Sans doute très tôt happés par la démarche non-conformiste de groupes comme The Kovenant ou Oxiplegatz, les collègues tchèques de Demimonde fournissent avec ce deuxième album la preuve qu'ils ont bien digéré les œuvres de leurs aînés et sont désormais aptes à s'élancer dans la bataille intersidérale avec leur propre arsenal, affûté et perfectionné au détail près. Des deux groupes précités c'est tout de même d'Oxiplegatz, projet (enterré ?) d'Alf Svenson (At the Gates), que Demimonde se rapproche le plus par l'esprit très aventurier dans lequel se déroule " Mutant Star ", dans lequel l'on retrouve en puissance delta des ingrédients significatifs du superbe - quoique très sous-estimé - " Worlds and Worlds " : la dualité chant masculin / féminin, les ambiances multi-dimensionnelles épiques, les effets psychédéliques voire même quelques parties de chant ténor dopé à la réverbération et au trémolo qui renforcent le côté space-opéra. La filiation saute donc aux yeux, mais la force subjective de Demimonde est de coexister sans mal avec le paysage musical moderne là où Oxiplegatz a tout de même pris un sale coup de vieux, son rustique et matériel " d'époque " oblige. Et puis la base metal de Demimonde est tout de même aussi plus susceptible d'attirer du client, du féru de death technique à la Nocturnus / Cynic au fan généraliste de metal extrême non réfractaire aux expérimentations cybernétiques et à l'ouverture vers des sphères sonores cosmopolites - j'en veux pour preuve les quelques assonances arabisantes d'un côté, les lignes de piano enflammées de type baroque de l'autre, et ce ne sont que des échantillons de l'éventail exploratoire faramineux de cette saga aux mille voyages. Certains passages peuvent sembler traîner un peu en longueur lorsqu'il ne se passe pas grand-chose au niveau rythmique, notamment les plus soumis aux fusions déjantées distortions - ambient bruitiste (cf. le tentaculaire " Advocatus Diaboli ") ; néanmoins les rebondissements sont suffisamment spectaculaires ou violents pour insuffler l'élan nécessaire à retenir tout baillement au plus profond de la gorge. Où le bordélique commence à s'apparenter au visionnaire génial, Demimonde vont trouver leur rythme de croisière, la peinture stylisée et riche en sensations vertigineuses d'un décor galactico-théâtral résolument futuriste traversé en tous sens par les batailles titanesques, les tragédies passionnelles et les chocs inter-culturels : un chaos hiérarchisé. A mon sens le chemin vers l'excellence promise passe surtout par un traîtement plus en nuances des chants - surtout féminin - afin de gonfler leur personnalité et leur caractère. Et puis aussi, disons le clairement, par des morceaux encore plus cartons (ce qui ne veut pas dire " commerciaux " !). Avec par éclairs la classe éminente et la maîtrise despotique d'un Arcturus, voici un groupe qui devrait titiller l'appétit de tout label désireux de claquer le jackpot avant-gardiste de ce début de millénaire. Un demi-monde peut-être, mais un triple-univers... au moins !




Rédigé par : Uriel | 14.5/20 | Nb de lectures : 6861