Coucou, c’est encore votre serviteur serpenté qui va se charger d’une chro de Devin Townsend. Après ma chro de Deconstruction qui avait pu faire jaser (c’était un peu fait exprès, bande de groupies), je vais juste m’autoriser un petit disclaimer doublé d’une mise au point en préambule. J’apprécie ce que fait le père Townsend, mais pas suffisamment pour m’investir dans une analyse de ses tweets, de ses posts de forum, de ses interviews sur Blabber ou de ses commentaires audio de l’album (franchement qui va perdre son temps à écouter ça ?). Donc je n’ai pas suivi le développement de ses points de vue ou explications poussées sur l’univers et le concept de son nouvel album, et c’est tant mieux. Car j’ai pris pour habitude de me forger mon propre avis sur les disques que j’écoute, en minimisant la lecture de commentaires en amont, et Devin n’est pas au-dessus de ça. Vous ne trouverez donc pas ici une analyse en phase avec les faits et gestes et déclarations de Devin, juste mon point de vue sur la musique et rien que la musique. Vous allez donc probablement me dire que je n’ai rien compris (après tout, je ne suis pas omniscient) ou que j’aime l’album mais pas pour les bonnes raisons (là ça serait un peu ridicule, sincèrement), mais je m’en tamponne le coquillard avec un porte-fenêtre (©). Les fanboys, si vous voulez gober tout ce que Devin dit sans avoir votre propre jugement sur ses œuvres, grand bien vous en fasse. Je ne me place pas dans cette optique-là, merci d’en tenir compte avant d’affûter votre clavier pour la zone « commentaires ».

Bon ceci étant dit, de toute façon avec une chronique de Devin ça râlera quoi qu’il arrive. Alors comment aborder ce nouveau papier ? Plusieurs solutions semblent être possibles…

La chronique en mode « je me mouille pas trop et je suis objectif » :
C’est un bon album. 15/20

La chronique du fanboy hystérique :
Dieu a sorti un nouveau chef-d’œuvre intemporel. 20/20

La chronique « mouton » :
Devin a dit que c’était un album de merde, alors c’est de la merde. 0/20

La chronique du hater un peu troll :
Putain mais y’en a marre de ce type surestimé. Faut arrêter d’en faire une montagne, sérieux. 6/20

La chronique « c’était mieux avant » :
Mouais c’est correct mais Devin tourne en rond comme d’habitude depuis 2006. 12/20

La chronique du gars qui parle de musique et uniquement de musique avec 3 mots, qui s’en fout des concepts et qui pond que des pavés chiants à lire :
Sacré Devin Townsend ! Comme à son habitude, ses projets finissent toujours par être plus étoffés que ce qu’il annonce au début. C’est ainsi que le projet DEVIN TOWNSEND PROJECT, qui devait être au départ une tétralogie (Ki - Addicted - Deconstruction - Ghost) compte désormais un cinquième élément (comme le film de Luc Besson) nommé Epicloud (pour « Epic » et « Loud », pas un nuage épique, z’avez vu je fais attention aux concepts). Un nouvel album qui se présente, assez simplement, comme un mix de ce qu’on peut trouver sur les 4 albums du DTP, mais pas seulement. Comme tout le monde le sait, Devin tourne en rond et ne se renouvelle pas depuis quelques années, et Epicloud va logiquement piocher dans la plupart des disques sortis par Townsend depuis 1997. On trouvera ici, en pêle-mêle : le côté accessible et coolos d’Ocean Machine, la folie contrôlée d’Infinity et Physicist (dont le morceau "Kingdom" est revisité), des atmosphères de Terria, le côté épique d’un Synchestra, l’aspect immédiat et addictif d’Addicted, des moments barrés à la Deconstruction, et l’apparat relaxant de Ghost. Va-t-on retrouver le train-train habituel de Devin, ses riffs, ses synthés, ses chants, ses mélodies et tout le reste ? Eh bien même si le style Townsend est reconnaissable tout de suite (comment ça ne pourrait pas être le cas ?), cet album ne souffre pas vraiment du défaut d’auto-repompe et va même être plutôt surprenant…

