Torturé, Glauque, Massif, Ecorché, Cauchemardesque… Les qualificatifs permettant de décrire succinctement DISBELIEF sont aussi nombreux qu’insuffisants. Nombreux, parce que tous ceux qui évoquent de près ou de loin souffrance et malaise peuvent faire l’affaire ; insuffisants parce qu’il serait réducteur de ne résumer ce groupe hors normes qu’à une suite d’adjectifs, aussi pertinente soit-elle.

En dix ans, l’intervalle séparant l’originel « Disbelief » du dernier cauchemar des allemands « Navigator », leur métal hybride a constamment évolué et semble depuis l’exceptionnel « Spreading The Rage », sorti en 2003, avoir atteint ce qu’on pourrait appeler sans jeu de mot douteux sa vitesse de croisière. « 66Sick », paru deux ans plus tard, avait bien mis l’accent sur la brutalité avec des compos plus directes et des tempos plus rapides, l’essence de l’album restait malgré tout cette torture de l’esprit inspirée par des textes et des ambiances invariablement noirs de chez noirs.

Avant même la sortie du septième hurlement de désespoir de DISBELIEF qui est l’objet de cette chronique, les images du futur artwork ne laissaient planer aucun doute sur sa teneur : un navire au nom disbeliefien, Misery, visiblement seul et aux prises avec une mer sombre et déchaînée, dont on ne sait finalement pas s’il sort de la tempête ou s’il est sur le point de se faire engloutir par les flots, il n’y avait guère de chances pour que « Navigator » soit un hymne à l’amour et à la joie de vivre ! Un pressentiment bientôt confirmé par les dix morceaux de l’album, à la fois dotés d’une dimension épique qui rappelle AMON AMARTH et empreints d’une souffrance insondable. Le côté groovy (d’aucuns diraient néo) développé par le groupe depuis quelques albums est toujours là (cf. l’écrasant titre éponyme), mais il a tendance à laisser cette fois de la place à des riffs plus accrocheurs, comme HYPOCRISY pourrait le faire. N’allez cependant pas chercher de références précises, DISBELIEF est unique dans son genre. Comme MORGOTH à l’époque de leur chef d’œuvre « Odium » (chroniqué dans la section Remember), avec qui il partage la même attirance pour les ambiances hypnotiques et malsaines, il évolue dans un univers à part, comme prisonnier d’une dimension parallèle où tout ne serait que souffrance, déception, rejet, solitude.

Avec « Navigator » vous embarquerez pour un voyage au cœur de la tourmente, serez cloués au sol par d’écrasantes rythmiques, séduits par de vicieux arpèges, vivrez les cauchemars de Karsten Jäger (chant), dont il se fera un guide inquiétant et vociférant. Votre corps sera pris d’un irrépressible balancement autistique tandis que votre esprit se rendra là-bas, dans ce monde désolé duquel parviennent les cris déchirants de ce chanteur hallucinant. Violente et émotionnelle, la musique de DISBELIEF est une expérience particulière qui nécessite une attention toute aussi particulière. On n’entre pas dans un album de DISBELIEF comme on entre dans un album d’AC/DC, il faut à chaque fois un petit temps d’adaptation afin d’en saisir toutes les nuances et toute la finesse qui se cachent sous cette déferlante décibélique, proche d’une sorte de post-hardcore surpuissant mêlé de néo metal (on a un temps qualifié le groupe de néo death).

Un petit mot sur la production avant de terminer, quelque peu décevante si on la compare aux deux précédents disques, dont s’étaient occupés Tue Madsen (GOREFEST, DAGOBA, ABORTED) et Andy Classen (HOLY MOSES, CALLENISH CIRCLE, BELPHEGOR). Le son de « Navigator » est plus cru, moins dynamique, dommage car il donnerait presque l’impression que le disque est lui-même moyen, que le groupe a perdu de sa puissance habituelle. Heureusement ce n’est pas le cas, et on finit par se faire à cette prod. On n’en apprécie par la suite que plus le nouvel album, qui avec le recul de trois semaines d’écoutes s’avère être l’un des plus complets de la discographie de DISBELIEF, trippant comme « Spreading The Rage », brutal comme « 66Sick », accrocheur comme « Shine »… indispensable quoi !


Rédigé par : Dungorpat | 17/20 | Nb de lectures : 14591