ZeSnake : Etant donné la carrure du groupe, on va pouvoir se passer de présentations, je précise juste que nous avons affaire ici au 9ème album de DIMMU BORGIR (8ème si vous ne considérez pas Stormblåst MMV comme un album, 10ème si vous considérez Godless Savage Garden et Stormblåst MMV comme des albums). Album qui, à part chez les fans, n’aura pas été trop réclamé malgré les 3 années écoulées depuis la sortie d’In Sorte Diaboli, considéré par beaucoup comme un album plutôt faible (voire pire). Pour ma part je le considère juste comme un album correct de DIMMU BORGIR, basique mais efficace, sans plus. Et après ce disque relativement moins symphonique que Death Cult Armageddon, le désormais trio norvégien a décidé de remettre un bon coup d’orchestre dans son art sombre.

Groupe désormais trio, car Vortex et Mustis n’ont pas été « officiellement » remplacés. Le trio compositeur de cet Abrahadabra (et seuls à apparaître sur les photos promo) est donc Shagrath-Silenoz-Galder, qui sont accompagnés de Daray à la batterie (qui curieusement ne semble pas être considéré comme membre à part entière du groupe) et de Snowy Shaw à la basse et au chant clair (oui, il est finalement là, mais il est reparti depuis… enfin bon). Les claviers sont ici assurés par Shagrath et un certain Gerlioz. Et puis bien sûr, il y a tout l’orchestre et les choristes derrière.

Abordons tout de suite l’aspect symphonique de cet album, qui est nettement prédominant conformément à ce qu’on pouvait attendre. Il y a eu un énorme boulot abattu de ce côté, et autant dire que ceux qui sont allergiques à ce genre d’envolées épico-lyriques peuvent passer leur chemin, encore plus que pour Death Cult Armageddon. Les autres seront conquis, même si les symphonies développées sont assez différentes de ce qui était pratiqué sur Death Cult Armageddon. Si sur ce dernier, le côté quasi-martial pouvait évoquer la BO d’un Medal Of Honor (je pense en particulier à "Eradication Instincts Defined"), ici on pensera plus à un film d’aventures vampirique à la Van Helsing. Les orchestrations sont nettement plus grandiloquentes, à mi-chemin entre l’interlude de In Sorte Diaboli ("The Fallen Arises"), l'outro de Puritanical Euphoric Misanthropia ("Perfection or Vanity") et les passages pompeux (dans le bon sens du terme) de CARACH ANGREN. D’ailleurs cet Abrahadabra se rapproche beaucoup de ce que nous avait proposé les clones hollandais (no offense, je les apprécie beaucoup) sur Lammendam, ce qui est assez flagrant sur les cavalcades de "Ritualist" par exemple. Ce côté très grandiloquent peut donc rebuter, mais il est totalement assumé donc je n’y vois pas de problème, si ce n’est de goûts bien évidemment. Le tout tombe parfois dans l’excès, je pense en particulier à "Dimmu Borgir" qui risquera de faire hurler ceux qui ne supportent pas NIGHTWISH, mais je trouve le côté épique de ce morceau assez jubilatoire, morceau qui est à prendre comme un hymne, même s’il aurait été plus judicieux de le mettre en guise de « générique de fin » plutôt qu’au milieu de l’album. Mais dans sa globalité l’apport de l’orchestre est vraiment convaincant, très travaillé et réussi, souvent magnifique et proposant des orchestrations très variées, admirablement bien intégrées aux morceaux. De ce côté Abrahadabra est une réussite, mais n’oublions pas que DIMMU BORGIR est censé être un groupe de Black Sympho et pas de Metal Symphonique tout court…