En 50 minutes pour 13 morceaux, Devin va donc explorer différents styles de son répertoire à la fois, sans pour autant succomber à un effet de collage ou quelque chose ressemblant plus à une compilation qu’un album. Car Epicloud est un disque étonnamment cohérent de bout en bout. Déjà, les morceaux se suivent sans coupure, avec une véritable continuité des ambiances, faisant d’Epicloud un album qui a été travaillé pour en faire un bloc. Le défaut de la chose est qu’en prenant quelques morceaux à part, ils perdent un peu de leur impact même s’ils demeurent très bons. Epicloud est donc surtout à considérer dans son intégralité, à l’instar d’un Ziltoid The Omniscient ou d’un Deconstruction dans une moindre mesure. Etonnant car au premier abord, Epicloud se présente surtout comme un Addicted en plus aéré et plus varié, avec quelques tubes bien sentis. Mais lesdits tubes sont bien plus jouissifs lorsqu’ils sont plongés dans l’ensemble. Etonnant aussi, les petits trucs en plus qui font que cet album est un tout petit peu plus qu’un simple « nouvel album de Devin Townsend ». Même si les structures simples mais inspirées, les types de chant et leur placement, et le goût des atmosphères colorées sont toujours de la partie, Devin a réussi à faire en sorte qu’Epicloud ait son identité propre, jusqu’au sein même des morceaux qui ne ressemblent pas comme deux gouttes d’eau à quelque chose que Devin a pu faire par le passé.

Epicloud n’en est pas moins un album osé. Car oui, commencer un album estampillé « Metal » par une intro aux chants gospel ("Effervescent!"), c’est tout de même assez culotté. Ceci pour introduire le premier hit d’Epicloud qui se nomme "True North", où le chant d’Anneke van Giersbergen déboule d’emblée. L’ex-frontwoman de THE GATHERING se taille d’ailleurs une sacrée part du gâteau sur cet album, où elle est carrément omniprésente sur la plupart des morceaux que ce soit au chant ou aux chœurs, bien plus que sur Addicted. Ce "True North" lumineux à souhait propose un parfait début, toujours avec les riffs simples et accrocheurs et les synthés à-la-Devin-Townsend prenants, et une gestion des chants exemplaire, sur fond de paroles dignes d’une chanson d’amour (enfin je crois). Au rang des hits vont alors s’enchaîner "Lucky Animals", parfaite pièce plus décadente et barrée, et surtout l’énormissime "Liberation" : avec des riffs percutants typés Metal-Indus et des synthés originaux, ce morceau est un pur tube explosif et coloré qui aurait pu faire office de BO à une série américaine genre Glee, surtout grâce à son refrain génial qui donne envie de tout jeter en l’air et d’aller courir dehors à poil (« Rock, let’s Rock ! The time has come to forget all the bullshit and Rock ! »). Epicloud dégage vraiment une ambiance libératrice et résolument positive, et est le genre d’album qui donne la banane sans trop de mal, même aux plus dépressifs. Si l’on creuse encore, l’étalement de hits ne s’arrête pas aux 4 premiers morceaux (intro incluse). On trouvera alors le sublime "Save Our Now", avec son départ magnifique et son refrain entraînant, l’inattendu "Grace" avec son départ acoustico-Anneke qui précède des riffs plus appuyés et des passages épiques (et forts), et surtout le rentre-dedans "More!" totalement allumé avec Anneke qui s’égosille (« Jesus is-a-coming and he wants more ! »).

