Ce n’est un secret pour personne, je n’ai pas beaucoup d’affection pour la scène française. Oui, je sais, je suis méchant pas beau tout plein. Et alors ? C’est mon droit et je le revendique. Ou alors c’est une tare, un atavisme. Mais je me soigne, promis ! Heureusement, de temps à autre, frappé par la grâce, divine ou pas, un intrus parvient à se faufiler dans les mailles et à éviter le coup mortel de mes fourches caudines. Et DISHARMONY est celui-là. Comme quoi, il ne faut jamais désespérer. Et même que là, je vais en faire des tonnes. C’est parti.

D’abord félicitations au groupe des alpes maritimes pour l’effort fait sur le feuillet 4 pages couleur très complet qui accompagne le cd. Il s’avère précieux pour mieux comprendre la démarche des musiciens et le processus de création. Le cd, lui, pressé par Musical Epidemy est proposé en boîtier cristal avec livret. Ça change des CD-R gravés à l’arrache et envoyés avec une simple photocopie noir et blanc où des textes vantards et abscons côtoient des vraies fausses kroniques, élogieuses comme il se doit. D’accord, l’important c’est ce qu’il y a dans l’assiette. Mais, quand même. Un bel emballage, ça n’a jamais nuit à qui que ce soit. Surtout quand il s’agit de faire sa promo. Que nous apprend donc ce riche document ? Tout d’abord que Reversed Involution est le premier album du quartet sudiste. (Proche voisin du boss, si j’en crois l’enveloppe. Y-aurait-il collusion ou trafic d’influence ? Hum ! Je vais diligenter une enquête interne.) Bref, sa conception s’est étalée sur 3 ans et que le résultat peut dérouter le commun des mortels. Moi, quand on m’annonce d’entrée que je risque de n’y rien comprendre, je ne peux m’empêcher de trouver ça indispensable. Rassurez-vous, DISHARMONY a un peu forci le trait, histoire de conjurer le sort. Certes, son métal technique uniquement instrumental ne se digère pas à la première écoute. Mais, de là à penser que leur musique est hermétique, il y a un fossé que je ne franchirais pas. Les influences de chacun des 4 musiciens sont, il est vrai, larges et tout à fait estimables. Rémi Lefèvre, guitariste soliste extrêmement doué, avoue écouter Cacophony, Metallica, Archenemy, Marty Friedman, Jason Becker ou Loudblast. Khoriass, l’autre grateux, a joué avec Sexual Blasphémy et se gave de Megadeth, Pantera, Freak Kitchen, The Gathering, Decapited, The Doors, Paris Combo (!), Death, Carcass, Dream Theater. Gorgio, le bassiste, a connu diverses formations et ses influences passent par Magma, Mike Patton, Marduk ou Sikth. Enfin le batteur Orifist est issu du conservatoire de jazz (ça s’entend) et a joué avec Agressor, Imperial Sodomy et Belef. Il est friand de musique extrême comme Vader, Krisiun, Immolation, Disgorge, ou L.T.E. Vous voyez le tableau ? Un tel brassage ouvre des perspectives appétissantes. Si je vous liste toutes ces influences, c’est que peut-être, au détour d’un riff ou à l’entournure d’un solo, vous reconnaîtrez l’une ou l’autre. Ce qui vous permettra de mieux appréhender la combinaison qui en résulte.

Cependant, et bien que respectueux de toutes ces formations qui font les choux gras de V.S, la musique de DISHARMONY, c’est surtout du LTE ou du D.T/SYMPHONY X sans les paroles. 18 compositions assez brèves (pas plus de 4’) qui explorent tous les styles –ajoutez-y une pincée de jazz- avec beaucoup de sérieux et une authentique dextérité de la part de 4 musiciens ambitieux et généreux. Le groupe avoue réfléchir à la possibilité d’intégrer un chanteur. Bien que conscient de la difficulté d’imposer le tout instrumental, je dis « attention à la marche », elle est souvent casse-gueule ! Allez, fidèle à ma réputation, je vais enfiler mon costume bleu de schtroumf grincheux. Dans ce flot de bonnes choses, je distingue ici ou là quelques passages confus et répétitifs comme si les protagonistes avaient compliqué leur musique à l’excès et que, s’en étant aperçu, ils tentent une manœuvre de récupération au moyen d’une boucle déjà utilisée. Ben oui, ben oui, fallait bien que je casse cette image quasi idyllique. Oh mais tout ceci est bien compréhensible et en aucune manière une raison de passer à côté. Il s’agit d’un premier album dans un genre difficile et exigeant. On leur pardonnera volontiers ces petites faiblesses d’autant que DISHARMONY a une vraie personnalité et une marge de progression significative.


Rédigé par : Karadok | 15/20 | Nb de lectures : 14099