Les années passant, Diamond Eyed Princess était rentré dans la catégorie des one-shots, ces groupes qui sortent un album fruit d'années de travail avant de sombrer dans les méandres du temps. Certes ils ont niqué Axl Rose et Bran Barr, mais neuf années séparent tout de même Pagan Rites de ce second opus dont l'annonce a surpris son monde. Neuf années pendant lesquelles le monde a tourné et vécu, y compris le monde imaginaire que s'est façonné DEP. Certes, le groupe avait participé au second volet du tribute à Falkenbach, mais on craignait de rester sans nouvelle composition à se glisser sous le chicot. Il faut dire que la formation s'est de plus en plus focalisée sur son univers, les membres du groupe s'attelant à la pratique d'instruments traditionnels pour étayer d'une touche médiévale plus importante leur musique.

Ainsi, DEP est toujours plongé dans le monde médiéval fantastique (osons le terme fantasy) qu'il s'est créé. Si Pagan Rites suivait l'histoire de Vigïa, princesse du royaume de Ghamäl, Korgueläal nous narre l'épopée de Gueläal, écuyer au service du roi à qui il va arriver des misères (sinon, on se ferait un peu chier). Ceux qui désirent approfondir le récit pourront se délecter du livret compris dans le superbe digibook concocté par le groupe. Ils pourront suivre sur la carte les pérégrinations des personnages et compléter le tout en téléchargeant les journaux personnels des deux protagonistes principaux des albums sur le site du groupe. Pour une fois qu'une édition limitée Northern Silence n'est pas un attrape-nigaud, ne vous privez surtout pas.

Et la musique dans tout ça? DEP le crie haut et fort "nous n'avons rien à voir avec la scène pagan". Effectivement, il ne me serait pas venu à l'idée de comparer DEP à Eluveitie, Korpiklanpin et autres pets foireux poussés lors une soirée avinée en se faisant des gros clins d’œil complices. DEP donne plutôt dans le black mélodique à tendance médiévale. Et si vous voulez absolument placer le terme "pagan", il faudra aller le chercher du côté de Belenos. A la différence du black médiéval d'un Raate, DEP sonne résolument metal et évoquera également Falkenbach (le chant clair sur "Korlgueläal"), voire Aeternus (et donc encore Belenos par ricochet) dans sa recherche de riffs écrasants ("Tüm Dralver Flöna") ou Ancient pour les riffs plus lancinants ("Klön"). Il reste évidemment des inserts plus folk, ceux-là même qui portent à confusion vis-à-vis du pagan-tsoin-tsoin (la chanson à boire "Svarn Lak Dral"). Mais ces moments d'ambiance n'ont rien à voir avec le recyclage/essorage de la musique traditionnelle réalisé en continu par la pagan actuel. Ils sont là pour appuyer le récit, à la manière d'un livre musical, tout comme Árstíðir Lífsins l'a montré récemment.

Réalisé en partie à la maison, l'enregistrement tient toute ses promesses. Le son est puissant et clair. Les vocaux variés rendent très bien et, malgré la multiplicité des protagonistes sur certaines parties, chacun reste bien perceptible. Hormis un synthé parfois un peu cheap, le plumage est à la hauteur du ramage. Espérons que de nombreux gueux feront l'effort de venir jeter une esgourde avertie sur un album qui vaut son pesant de dragées. Si Korlgueläal peut sembler hétérogène de prime abord, l'immersion est garantie avec le livret sur les genoux. Un album de grande classe tout simplement, qui donne envie de se cogner le torse de fierté qu'il vienne de notre contrée, même s'il rêve de cavaler dans une autre.


Rédigé par : Prince de Lu | 17,5/20 | Nb de lectures : 16791