Mais comme convenu, Epicloud ne se résume à ces quelques plages format hit mais bien à son ensemble qui est parfaitement cohérent. Ces autres pistes sont comparées à Ghost, qui est un album avec qui j’ai un rapport assez particulier : soit je le trouve très cool, soit très chiant. En réalité, nous avons plus ici des morceaux « calmes » de Devin Townsend, à la Terria ou des albums du DEVIN TOWNSEND BAND, que le pur Ambient/New Age qu’arborait Ghost. Si on les prend d’abord en tant que transitions entre hits, ces morceaux se révèlent petit à petit. "Where We Belong" est une superbe piste tout en retenue, avec un Devin inspiré, que ce soit au niveau des vocaux ou des grattes acoustiques et des mélodies. 100% acoustique, et donc plus proche de Ghost, "Divine" est une piste tout simplement belle et dépaysante. Et Devin s’offre un final très enivrant, d’abord avec l’interlude "Lessons" puis le fantastique "Hold On" plus métallique mais très posé, avec toujours une excellente Anneke sur fond de riffs épiques ; et enfin le final "Angel" qui prolonge "Hold On" avec les mêmes montées de grattes épiques, et l’ambiance « religieuse » appuyée par les orgues et la répétition des chœurs d’"Effervescent!" en bout de course. Bref, ces morceaux et les « hits » mis bout à bout nous donnent donc un album parfaitement ficelé, qui devient vite irrésistible et surtout, qui a vraiment une personnalité propre où l’on peut se dire facilement « ça, c’est Epicloud ». Le seul petit accroc est le rework inutile de "Kingdom", trop proche de l’originale en un tout petit peu moins percutant, avec Anneke il y avait moyen de faire autre chose surtout quand on se remémore l’exceptionnelle version de "Hyperdrive" sur Ziltoid The Omniscient. Mais il passe plutôt bien inséré dans l’album complet, comme chaque titre qu’on pourra trouver « trop ceci ou pas assez cela » si on l’extrait de l’album.

Petit paragraphe « je m’en fous » pour être un minimum complet : d’abord le second CD contenant des morceaux en version démo (c’est-à-dire qu’ils auraient pu être plus travaillés, mais leur son est parfait). A vrai dire, je trouve que rien ne sort du lot, même s’il y a quelques trucs intéressants (notamment les interventions d’Anneke, toujours) dans un aspect légèrement fourre-tout. Pire encore, ces morceaux souffrent du fameux syndrome de « redite » propre à Devin Townsend depuis 2006. Trop de trucs déjà-entendus (lignes de chant, riffs, structures des compos…), je pense en particulier à "Quietus", "Love Tonight" ou encore "Woah No!" et "Socialization". Devin utilise plus de grattes acoustiques et bluesy, les morceaux calmes sont plus proches de Ki, ça change mais ça ne fonctionne pas vraiment, et ça n’apporte rien si ce n’est des inédits pour les amateurs. Deuxième chose, les paroles : oui, je m’en fiche un peu (beaucoup même) donc je ne vais pas en faire une analyse surtout qu’on va de toute façon me dire que je n’ai rien compris. Bref, c’est très positif à l’image de la musique, ça parle d’amour et de religion… ou alors c’est totalement ironique. Avec Devin, on est jamais sûr de rien, c’est pour ça que je préfère faire l’impasse et me concentrer sur la musique. Démerdez-vous.

Dois-je mettre tout le monde d’accord ? Lovers gonna love, haters gonna hate, c’est un bon résumé et de toute façon c’est difficile de faire mieux. Comme on ne mettra pas tout le monde d’accord, je vais conclure sur ce que je pense de manière tout à fait personnelle. Epicloud est un très bon album. Devin ne se renouvelle pas (le fera-t-il un jour ?), mais nous livre un disque étonnamment original, non pas grâce à des nouveautés renversantes, mais bien grâce à un ensemble rafraîchissant qui pioche à droite et à gauche dans sa disco, tout en réussissant à faire un disque qui ne ressemble à aucun autre. Certes, Devin n’aligne pas des riffs de fou ou des vocaux plus travaillés que ce qu’il fait d’habitude, mais nous propose ici un album direct et varié qui met de bonne humeur, grâce à des hits bien sentis et des ambiances magnifiques, le tout s’imbriquant parfaitement et prenant tout son sens (musical) si on se l’enquille d’une traite. Un album qui aurait pu être parfait pour l’été, mais qui remontera finalement le moral de tout le monde (sauf les haters) pour l’automne qui arrive. Pétillant et coloré, riche mais simple, classique mais bien fichu, Epicloud est un album qui est tout simplement « sympathique » au premier degré du terme. Avec un bon accompagnement (le line-up du feu-DTB et Anneke) et un son toujours aussi aéré et décoiffant, Devin ne révolutionne rien mais livre un de ses meilleurs disques, excellent sans être exceptionnel, mais qui bien évidemment plaira aux fans (plus ou moins die-hard) et laissera les non-amateurs sur le quai, qui trouveront ça trop sucré et pas assez evil. 16/20


Rédigé par : ZeSnake | 16/20 | Nb de lectures : 17664