Car du côté purement Metal, Abrahadabra n’est pas forcément très étoffé. Certes, le groupe ne nous avait pas spécialement habitué à enchaîner les riffs de tueur, mais il y avait quand même de bons passages mortels sur Puritanical Euphoric Misanthropia. Sur Abrahadabra DIMMU BORGIR s’est dépensé pour les parties symphoniques et y est allé à l’économie pour le reste. Il y a quand même quelques cavalcades thrashy du plus bel effet ("Born Treacherous", ou l’excellent "Chess With the Abyss"), mais sans plus. Détail qui a son importance, on entend bien la basse, ce qui est une première pour le groupe. C’est peut-être pour bien montrer que Snowy Shaw est dans la place, mais ça fait son petit effet sur "A Jewel Traced Through Coal" par exemple. Daray fait son boulot correctement derrière les fûts mais son jeu n’est pas exceptionnel, surtout sur les blasts que je trouve assez quelconques. Mais parlons un peu des blasts car DIMMU BORGIR a quand même décidé d’envoyer la sauce sur les 3 derniers titres. Je n’ai jamais été fan des titres les plus bourrins des Norvégiens (comme "Master of Disharmony", "IndoctriNation" ou autre "Cataclysm Children") mais sur cet album ça passe beaucoup mieux. "A Jewel Traced Through Coal" évoque parfois du BEHEMOTH, "Renewal" propose des accélérations salvatrices bien que le titre soit assez anecdotique, et les parties rapides de "Endings And Continuations" sont jouissives à souhait. DIMMU BORGIR n’est pas forcément inspiré, mais tente des choses. Mais en tentant de tenter, le groupe se retrouve un peu le cul entre deux chaises : on a l’impression d’avoir affaire à un groupe qui se cherche encore ! L’expérimentation avec l’orchestre est très intéressante mais je trouve qu’elle n’est pas encore tout à fait aboutie, le groupe aurait pu faire encore mieux. Mais on sent une envie de réinvention chez les Norvégiens, comme les expérimentations diverses et variées avec le chant. Shagrath varie bien ses lignes et ses intonations, l’apport de Snowy « Cloclo » Shaw est très convaincant dans le registre grandiloquent de l’album, les invités assurent le show (Agnete Kjølsrud sur "Gateways" et l’inattendu Garm sur "Endings And Continuations", dommage que le groupe n’ait pas réussi à l’avoir sur un album complet), et les chœurs en fond sont géniaux. En revanche ça coince un peu au niveau de certains refrains : scander plusieurs fois le titre du morceau, ça marche bien la première fois (surtout quand c’est appuyé par les chœurs : "Born Treacherous"), un peu moins la seconde ("Gateways"), plus du tout la troisième ("Ritualist"). L’album est assez déséquilibré, les 4 premiers titres (hors intro qui est un peu anecdotique) sont excellents, puis il y a un petit coup de mou en milieu de disque (notamment à cause de "The Demiurge Molecule" qui est très plat malgré le côté martial des orchestrations), avant une fin détonante. Le tube de l’album est pour moi le percutant et varié "Chess With the Abyss", mais "Born Treacherous", "Dimmu Borgir" (si si) et "Endings And Continuations" se défendent bien. DIMMU BORGIR va vraiment à l’essentiel sur ce disque avec des titres qui ne dépassent jamais 6 minutes, ce qui constitue un contrepied aux longues plages comme "Kings Of The Carnival Creation" (et globalement une bonne partie des titres de Puritanical Euphoric Misanthropia) ou "Eradication Instincts Defined". Bref pour moi un album plus proche de In Sorte Diaboli (que je ne trouve pas catastrophique, attention), qui aurait hérité de certains atermoiements symphoniques de Death Cult Armageddon.

En guise de bilan des courses, et en ayant du mal à cacher mon engouement pour le groupe qui m’a fait découvrir le BM il y a quelques années (il y a un début à tout), je trouve que Abrahadabra est un bon album de DIMMU BORGIR. Le côté symphonique est fignolé de fort belle manière, il est juste dommage de constater que le groupe n’assure pas plus que ça derrière. Mais c’est un album de DIMMU BORGIR pur jus avec quelques petits éléments nouveaux, tout ceci est suffisant pour me satisfaire. Il y a à boire et à manger avec des titres excellents et d’autres sans grand intérêt mais dans sa globalité le disque est bon. Pas exceptionnel, pas le meilleur du groupe, mais juste bon. Je termine en précisant que je dispose de l’édition boxset-digipack-booklet-die-hard-evil-to-the-death, qui est très classe : une sorte de boîte noire comportant l’album dans un digipack en croix accompagné d’un livre très épais présentant les paroles et de nombreuses images hivernales et post-apocalyptiques sorties de l’imagination de Joachim Luetke. A réserver aux fans aguerris mais c’est un bel objet, il n’y a pas de foutage de gueule avec cette édition (hormis le titre bonus qui est juste le titre "Gateways" en version avec l’orchestre seul, idéal pour le karaoké : « nyaanyanyaaaanyaaanyaaaa… Gateways ! »). Et pour la musique, il n’y a pas de foutage de gueule non plus (quoi qu’on en dise, après chacun son avis).
Note 14/20

Madrigal : Dimmu Borgir a toujours été un groupe à part... Chacun aura sa version DU groupe qui a inventé le Black Metal Symphonique mais avec une sincère honneteté il est impossible de ne pas dire que c’est bien ce groupe norvégien qui a en a gravé les lettres de noblesses....

