DESPOND - Supreme Funeral Oration (Haceldama/Adipocere) - 30/12/2003 @ 17h08
On ne veut pas l’accepter mais la vraie fortune de l’homme ce n’est pas la porte qui s’ouvre sur une joie, c’est le temps passé à contempler la porte close, à anticiper ce qu’il y a derrière et à tendre toutes ses énergies vers la réalisation d’un objectif unique : son ouverture. A partir de l’instant où le verrou cède, tout est fini : le vouloir fléchit devant le possédé, la fièvre s’éteint, les promesses s’obscurcissent, le sens périclite… à moins que…
Le premier album de Despond possède un titre à la Dimmu Borgir mais c’est bien tout. Oui, le premier album. Pour ceux qui ont le groupe sur leurs carnets depuis sa création en 1995, c’est forcément un micro-événement. Pour Richard Loudin, qui au cours de cette presque décennie a entretenu l’étincelle, longtemps sous respiration artificielle, c’est d’abord l’aboutissement d’une longue attente entre galères de line-up et instinct de survie. C’est en Août 2002 qu’enfin, avec le concours de musiciens du groupe Ataraxie, Richard a pu ressortir du placard des compos peaufinées sur la durée, et Despond (re-)devenir ce qu’il aurait dû être depuis 8 ans, un fer de lance d’une scène doom hexagonale numériquement restreinte, mais qualitativement aux avant-postes en Europe.
Il plane sur l’album une atmosphère de plomb d’une épaisseur à couper à la hallebarde. Elle se matérialise en premier lieu par des brumes de clavier discrètes mais stagnantes, accrochées aux flancs de riffs de granit âpres et modérément mélodiques qui se propagent patiemment, telles des concrétions séculaires, pour conférer à chaque titre une épine dorsale monolithique de laquelle tout part et à laquelle tout revient. Imaginez la pesanteur statuesque d’un Morgion estampée d’un lyrisme à la « Like Gods of the Sun » (My Dying Bride) dont les ailes auraient été ligaturées, et dont ne reste que la rémanence maudite. On obtient un doom/death traditionnel supérieurement joué et maître de son répertoire d’ambiances, que les appels d’outre-tombe de Richard Loudin aident à faire piquer du nez dans l’abysse. Car il faut garder à l’esprit que cela reste une musique de guitares, ce n’est pas du drone ni du funeral doom au sens Shape of Despair. Le besoin de mouvement, même arthritique, même pétrifié le temps d’un panorama acoustique saturé d’ombre, demeure décisif. D’ailleurs un point qu’il est important de noter : fréquemment l’approche de la fin d’un morceau est synonyme de nouveau souffle, l’introduction d’une mélodie d’embouchure jusque là inédite, ou alors le renforcement du riff pilier par une volée de synthés voulue plus enflammée qu’à l’accoutumée. Cette conception est particulièrement intéressante pour l’auditeur en cela qu’elle couronne en quelque sorte une écoute éprouvante par une récompense, un climax, en même temps qu’elle dépêche le signe fort qu’au cœur des ténèbres les plus aveugles peut jaillir un renouveau insoupçonné, et n’est-ce pas là un renvoi empirique vers la biographie même de Despond ?
Le premier contact avec un tel album peut laisser un arrière-goût de sécheresse car les chemins empruntés sont mornes et austères, mais ce sont des sensations vite intégrées et dissoutes. Tenez, prenez la lune par exemple, dont la pochette nous suggère une incarnation des plus fantasmagoriques : depuis des millénaires elle fait partie du patrimoine stellaire des hommes, elle ne change pas, elle n’est spectaculaire qu’en de rares conjectures, et pourtant elle n’a jamais cessé de fasciner jusqu’à influencer le rythme vital de nombreux individus. A son échelle, « Supreme Funeral Oration » est pareil, ses pulsations des à-coups qui tirent sans appel vers le bas comme des aimants fixés à l’avance sous chaque carré de terre foulé. Dans la lignée de tout album de doom de haut rang il est une lente perte de connaissance, un glissement dans la privation de réel. Vous vous croyez un être mélancolique et rompu ? Despond se proposent de prendre votre spleen par la main et de le faire voyager là où il fait plus noir, plus froid, plus… doom.
Despond ouvrent des portes, mais au lieu de s’approprier goulûment le butin, ils s’abstiennent de franchir le seuil, ils sacralisent les visions dévoilées et en font le musée immortel dont ils sont les conservateurs. Il y a plus édificateur qu’une porte close : une porte ouverte sur un paroxysme, et au devant, une distance inviolable…
http://www.despond.net


