Rares sont les disques que j’ai achetés sur la foi d’une seule chronique (celle de Velvet Mag en l’occurrence). Et pourtant « And The Sky Shall Descend » fait partie de ceux-là, comme si un pressentiment m’avait saisi. Je sentais que je n’allais pas regretter mon coup de tête, et effectivement Dirge ne m’a pas déçu !
Pour planter le décor, voici deux chiffres : quatre titres, plus de soixante-treize minutes de musique. Le premier titre éponyme « And Shall the Sky Descend » nous plonge de plain-pied dans l’univers glauque, sombre, noir de ce groupe parisien. En près de vingt cinq minutes, c’est à un véritable puzzle sonore auquel est confronté l’auditeur. Une intro à la basse, pesante, des guitares saturées, des voix qui naviguent entre le psalmodié, le hurlé, le glauque, des ambiances lourdes et pleines de mélasse. Et au moment où le morceau semble mourir de sa belle mort après plus d’un quart d’heure de tourments, arrivent des cordes qui relancent la machine vers un superbe final où se côtoient des voix chantées (presque comme un cantique ou une complainte), des solos destructurés, des mélodies souterraines et toujours cette noirceur viscérale. Les autres morceaux adoptent peu ou prou cette ligne de conduite qui consiste majoritairement en des riffs ultra plombés presque doomesques répétés encore et encore, des arpèges saturés, une basse vrombissante, une batterie au jeu lourd et profond ainsi que du sampling deci-delà. Et parfois se font entendre quelques éclaircies que sont les voix féminines de Flore Magnet, toutes en retenue et pleines d’indécision, les parties arpégées en son clair des guitares ou encore les passages avec violon et violoncelle dans une utilisation très proche de celle de My Dying Bride. On trouve aussi quelques traces de didjeridoo et de trompette pour varier les sonorités. Ces passages calmes permettent à l’album de respirer, mais une grande tension sous-jacente reste palpable et cet album ne laisse finalement aucun répis à l’auditeur, qui est littéralement pris aux tripes par cette musique poignante. Il va de soi que les textes sont loin d’être une ode à la gaieté, et contrebalancent le calme des passages mélodiques en restant sombres envers et contre tout. Il est toutefois dommage que les paroles prononcées par Flore ne soient pas inscrites sur le livret.
J’ai pensé à la noirceur de Eyehategod ou de Cut The Navel String, à la tension de Portobello Bones voire de Unsane, à la mélancolie de My Dying Bride, le tout mâtiné de doom et de sludge. « And Shall The Sky Descend » est une œuvre dense, riche, profonde, envoûtante, un véritable travail d’orfèvres de la noirceur. Comme un ciel avant l’orage, chargé d’électricité mais où parfois le plafond est transpercé par un rayon de soleil... Tout simplement superbe !


Rédigé par : Ocean? | 16.5/20 | Nb de lectures : 10733