« Il souffle un vent nouveau sur la scène progressive ». Ça, on doit l’avoir lu un paquet de fois sur le net. Il est toutefois nécessaire de nuancer cette affirmation. C’est à moitié vrai et donc à moitié faux. Par exemple, les formations clairement estampillées « rock prog » ne sont pas concernées par cette remarque. Elles sont trop empêtrées dans l’héritage des anciens. Bien qu’utilisant des outils modernes, trop souvent elles perpétuent un style vieillot sans grande imagination. Et si quelques-uns parviennent à tirer leur épingle du jeu, la majorité obtient des résultats à l’image des cours de la bourse.

A l’opposé de cette démarche, d’autres essaient de réellement apporter du sang neuf. Et parmi ceux-là, il y a 2 attitudes : les francs du collier et les hypocrites. Quand certains groupes tentent de nier avec véhémence leurs coupables adultères avec le genre honni, d’autres plus jeunes, mêlant audace et talent n’hésitent plus à revendiquer une évidente filiation. Cependant, entrevoyant les risques et les dangers d’un tel aveu, cette audace les pousse à casser les canons et les codes du progressif traditionnel en délaissant les références trop « marquées ». (Yes, Genesis, ELP).

C’est le cas de Diagonal.

Originaire de Brighton, les 7 musiciens (!) ont pris le parti eux de ressusciter l’esprit aventureux de formations pionnières ou fondatrices du early rock psychédélique, celui de Quick Silver Messenger Service ou du Greatful Dead, le Floyd de Barrett, du canterburry à la sauce Soft Machine, du jazz rock tendance free à la King Crimson et du progressif iconoclaste de Vander Graaf Generator. Tout en méprisant royalement l’industrie du disque ! Ce qui n’est pas sans problèmes quand il s’agit de se faire distribuer et connaître auprès du public. Il faut assumer pareille contradiction ou se contenter d’autoproduction avec tous les aléas que cela comporte.

Finalement, c’est le label anglais Rise Above qui a volé au secours de Diagonal. Fondé il y a 20 ans par l’ex-Napalm Death, Lee Dorian, il s’est fait une spécialité dans la distribution de groupes de Stoner/Doom. (Sheavy - Orange Goblin – Electric Wizard – Grand Magus). Mais il promeut également des groupes de l’Avant Garde ou pour le moins en marge de la production actuelle.

Au catalogue de Rise Abose on trouve aussi des formations telles que Serpencult, Moss, Blood Ceremony, ou Wichtcraft que vous connaissez sans doute. En tout cas, il explore des univers barrés anciens et résurgents de la scène fin 60 début 70 ou plus modernes voire contemporains. Etant donné le pedigree affiché des Anglais, il était particulièrement bien placé pour les signer.

Le menu de leur premier album est donc en parfaite adéquation avec cette philosophie quelque peu hors la loi et qui affiche un certain aplomb en laissant de côté l’orthodoxie largement surreprésentée sur la scène progressive: 5 titres et 46 minutes suffisent à illustrer cette démarche en dehors des clous. Dénuées de technicité excessive, ces 5 longues pièces (entre 5 et 14 minutes) font appel à une instrumentation variée – saxo - mellotron, - hammond qui sert de base à des sonorités atoniques, des atmosphères troubles et des développements déjantés plus ambiants que virtuoses. Un son très seventies et une voix à la Jim Morrison concourent également à donner du cachet à ce propos aussi déroutant que captivant.

Et si l’envie vous prend de chercher une similitude dans le cheminement et la construction avec des formations contemporaines, il se pourrait bien que la scène scandinave la plus sombre soit la bonne cible. Anekdoten surtout, Anglagard ou Cirkus un peu moins. Et ce ne sont assurément pas les plus mauvais.

Il faut en tout cas du temps et une bonne dose d’ouverture d’esprit pour apprécier cet hommage à la musique « étrange ». En ce qui me concerne, après un mois au régime Diagonal, me voilà suffisamment convaincu pour en faire au moins la curiosité de cette année.


Rédigé par : Karadok | 15/20 | Nb de lectures : 10674