Rédigé par : Uriel | 16,5/20 | Nb de lectures : 8975




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Commentaire
Loufi
Membre enregistré
Posté le: 31/12/2003 à 16h23 - (6609)
Pas encore de commentaires pour ce disque ? Etonnant...
Une vraie petite merveille de doom/death sombre, toute en pesanteur et en mélodies entêtantes. Le meilleur album de metal français de cette année pour moi avec ceux de Korum et de Supuration.

Vinceroom7
Invité
Posté le: 31/12/2003 à 17h49 - (6611)
Ben, à l'écoute du titre "Grief" (10 mn quand même) dispo sur le site, ça a l'air quand même bien sec :/ ... compact, puissant, mais sec et longuet... le reste est du même tonneau ?

Loufi
Membre enregistré
Posté le: 31/12/2003 à 18h38 - (6612)
Bah oui, c'est leur style...

Uriel
Invité
Posté le: 02/01/2004 à 14h19 - (6620)
Oui Vinceroom, c'est du même tonneau. "Grief" étant même l'un des morceaux les plus abordables de l'album par ses atmosphères très prégnantes. Mais Vincy, mon ami, moi qui t'ait en haute estime, ne me dis pas que tu es du genre à cataloguer un album à la première écoute? ;-)

Vinceroom7
Invité
Posté le: 02/01/2004 à 14h34 - (6622)
Seulement quand la première écoute me donne des boutons, ce n'est pas le cas ici, et c'est pour ça que je me renseigne... :)

nico92
Invité
Posté le: 05/02/2004 à 13h18 - (7049)
Pfff !! Chiantissime ce disque. Mieux vaut s'écouter un bon Shape Of Despair ou bien Monolithe (sur le même label pour ce dernier)... Dur dur de faire de la musique tout seul

Uriel
Invité
Posté le: 05/02/2004 à 16h39 - (7065)
Sur le même label que quoi?
Monolithe est signé sous Appease Me...
Quant à Despond ce n'est pas vraiment un projet solo non plus. Ne mélangeons pas tout SVP :)

Nico92
Invité
Posté le: 05/02/2004 à 17h05 - (7069)
Mea culpa... Je trouve quand même ce disque très chiant...

Silenius
Invité
Posté le: 05/02/2004 à 21h00 - (7079)
Encore un des ces disques qui n'exale que lourdeur poisseuse,obscurité perpétuelle et négativité totale.Je ne le connais pas encore assez pour en faire une quelconque anlyse précise mais les nombreux frissons et autres tressaillements non controlés me font déja penser que cette sombre galette va revenir bien souvent se loger dans l antre du mange-Cd.
Ils ont de plus leur propre musique je trouve,il n y a pas de ressemblances flagrantes avec d autres groupes du genre Doom qui peut pourtant trés vite tomber dans le flot important d un certain copier/coller vu qu il n y a pas myriades de recettes pour sortir du lot.
Ps:Richard Loudin dédicace son oeuvre à la mémoire de Maximillien Varnier de feu Whorship.
Je voudrais simplement savoir si des oeuvres de ce groupe sont trouvables dans quelques lieux pour pouvoir me faire une idée des travaux de cet homme avant sa malheureuse disparition.

Richard de Despond
Invité
Posté le: 19/03/2004 à 18h15 - (7778)
Merci à ceux qui ont témoigné leur intérêt pour cet album, et tant pis pour celui qui ne l'aura pas apprécié...
l'album de DESPOND est un travail personnel, même si la basse a été assuré par mon bassiste de session (aussi membre de ATARAXIE).

pour répondre à Silenius au sujet de WORSHIP, je pense que tu trouveras très facilement certains de leurs titres sur les sites de P2P...



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