Au bout de quelques jours d'écoute, j'avais émis la remarque suivante à propos de Disbelief : "ce groupe a une marge de progression phénoménale". Du coup, pour étayer ma thèse, je me suis mis à réécouter les albums en ma possession et force est de constater que les allemands ont naturellement progressé à chacun de leurs six albums. Non pas avec des bottes de sept lieux mais avec des sauts d'une puce de bonne famille. Si les eaux dans lesquelles le groupe naviguait étaient encore quelque peu impersonnelles à ses débuts, le troisième effort "Worst enemy" aura véritablement vu la consécration d'un groupe unique, au style propre, qui représente grossièrement le sommet d'un triangle aux bases duquel on trouve le death-metal à l'ancienne et un métal ultramoderne que certains appelleront post-hardcore. Soit. Si ça peut leur faire plaisir. Malheureusement, le groupe n'a peut-être pas le succès escompté, leur présence au bas de l'affiche des inévitables et mercantiles tournées brutales de chez métalysée accommodée à un son live trop brouillon ne leur ayant pas été profitable du tout. Dans la famille des incompris, je voudrais le fils. Le problème est donc là : Disbelief est un groupe de bourrins, qui joue de la musique qu'on pourrait penser bourrine mais qui ne s'adresse pas forcément aux bourrins. J'ai eu tout loisir de tester l'impact de la musique du groupe sur des amis adeptes du hard rock brushing-style ou d'un métal formaté MCM et je n'ai que rarement rencontré la désapprobation typique d'une écoute forcée de brutal death. Disbelief est donc passé maître dans l'art de jouer gras pour les fins gourmets. La celluliteuse et agaçante Maïté ne viendra pas me contredire.
Je n'ai toujours pas parlé du nouvel album ? Ah. Toutes mes confuses. Ce "66sick", est dans la continuité directe du génial "Spreading the rage" sorti en 2003. Ce sentiment est renforcé par l'intro "66" qui ressemble étrangement à "The beginning of doubt" du précédent effort. On pourrait penser à un manque d'inspiration mais il n'en est rien. Les nouveaux titres sont ravageurs et une bonne moitié d'entre eux figure déjà dans les classiques du groupe aux côtés des éminents "Misery", "To the sky" ou "Ethic instinct". "66sick" est peut-être l'oeuvre la plus variée de la carrière du combo teuton. On trouve des morceaux vraiment rentre-dedans, à la rythmique proche du hardcore comme "For god" ou bien le schizophrène "Crawl". La force du groupe se manifeste aussi dans des morceaux plus modérés comme le single "Rewind it all (death or glory)" où Karsten montre qu'il sait moduler ses vocaux de mieux en mieux, ce que l'on constate avec bonheur et surprise sur "Continue from this point" où il s'exerce en voix claire de manière plutôt convaincante sur les couplets (si c'est bien lui, je n'ai pas plus d'info à ce sujet). On notera l'influence évidente du mythique Martin Van Drunen (Asphyx, Pestilence et autres) dans sa manière de vociférer. Si l'on ne trouvera point de reprise sur cette galette -"Spreading the rage" en comportait une géniale de Killing Joke-, je trouve que l'album en gagne en unité et qu'il ne s'essouffle pas sur la fin comme on l'a peut-être déploré auparavant. "66sick" se finit d'ailleurs sur un "To atone for all" du meilleur effet, qui peut faire penser au dernier Cult of Luna. Seul "Lost in time" semble moins inspiré que le reste mais l'excellence de morceaux comme "Sick", le mélancolique "Edges" ou le vicelard "Try" rattrape largement cette minuscule baisse de régime.
Il est évident que Disbelief ne va pas changer de style musical du jour au lendemain. Leur aptitude naturelle à composer des morceaux simples et accrocheurs est la garantie de trouver à chaque fois des albums de qualité et à ne pas laisser la sensation à l'auditeur qu'il écoute toujours le même disque. C'est pourtant un risque que le groupe assume entièrement en officiant dans sa catégorie, à savoir un death pesant, souvent mid-tempo sur lequel s'érige un mur de guitares quasi-permanent. La cuvée 2005, avec ses arrangements de grande classe, ses riffs aussi tranchants que mélodiques, son influence hardcore clairement assumée et ses morceaux qui tiennent la route aussi bien qu'une Volvo haut de gamme, est à nouveau d'un niveau exceptionnel. Disbelief représente tout ce que j'aime dans le métal, à savoir un savant cocktail qui mélange agressivité contrôlée, force de caractère et simplicité dans la mise en place et l'exécution des morceaux. Les amateurs de musique barrée s'ennuieront certainement ferme. Pendant ce temps là, je me régale.


Rédigé par : Loufi | 18,5/20 | Nb de lectures : 13026