Le bon : Lorsque j'ai eu le nouvel album de Disbelief entre les mains, je savais déjà qu'il allait me plaire... et ce avant même de l'avoir écouté... Pourquoi ? Et bien les 2 précédents albums du combo allemand m'avaient vraiment convaincu et avaient même été pour moi des surprises détonnantes. Avouez que leur mixture personnelle des styles de Neurosis, Morgoth et Voivod, le tout à la sauce death, a de quoi séduire. J'ai donc placé « Spreading the Rage » entre mes oreilles et je suis tombé dedans comme un enfant à qui on donne un Kinder Surprise, c'est bon et le meilleur est à l'intérieur. Plus direct que « Worst Enemy », « Speading the rage » fait mouche dès le commencement pour vous tenir en haleine pendant l'intégralité du disque…
Stop, à ce moment là j'ai été envahi des questions existentielles suivantes... syndrome classique du chroniqueur devenu fan : « Je manque de recul ? Je m'excite pour un groupe car il combine les styles de certains de mes groupes cultes ? Ne serait-il pas plus judicieux de proposer un avis externe vis-à-vis de cet album plutôt que celui du fan que je suis devenu ? »… Autant de questions qui m'ont poussé à demander à mes amis Tonton et Uriel de vous faire part de leur opinion sur cet album qui m'enthousiasme toujours autant jour après jour…
17/20

La brute : Quand la rumeur a commencé à circuler au sein de l’équipe de VS que je n’avais pas été renversé par ce nouvel album de Disbelief, certains ont eu du mal à imaginer jusqu’où irait ma mauvaise foi pour rédiger une chronique négative d’un album qu’ils allaient encenser. Mauvaise foi : non, objectivité exacerbée : oui !
Pourtant, je l’ai écouté un sacré paquet de fois ce CD et à chaque fois j’ai ce même sentiment de déception. C’est clair que dès le début de l’album je suis toujours scotché sur place par l’attaque puissante de titres comme « Ethic Instinct » ou « To the Sky ». Le genre tempo au marteau pilon qui vous secoue les tripes et captive l’attention. Seulement, au fil des morceaux cet impact s’étiole petit à petit pour finalement rendre la fin de l’album longue et poussive. Pareil pour le chant déchirant et rauque : au début je l’ai trouvé excellent pour finalement me dire que ces grognements, dans la grande tradition des soins palliatifs pour cancéreux, me portaient sur le système au plus haut point. Après le cinquième titre, Disbelief s’essoufflent et leur style de métal super heavy cesse petit à petit d’être captivant pour devenir juste ennuyeux et linéaire. Et c’est vrai qu’il est long ce CD : presque une heure !!! Peut-être que le groupe s’en serait mieux sorti sur un album plus court au feeling plus concentré. 12/20 parce que le début est assez énorme

Le truand : Hé, la brute ! Tu sais aussi bien que moi que dans le métier il y a ceux qui creusent… et ceux qui arrêtent de creuser avant d’avoir trouvé le trésor. Or tu as beau être un vétéran de la gachette journalistique et un vieux renard du décibel en acier trempé, tu ne m’ôteras pas de l’idée que ta vision de cet album est largement étroite. D’un autre côté je veux bien comprendre que tu sois déconcerté par le fait que le profil atypique de Disbelief diffère substantiellement des patterns sonores auxquels tu es acclimaté depuis que tes Pampers ont été remisées au grenier… En effet, si aller jusqu’à dire que Disbelief ont inventé un style serait probablement présomptueux, il ne fait par contre aucun doute qu’ils ont pris d’assaut une case du grand échiquier des métissages stylistiques sur laquelle personne avant eux n’avait daigné - osé ? - s’aventurer.
Alors, tu nous dis que l’album s’essouffle après le cinquième titre, et là je m’interroge : est-ce que ce ne sont pas plutôt tes tympans qui s’essoufflent ? As-tu essayé, juste pour voir, de débuter une écoute au sixième morceau ? Parce que concrètement, des détonateurs implacables comme le monstre de pilonnage rythmique « Death Will Score », « For Those who Dare » et son arrière-plan truffé d’harmonies en demi-ton géniales ou encore le bien-nommé « Addiction » et son savoureux entracte bluesy n’ont franchement pas grand chose à voir avec du rebut de fin de session, encore moins avec du remplissage. Et que dire de la reprise directe et efficace du « Democracy » de Killing Joke, qui envoie valser une joyeuse salve de plomb dans les babines peu avant l’extinction des feux ?
Autre chose : c’est vrai que l’album est long, mais je n’aurais de cesse de béer d’incompréhension chaque fois que quelqu’un tourne ça en argument négatif. Pour moi il est très clair que plus il y en a, mieux c’est, a fortiori lorsque c’est du caviar premier choix !
Dans l’aspiration de cette diligence rutilante, n’oublions pas de décerner un award spécial au producteur de la galette, lui qui a su transmettre à la musique une profondeur colossale, dont la plus frappante manifestation est la palette de niveaux sonores sensationnelle dont dispose la batterie dans le mix, une véritable manne pour accentuer à loisir la puissance et la variété d’impact de parties tirant fréquemment sur les pulsations tribales. « Spreading the Rage » est de ces albums qui rechignent à laisser la moindre seconde de répit. Même si les tempos sont fort changeants et même par moments peu astreignants, on peut difficilement parler de break ou de relaxation, surtout en vertu du fait que la menace ne dort jamais et que l’adrénalinomètre peut grimper de 0 à 100 en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire : Disbelief ont la virgule rageuse et rembarrent les temps morts pour bien faire comprendre à l’auditeur qu’il est séquestré entre quatre murs et que l’issue n’en apparaîtra qu’au terme du temps de jeu… et encore !
Ce cher VsGreg alias Clint a parfaitement puisé dans son escarcelle de métallologue averti les groupes que l’on peut associer aux bourreaux de la Hesse, même s’il convient de prendre le parallèle Neurosis avec des pincettes car, au-delà des correspondances effectives dans l’instrumentation, la musique dans sa globalité sert un feeling beaucoup plus rectiligne et moins suffocant. Je me permettrai à mon tour d’ajouter deux références de mon cru, à savoir Sepultura pour les vocaux amples et creusés comme un champ de labour, et - avis aux connaisseurs - un soupçon de Thy Serpent époque « Death » pour la façon de déployer des mélodies de guitares à la fois lourdes (batterie aidant) et exaltantes à travers leur rancœur même.
D’un bout à l’autre de cette année 2003, on aura pu enregistrer la prise de territoire des musiques dites post-quelque chose… Ces ovnis pas encore bien maîtrisés et pourtant pas si incongrus par leur aspect qui se font un devoir d’enrichir le vocabulaire des styles primaires en leur appliquant de nouvelles figures techniques et en les excentrant de leurs contextes esthétiques : post-jazz, post-rock, post-hardcore, post-black metal (avec réserve), post-death metal, à vot’ bon cœur messieurs-dames ! A la crête de cette nouvelle vague, Disbelief préparent leur domination par un album référence pour les générations de groupes à venir, et il y a fort à parier qu’ils ne vont pas tarder à faire partie du paysage pour beaucoup de monde, on the road ou en studio, fidèles au « post » !
17/20
http://www.disbelief.de


Rédigé par : VsGreg, Tonton et Uriel | 17/20 + 12 | Nb de lectures : 10484