Tous les albums du groupe ont marqué une étape importante dans cette histoire et surtout une véritable évolution. Imaginez un peu le chemin parcouru depuis "Stormblast" ou même "For All Tid". Certes "Spiritual Black Dimensions" aura vraiment apporté une reconnaissance importante au groupe et même un passage sur Canal + à une heure de grande audience mais c’est surtout "Puritanical Euphoric Misanthropia" qui a fait entrer le groupe dans le BM Symphonique du 21ème siècle. Ce fut bien en 2001 que le groupe s’assit sur le trône du BM Symphonique à tendance grand public on va dire. L’impact du son version mastodonte et de l’orchestre fut décisif pour Dimmu et un pas fut franchi à jamais.

"Death Cult Armageddon" enfonça pourtant le clou de manière assez classique jusqu’à la véritable faute de goût que fut "In Sorte Diaboli"... Un album peu inspiré de black-thrash inintéressant et soporifique au possible. C’est dire que le départ qui suivit de Vortex et Mustis avait fini par sortir le groupe de nos esprits pour ne laisser place qu’à la moquerie. Certes ses têtes pensantes ont toujours été Shagrath et Silenoz mais il est impossible de nier l’impact sur la musique du groupe des 2 autres cités précédemment.

Alors à ce jour tous les fans et détracteurs les plus extrêmes du groupe ont déjà tous écouté le nouvel album, "Abrahadabra", sur myspace et Deezer et y sont allés de leur petits commentaires...

Vous qui aimez la musique et n’avez pas peur de sa diversité, faites fi de tout ça et laissez-vous aller car avec cet album au titre pourtant ridicule vous aurez droit à un superbe album! Prenez tout ce qui a caractérisé la musique du groupe jusqu’à lors (le bon comme le mauvais), ajoutez-y une bonne dose de heavy, un son de malade et enrobez tout ça d’une magnifique participation du clone de Danny Elfman, le compositeur Gaute Storaas et les 51 membres du KORK (Kringkastingsorkestret soit en français, orchestre de la radio norvégienne) et les 38 membres de la chorale Schola Cantorum et vous obtiendrez une oeuvre déjà incontournable.

Tout y passe, l’excellent black sympho grandiloquent qui semble issu tout droit de la BO d’Harry Potter, "Gateways", le heavy black bien léché, "Born Treacherous", le fabuleux "Ritualist" et sa toute petite intro à la guitare sèche faisant même penser que le groupe cherche à nouveau à faire du black avec une vraie ambiance, et même 2 morceaux parmi les plus violents du groupe depuis "Behind The Curtains Of Night Phantasmagoria", les “bien nommés” "A Jewel Traced Through Coal" et "Renewal". Osez sincèrement me dire que les blast beats et solos retrouvés ne sont pas assez jouissifs ? Certes nous n’avons pas affaire à du Origin mais tout de même ça faisait longtemps que Dimmu ne nous avait pas livré de la musique de cette qualité.

Alors tout n’est pas parfait, on trouvera bien 2 ou 3 riffs moyens, un morceau intitulé "Dimmu Borgir" que le groupe a certainement voulu sortir comme étendard mais n’a réussi à faire qu’un bon trip sans saveur mais il est impossible, sauf pour certain bien pensants restés bloqués dans les années 90, de ne pas savourer cette nouvelle “enfin” bonne offrande. Il est sûr que la prédominance de l’orchestre peut chambouler ou avec une écoute peu attentive faire sourire mais ce serait tellement dommage de vous priver tant la qualité est archi présente à un moment où on ne donnait pas cher de la peau du groupe. Rien que pour ça, c’est album est indispensable...

PS : bon OK j’adore cet album mais vous ne me ferez pas sortir de la tête que la mélodie du premier riff de "Gateways" et ses coups de caisse claire/cymbales sont très très proche du riff principal d’"April Ethereal" d’Opeth sur "My Arms Your Hearse"... Quand même, la même mélodie, le même plan de batterie en fin de riff, grosse coïncidence sûrement mais moi j’y pense à chaque écoute...
Note 15/20


Rédigé par : ZeSnake & Madrigal | 14.5/20 | Nb de lectures : 18628