent encore de se démarquer, d'oser le mélange. Là, on en vient aux Suédois de Dråpsnatt.

L'année dernière I Denna Skog avait déjà frappé un gros coup de massue sur la table. Ça partait dans tous les sens, à se demander s'il est possible d'attraper une anguille avec les mains. Cette année, ce sont neuf nouveaux hymnes que le duo apporte par l'intermédiaire d'une co-production de deux labels russes. Des Suédois signés chez les Russes!! Le monde à l'envers! Et cette impression de retournement de la casbah ne fait que commencer.

Le mélange, Hymner Till Undergången l'ose. Vous vous demandez peut-être à quelle(s) formation(s) je pensais en écrivant le premier paragraphe, cette première vague d'expérimentation où Dråpsnatt va puiser. A l'écoute des Suédois, je pense à la richesse d'un Aspera Hiems Symphonia, assez semblable dans la complexité de ses structures et ses volte-faces aventureux, dans ses hurlements portés par le grésillement des guitares et de nappes fantomatiques, dans son refus de toute classification trop facile.

Mais une influence plus directe se dessine également au détour d'une ligne de basse solitaire, d'arpèges propices à faire fondre de tristesse un caillou ou dans ce picorage constant parmi tout l'éventail du metal. Et là, je pense à The Eerie Cold de Shining, la multiplicité de ses thèmes, la volonté de nous plonger dans l'interrogation, dans son refus de toute classification trop facile.

Vous l'aurez saisi, Dråpsnatt ne se laisse pas saisir si aisément et exige même souvent l'abandon total de son auditeur. La formation manque peut-être parfois de virulence pour mes goûts du moment. Elle ose aussi parfois enfoncer quelques portes trop grandes ouvertes ou trop laisser suinter son côté Shining. Mais globalement le duo suédois apporte un album riche, un de ceux qui peuvent laisser rêvasser allongé sur le canapé. A notre époque où tout est désiré et voulu immédiatement, la promesse de se perdre pendant des heures dans la forêt ne peut se refuser.


Rédigé par : Prince de Lu | 16/20 | Nb de lectures : 14200