Lorsqu’au printemps 2009 nous est parvenu « Ki », premier volet des quatre albums annoncés par Devin himself, les réactions ont été diverses, variées, et pour le moins mitigées. Bien entendu, le disque n’était pas dépourvu de qualités – on parle tout de même ici de Devin Townsend – mais affaibli par une série de longueurs dommageables et un poil plus tiède que ce à quoi Devin nous avait habitués, tant et si bien que nous avions préféré considérer l’album comme une introduction au « gros » de l’œuvre à venir (c.f chronique du 12 juin 2009). Bien nous en a pris.
« Addicted ».

En anglais, « dépendant », ou « accro ». Un titre plutôt bien choisi pour cet album qui dès la première écoute s’inscrit durablement dans vos pensées quotidiennes. Ce disque, de l’aveu même de son géniteur, avait trouvé sa raison d’être initiale dans la restitution d’un rock commercial à gros refrains directement inspiré par Nickelback. Devin étant Devin, le bougre a évidemment transformé son idée de base en Townsend 100% pur jus, et on est loin des refrains indigents signés par les blockbusters de la bande FM américaine. Mais il n’empêche : la notion de « tube » est bel et bien présente en filigrane tout au long de ces dix titres. Si la guitare et sa production titanesque (ce son de malade !) se font les garantes du côté metal de l’ensemble, il ne fait aucun doute que c’est à la musique pop que les structures et les constructions de ces morceaux doivent tout. Et c’est bien là la différence principale (la seule ?) entre « Addicted » et « Ocean Machine ». Là où le Biomech payait un tribut non négligeable au rock progressif, « Addicted » présente une version – Premium, certes – du rock estampillé commercial et de sa célébrissime formule « couplet-refrain-break » en décomplexant ce qu’il peut avoir de plus simple grâce à la valeur ajoutée d’une écriture sans faille, d’un niveau de qualité rarissime.
Ce qui aurait été largement suffisant pour faire de cet opus une petite pépite en soi ne l’était probablement pas pour ce diable de Townsend. Ainsi, le Canadien extraordinaire est allé chercher l’étincelle supplémentaire du côté des Pays-Bas, et a offert la moitié des parties de chant à la sublime Anneke Van Giersbergen. Et c’est l’équation parfaite. La voix pure et le chant naturel de la demoiselle survolant le mur de son dont Devin est coutumier ne laissent tout simplement aucune chance de résistance. Des dizaines d’exemples émaillant l’album seraient à citer comme autant de preuves irréfutables, mais s’il n’en fallait garder qu’un, la relecture du « Hyperdrive! » déjà présent sur « Ziltoid The Omniscient » entérinerait parfaitement notre propos : quelle meilleure démonstration qu’un seul et même titre chanté par Devin à l’époque, puis par Anneke aujourd’hui, pour réaliser l’intérêt incontestable de cette union artistique ? La « petite » Batave illumine et transcende tout simplement l’œuvre de Townsend, tant et si bien qu’ « Addicted » fait naître des fantasmes de projet pérennes réunissant à nouveau les deux talents... (Moi je dis qu'il faut les harceler).

On l’aura compris : après un « Ki » soulevant quelques interrogations, « Addicted » se charge d’apporter bien plus de réponses qu’on aurait espéré. Et il reste encore au maestro à nous livrer deux albums dans le courant des mois à venir…
En 1997 sortaient « City » de SYL et « Ocean Machine ». Deux chefs-d’œuvre à ce jour inégalés. Et si treize ans plus tard, le père Townsend avait décidé de passer la deuxième couche ?


Rédigé par : Rahahaaz | 18/20 | Nb de lectures : 16250