J’espère que le fait de ne pas être signé est une volonté du groupe car sinon cela signifierait qu’il y quelque chose qui pue au royaume des labels. Déjà en 2007 pour leur premier opus, De Profundis avait tout juste réussi à signer contrat de distribution avec Holy. En dépit d’évidentes qualités, l’album passa allègrement inaperçu. Une nouvelle fois, le combo s’est démerdé comme un grand pour mettre en boîte ce deuxième album ne faisant appel qu’à Fernando Pereira Lopes (Misanthrope, Orakle…) pour la prod.
D’ailleurs, mis à part une prod sans reliefs, leur premier méfait m’avait bien claqué le beignet et c’était avec une certaine impatience que j’attendais de pouvoir coller mes oreilles abîmées sur cette nouvelle offrande.
Pour ceux qui seraient passés complètement à côté, De Profundis pratique un Doom/Death qui rappelle Novembers Doom couplé avec de fortes tendances prog opethiennes le tout enrichi par l’ingrédient monsieur plus : du black metal !

Ce qui frappe avant tout, c’est la prod qui a enfin pris des couleurs. Mais bien loin des clichés actuels, le son se pare de véritables tonalités prog des années 70. Rappelez-vous, ces vieux skeuds crachotants où l’auditeur pouvait entendre une basse. C’est bien simple, le basse fait quasiment jeu égal avec les guitares. Cette dernière ne se gêne pas pour nous balancer quelques lignes bien fignolées comme sur "Crimson Black Bleeding."

Prog, vous avez dit prog ? Difficile d’évoquer une autre notion quand l’album compte huit titres pour presque 70 minutes et que la plupart excepté l’instrumental tape dans les 10 minutes. Outre cette basse vagabonde, la guitare aime aussi partir dans quelques soli virtuoses et produire quelques tournures mélodiques héritées du rock prog. Mais le plus évocateur reste ces longues compositions qui n’hésitent pas à nous faire voyager dans différentes sphères. A l’intérieur d’un titre, De Profundis alternera des parties doom, des breaks acoustiques et des trémolos sur fond de blasts.

De la même manière, les vocaux ne se bornent pas à un growl assez proche de Paul Kuhr mais proposent quelques rares incursions black et des instants narrés lors de breaks acoustiques. D’ailleurs, on notera que la plupart du temps le growl est doublé par la voix plus criarde ce qui amène une texture moins monolithique au chant.

Le miracle est que cet ensemble fort diversifié reste parfaitement homogène et surtout fluide. Toutes les parties s’enchaînent le plus naturellement du monde. Les transitions s’opèrent sans que l’on s’en rende vraiment compte. On passe d’un passage écrasant à un blast sans que cela ne choque. C’est là tout le talent du combo, ils ne se contentent pas d’enfiler des plans les uns à la suite des autres sans aucune logique mais on se rend compte qu’ils composent de véritables morceaux qui avancent avec des temps forts, des temps faibles et des circonvolutions. L’exploit est que chaque titre est aisément identifiable. A titre d’exemple, il suffira de mentionner le très lancinant "Cease to Be" qui risque de retourner quelques cerveaux par son caractère obsédant et "Cold is the Grave" donnant dans un death assez dissonant agrémenté de passages écrasants et de trémolos maléfiques.
De plus, les gars ne se gênent pas pour insuffler énormément de mélodies à leurs compos qui savent se faire parfois suffisamment classiques dans les structures via l’utilisation de refrains pour que nous soyons accrochés durant ces longs développements.

Au terme de l’écoute, on se rend compte que le groupe s’est encore plus éloigné des rives du doom/death classique. En effet, "A Bleak Reflection" se montre beaucoup plus varié rythmiquement parlant et utilise toute la palette mise à disposition du batteur. Ainsi, même si on retrouve quelques inflexions à la Novembers Doom. Moins doom, plus ambiancé, plus progressif, De Profundis creuse un peu plus son propre sillon dans un genre bien balisé. Je n’ai cessé d’être ébloui par le talent déployé tout au long de ce skeud.

Mais trop de talent tue le talent… Non mais les mecs sont tellement faciles qu’ils nous balancent un instru en avant-dernière position qui ressemblent plus à une sorte de joyeux amuse-gueule récréatif qui vient un peu (beaucoup) plomber l’ambiance posée par le reste. Il s’agit d’une espèce de rock caraïbe très lounge à la Carlos Santana ! D’ailleurs, l’influence du guitar hero se fait clairement sentir sur pas mal d’ornements guitaristiques. Franchement, cet instrumental sent vraiment le groupe trop gourmand et je dois avouer qu’il n’est pas vraiment à mon goût !

Dommage car sans ce morceau complètement inutile, je lui foutais une grosse note et hop la sélection mais là, Santana m’est resté en travers de la gorge. En dehors de ces six minutes, le reste de la galette est foutrement excellent et il est grand temps que ce combo de grande classe sorte de l’underground pour exploser à la face du monde. Un long voyage qui demandera certes de l’attention mais qui vaut véritablement le détour.


Rédigé par : Dark Rabbit | 16/20 | Nb de lectures : 13421