C’est déjà carnaval ? Non, parce qu’il y a quelques jours je me suis subitement réveillé en train d’épousseter ma vieille panoplie de Winnie l’Ourson, pataugeant dans une mare de guirlandes à paillettes et de cotillons pastels dont j’avais aspergé ma chambre, en proie à une transe semi-consciente apparemment déclenchée dès les premières effluves de cet album. Je devrais me soigner…
Parce que attention, Dorn est tout sauf le groupe qui génère des pulsions festives et de la naïveté bon-enfant chez l’individu. Les paroles sont tellement extrêmes et blasphématoires que leur seule lecture intimide jusqu’au traumatisme, florilège :
« Les prisons sont des hôtels trois étoiles, bâties pour les méchants avec notre argent » (« Gerechtigkeit »)
« C’est si dur d’être un homme, trop souvent la raison l’emporte et la voix du cœur faiblit, tu la perds dans un silence bruyant » (« Dorns Herz »)
« Moi aussi je dois apprendre à écouter mon cœur car il dit tant de choses, le mal contre le bien, les ténèbres contre la lumière, ça veut tout dire mais je ne comprends toujours pas (sic) » (Introduction)
« Et même si tu reconnais tes erreurs et si tu commences à changer, personne ne te croit, personne ne veut savoir, sauf s’il y a de l’amitié, alors là le règne des ombres prendra fin. » (« Schatten der Vergangenheit »)
« L’argent est jaune, et jaune est ta jalousie » (« Wahre Macht »)
C’est beau, hein ? On dirait du Van Damme.
Trève de billevesées. Le but de ces quelques citations est d’apporter une justification de soutènement à la descente sans complaisance de cet album par l’idée qu’il se fonde sur une médiocrité rarement atteinte dans le domaine de l’assise conceptuelle – et en plus c’est tout en rimes et en allemand, ce qui finit d’arranger le tableau.
Si le précurseur « Brennende Kälte » maintenait encore assez bien les apparences avec son profil direct et son complément symphonique confiné dans les couloirs de l’utile, il ne fait aucun doute qu’il s’est entre-temps produit un joyeux événement quelconque dans la vie de Roberto, ce qui a visiblement dynamité les frontières de sa raison. Le clavier est désormais copieusement suremployé, avec pour conséquence à moitié logique de faire reculer les guitares à l’arrière-plan et d’amoindrir d’autant l’effet de puissance. Qui plus est (et surtout) le choix des motifs orchestraux laisse sans voix. En forçant juste à peine le trait, « Schatten der Vergangenheit » nous projette aux plus belles heures du Manège Enchanté, le chant death en bonus. Dorn c’est la fête, Dorn c’est l’allégresse retrouvée ! Un festival de bonheur sucre d’orge caractérisé par un jeu stéréotypé à l’équerre et au papier calque estampillé gothic metal germanique de mauvais goût (Crematory, Graveworm…), qui dérive dès les premières secondes en comptines guillerettes et autres fôlatres arabesques, le speech growlé bien en cadence avec la ponctuation burlesque des couplets. Un chant death qui perdant du coup toute raison d’être devient parfaitement superflu et demeure le dernier obstacle entre Roberto et La Chance aux Chansons.
Allez c’est bon, j’arrête d’écrire n’importe quoi, de toute façon cet album m’écœure. Tout bien exécutés qu’ils soient (d’où une note encore bien indulgente), les morceaux sont désespérants et aussi vides d’âme que de sens, le livret est torché de la pire des façons et Roberto est toujours torse-poil sur la pochette. J’aurais voulu me montrer plus diplomate parce que je sais que Loufi aime bien Dorn et Loufi est un garçon pour lequel j’ai la plus profonde sollicitude, mais j’ai bien peur qu’il y ait désastre. Et quand je songe qu’à ses débuts ce groupe a reçu des comparaisons avec Emperor, ça me donne envie de laisser tomber le metal et de me remettre à Manowar…


Rédigé par : Uriel | 06.5/20 | Nb de lectures : 7678