Le hic avec Demigod est que son principal atout est aussi son talon d’Achille. Le gros caillou coincé dans sa chaussure depuis quinze ans se nomme ‘Slumber Of Sullen Eyes’. Et si lors de sa sortie initiale en 1992 ce petit ‘disque’ de death-metal avait surtout fait parler de lui à cause de l’insolente moyenne d’âge de ces musiciens (seize ans), avec le temps cette petite galette a priori anodine a été érigée comme l’une des pierres angulaires du death-metal ‘à la Finlandaise’ du début des années 90. Un style à la lourdeur pas si éloignée que cela de ses voisins Suédois et dont les autres pères fondateurs se nomment ‘Karelian Isthmus’, le premier Amorphis, ou l’unique skeud de Funebre, ‘Children Of The Scorn’… Si le groupe se sépare l’année suivante puis se reforme en ’98, après que deux de ses membres fondateurs aient vivotés dans Adramelech, la sortie de ‘Shadows Mechanics’ quatre ans plus tard a déprimé les fans de vieux death craspouille et bien baveux qui se sont retrouvés avec un disque de thrash/death sans épaisseur ni réel intérêt. Même s’il s’est fait jeté de son label et s’il a perdu la moitié de son line-up depuis, Demigod persiste pourtant et sort aujourd’hui son troisième album en quinze ans (beau score) ‘Let Chaos Prevail’. Sauf que si le rapatriement de son vieux logo laissait espérer un retour à la brutalité néanderthalienne d’antan, c’est encore une belle déception qui se cache sous ce disque sorti en auto-production en Scandinavie et sur Xtreem Music - le label de Dave Rotten d’Avulsed qui les avait signé initialement en 1992 sur Drowned Production – pour le reste du monde.

Même si cette fameuse patte ‘Finlandaise’ dont les Funebrarum et autres Coffins se réclament aujourd’hui était finalement plus flagrante sur leur première démo ‘Unholy Domain’ (disponible aujourd’hui sur la réédition de leur premier album en bonus) ‘Slumber Of Sullen Eyes’ reste aujourd’hui un cas un peu à part. Un disque de death-metal a priori plutôt simpliste et ne sortant pas vraiment des clous sur le plan musical mais pourtant à l’ambiance caverneuse assez incroyable. Presque seize ans après, cette galette fauchée a encore des relents de cachots humides où des choses pas très catholiques se sont passées. Alors certes, en comparaison, le Demigod version 2007 est nettement plus efficace et carré sur le plan musical. Mais voilà, tout ce petit côté terroir comme pourrait le dire Jean-Pierre Coffe a complètement disparu, avec son atmosphère claustrophobe. Et ce qui l’a remplacé a nettement moins de charme.

En fait, sans être totalement mauvais, ‘Let Chaos Prevail’ manque juste sérieusement de cojones, notamment au niveau du chant, plus vaguement grogné qu’autre chose. Et à part via quelques riffs bien death old-school, comme sur “End Of Evolution“ par exemple, on a surtout droit à un thrash/death reposant essentiellement sur des bons vieux power chords des familles sans grande ambition ni souffle épique. Le groupe a récemment avoué dans une interview que son influence principale était les Canadiens d’Obliveon et cela s’entend, notamment dans les solos très ‘spatiaux’ et plein d’échos qui ne sont que réellement bien utilisés dans le titre “The Uncrowned“, presque planant et à l’ambiance limite Voïvodienne. Si Demigod était allé complètement dans cette direction, peut-être aurait-il ainsi pu s’en tirer avec la mention ‘passable, fait des efforts’. Sauf qu’il lui manque un élément essentiel : son premier chanteur Esa Linden, compositeur de la quasi-intégralité de ‘Slumber Of Sullen Eyes’ et hélas démissionnaire depuis le milieu des années 90. En fait, on se rend compte que le line-up actuel du groupe ne compte plus un seul membre fondateur. Et il ne reste de la grande époque que le gratteux Jussi Kiiski qui a intégré le groupe… Juste après l’enregistrement de ‘Slumber’ ! Etait-il donc vraiment judicieux d’appeler encore le tout Demigod ?



Rédigé par : Zozo | 11/20 | Nb de lectures : 10754