Stormblåst (et on prononce toujours Stormblôst pour avoir l'air chic en soirée BM). L'évocation de ce titre me plonge immédiatement dans une grande nostalgie. Le milieu des 90's, les groupes Cacophonous, l'apogée prochaine du black sympho... Les deux albums "Stormblåst" et "Enthrone Darkness Triumphant" forment la période charnière de Dimmu Borgir. L'époque maintenant lointaine où ils vont passer du groupe de seconde zone maladroit de "For all Tid" au groupe concurrent mercantile direct du Cradle de "Dusk and Her Embrace". Ahh la belle époque où les deux anciens compagnons d'écurie se balançaient des piques dans les pages des magazines, crachant chacun sur le côté commercial de l'autre, poses ivol à l'appui... Mais avant d'en arriver là, Dimmu devait encore faire son chemin de croix inversée au travers de "Stormblåst": de la naïveté des débuts au professionnalisme d'aujourd'hui, en passant par la sincérité de cet album. Le plaisir d'écouter l'édition Cacophonous est encore là: même si le son est faiblard, même si les compos sont parfois naïves, cet album est représentatif d'une époque et reste assez tripant à s'envoyer des années après sa parution.

Quelle est donc l'arrière-pensée de cette réédition alors que l'album original se trouve encore aisément dans le commerce ? Silenoz et Shagrath n'ont jamais caché leur déception concernant le premier pressage, album jugé raté malgré les réactions positives du public. Certes, l'ancienne édition ne correspond plus du tout au Dimmu actuel mais une décennie de riffs a coulé sous les ponts. Dimmu a-t-il honte de son passé ? Ou bien le groupe cherche-t-il à rendre accessible à son nouveau public cet ancien album rebutant pour des oreilles soignées à coup de méga-production ? Hélas, même en retournant le problème dans tous les sens, il ne faut pas chercher plus loin que le porte-monnaie pour trouver la raison de ce ré-enregistrement. Le groupe ne touche pas de royalties de cet album feu-Cacophonous. Une simple histoire de sous... Bah, peut-on reprocher à un groupe de vouloir vivre de sa musique ? Allez, on lui donne une chance en occultant la démarche commerciale digne d'un George Lucas...

Avant d'insérer le CD dans la platine, un petit tour par la track list. "Sorgens kammer" est passé à la trappe, les droits d'auteur appartenant à Amiga. Les Dimmu, déjà filous, avaient "emprunté" le morceau au générique du jeu Agony. Le groupe propose donc un "Sorgens kammer - Del II" ("partie 2" littéralement, se sont pas foulés pour le titre). Hélas, le promo dont je dispose ne contient pas le dernier titre, l'inédit "Avmaktslave", ni la partie DVD de l'album avec l'enregistrement complet du concert de Dimmu au Ozzfest 2004. Tout cela sera dispo sur l'album final, vous vous forgerez un avis vous-mêmes... Dernier écueil et non des moindres, tous les titres du promo subissent un fade au deux tiers de leur durée environ. Une fois bien plongé dans le morceau, au moment de l'amorce du pont le plus souvent, zou fade out... Je ne me suis jamais plaint d'un promo mais j'avoue que ce traitement des compos est assez singulier. Il est difficile de savoir si tel ou tel bout n'a pas été amputé par le procédé. Comme option anti-piratage, j'aurai préféré que Nuclear Blast adopte une voix promo similaire au dernier Dark Fu. Je ne dispose pas de l'artwork, ce qui est assez habituel. J'aurais aimé savoir si la photo de Shagrath imberbe avec son chapeau rigolo est encore dans le livret. Tant pis. Play.

Malgré les écoutes, mon avis reste plus que mitigé. Il y a du bon. Pas dans "Sorgens kammer - Del II" qui n'apporte pas beaucoup de sang au moulin. Le titre qui tourne sur un riff principal peu inspiré s'avère plat et relève du easy Dimmu. Pas non plus dans la disparition de l'intro de l'album au piano, qui sera à confirmer avec l'édition finale. Non, le bon est ailleurs. Le jeu vitaminé d'Hellhammer apporte beaucoup aux titres les plus toniques comme "Alt Lys er Svunnet hen", "Når Sjelen Hentes Til Helvete" ou " Dødsferd" (qui gagnent énormément en patate). Sur les morceaux les plus mid tempo comme "Broderskapets Ring" ou les gros couplets/refrains avec des chœurs, l'adjonction de synthé fait sonner le morceau plus puissant indéniablement, même si ces nouveaux arrangements ne cassent sincèrement pas des briques. Les Dimmu ont conservé les structures originales et se sont contentés de relifter le son et rendre carré les morceaux. Toutes ces petites innovations donnent à l'album le côté moderne et professionnel qu'il n'avait pas. Et c'est justement là que le bât blesse.

L'œuvre originale comportait de nombreux défauts qui en faisaient le charme. Ces imperfections créaient une ambiance "organique" qu'il est bien difficile de trouver dans cette réédition léchée mais clinique. C'est bien trop propre pour le modeste niveau de composition d'un Dimmu 96. Quelqu'un qui découvre Stormblåst avec ce pressage ne sera peut-être pas choqué. Mais quelqu'un qui suit Dimmu Borgir depuis longtemps ne peut qu'être gêné par ce qu'il jugera être un ré-enregistrement qui manque sincèrement d'âme, une simple relecture des morceaux sans aucun recul. Si les Dimmu s'étaient permis de recomposer, réarranger, restructurer, bricoler avec amours, gloire et beauté, le résultat aurait pu satisfaire les plus vieux fans. Mais là, l'intérêt est plus que limité... Et si je pousse un peu mon raisonnement, je dirais qu'ils feraient mieux de composer pour le prochain album plutôt que de perdre du temps à proposer ce produit mercantile. C'est comme si Metallica se mettait à ré-enregistrer "Kill'em All" avec Bob Rock aux manettes. Laissons à l'œuvre originale sa magie première...

Au final, les auditeurs des deux périodes de Dimmu seront peut-être séparés par cette réédition. Vous n'avez pas "Stormblåst" dont vous avez jugé le son trop daté ou vous souhaitez découvrir cet album, vous pouvez tenter votre chance avec cette édition. Vous avez "Stormblåst", retournez l'écouter.


Rédigé par : Prince de Lu | Réédition mercantile/ | Nb de lectures : 17327