Alors que l’« aboutissement » est une fin, un arrêt, quelque chose qui ferme, le « devenir » est ouverture, avancement et projet. Dirge nous délivre ici un son en « projet ». Pas mûr et pas « abouti » diront certains mais tellement plus riche de ce non-aboutissement justement.
« Wings of lead over dormant seas » est en perpétuel mouvement, en déséquilibre constant. Trébucher, c’est finalement aller en avant. Et ce qui nous fait trébucher ici, c’est la multiplicité de sons et de textures issus de nombreuses sources parfois bien lointaines du post-core. Car si le squelette de cet album est bien à rapprocher d’un Kill The Thrill par exemple (au hasard…), les intentions electro-noise qui parcourent l’ensemble ne seraient pas reniées d’un maître japonais du genre. À tel point que l’on arrive parfois à de pures compositions electro-ambient dont l’intro d’épicentre se fait la représentante. Autre référence, la clôture du premier CD constitue un élément complètement à part. Pas de hurlements ni de récurrence mid tempo propre au style mais deux voix de femme et d’homme se répondant en échos dans une ambiance des plus sombres, à la limite du genre new wave… Une illustration de la dualité de Dirge que l’on retrouve par le choix même du support car vous l’aurez compris, l’album se découpe en deux sections.
Le second CD est donc quant à lui un morceau d’une heure, éponyme de l’album, éprouvant, pesant et magistral. Evidemment ce style n’appelle pas franchement à se rouler dans l’herbe fraîchement coupée en chantonnant que la vie est belle, mais à ce point… C’est une pure dépression auriculaire que cet album nous fait subir. Ça sent les limbes et le néant. L’oraison funèbre d’une humanité en déclin. Dirge utilise à peu près tout ce qui est à même de vous plonger dans la mélancolie et le bad-mood. Violoncelles, section de cuivres, nappe synthétique et textes psalmodiés nous envoient en prière intérieure. Une prière d’absolution car l’issue au sortir de ce WOLODS n’est pas des plus enchanteresses.
La production a l’intéressante particularité d’être assez personnelle. A savoir qu’elle sort des poncifs aseptisés du style. Elle ose. Notamment la reverb sur les voix et les sons à la Yamaha DX7. On est encore une fois assez proche de Kill The Thrill en la matière et cette manière d’aborder le son nous fait croire à l’émergence d’un style français dans ce genre musical.

Excellente suite au déjà très bon « And shall the sky descend », « Wings of leader over dormant seas » devrait finir d’imposer Dirge sur la scène post-core internationale tant il semble évident que cet album est voué à traverser esprits, cultures et continents.


Rédigé par : Be-oN | 17/20 | Nb de lectures : 12610