Il y a des chroniques qui ne veulent pas êtres écrites. Non que le disque soit mauvais ou le groupe inintéressant, mais ce mur que quelques écoutes ne parviennent pas à fissurer pour laisser entrevoir une opinion demeure immaculé. La page blanche de l’écrivain, en quelque sorte. « XI » fait partie de ces albums.
Il faut dire que les DEVILYN donnent peu de matière pour écrire un article. Issus d’une scène Death Metal polonaise qui fut extrêmement prolifique en nouveaux talents ces dernières années, ils font un peu figure d’éternels outsiders, le genre de groupe qui rate l’opportunité de concrétiser son succès en s’engouffrant dans le sillage des VADER, BEHEMOTH et autres DECAPITATED.

DEVILYN est donc un groupe persévérant et il est préférable que le lecteur de VS qui voudra se plonger dans ce quatrième album des polonais soit pourvu de la même qualité (j’en suis persuadé puisque vous me lisez) car « XI » n’est pas d’un abord très accueillant. Peu de promo, un artwork moyennement inspiré, une musique massive et complexe à la fois… Mais après quelques écoutes, on en vient aussi à se demander pourquoi DEVILYN n’a pas plus de succès.

La musique des Polonais est certes abrupte, abrasive comme des grains de quartz pris dans un string sur la plage au mois d’août (enfin j’imagine…). Elle est construite autour de syncopes et de riffs Thrash qui s’ouvrent sur des parties plus rapides et mélodiques où les lignes de guitare finissent par s’entrecroiser pour créer des ambiances délétères. Les atmosphères ont justement une place subtile mais essentielle qui se laissent découvrir au fil des écoutes et qui laissent à penser que DEVILYN cherche plus à délivrer des sensations globales à l’auditeur qu’à susciter un attrait ponctuel pour tel ou tel riff fédérateur.
C’est par ailleurs à cause de cette construction musicale que « XI » est assez difficile à apprécier dès les premières écoutes : l’agencement de chaque composition est relativement complexe, les riffs et les rythmiques sont très techniques, mais DEVILYN semble réutiliser constamment les mêmes idées qui laissent une impression de « déjà-entendu » au fil des morceaux. C’est un premier paradoxe puisque la plupart des groupes exploitent de nombreuses fois les mêmes structures au cours d’un album sans que cela ne soulève forcément d’objections, en misant au contraire sur la carte de la cohésion. Sans vouloir jouer les psychologues acousticiens, c’est peut-être le choix de répéter une succession de rythmiques ardues qui est à l’origine de cette « habituation ».
Autre paradoxe, plus positif celui-là, DEVILYN joue les orfèvres du Death Brutal et enrichit la trame de ses morceaux de petits détails subtils (quelques coups de cymbales, des nappes de guitares, des soli ciselés…) qui incitent à une écoute plus attentive et répétée.
Beaucoup de recherche dans le détail mais au final, un ensemble un peu indigeste qui peut rebuter et même ennuyer alors que le groupe montre clairement la volonté de proposer un travail très aboutit.
Un dernier bémol potentiel : le travail de bénédictin que doit être la composition de telles chansons privilégie forcément la qualité à la quantité. « XI » est un album court : 9 titres, dont une intro, qui courent sur 25 minutes. La fin de l’album prend souvent l’auditeur par surprise, mais au final, est-ce réellement négatif ?

Comme dit le livre, «A l’Est, rien de nouveau » : les groupes de Death sont nombreux et de qualité (il suffit de regarder les sélections de la rédaction ces dernières semaines pour s’en convaincre). Si DEVILYN n’est pas l’un des acteurs principaux de cette scène, le groupe fait néanmoins preuve d’originalité et mérite qu’on s’y attarde même si « XI » laisse une impression quelque peu ambiguë. Il en faudra donc encore plus pour parvenir à créer autour d’eux le même engouement que certains de leurs compatriotes. Na zdravié.


Rédigé par : La Myxine | 13,5/20 | Nb de lectures : 10737