On est tous pareils. Qu’on achète de la bouffe, des capotes ou le dernier Goncourt, c’est l’emballage qui compte. En ce qui me concerne, ça a même commencé tôt. A l’âge où tout le monde collectionnait les images des “crados”, je rêvassais devant les pochettes de Maiden tout en essayant de convaincre papa et maman que ce genre de groupe, c’était comme Dire Straits : Hé! Achète pour voir! Mes goûts n’ont pas changé et mes arguments sont toujours aussi convaincants, mais il y a belle lurette que je peux m’assumer financièrement et que mes lubies ne passionnent plus personne. Du coup, l’impact visuel d’une belle pochette se solde souvent par quelques deniers de moins dans ma poche. C’est le genre de comportement consumériste qui peut jouer des tours. Outre des yaourts qui moisissent dans mon frigo, des sex-toys poussiéreux dans mon chevet (sont pourtant beaux, tout fluos...), je possède une belle collection de disques qui ne tournent pas souvent dans le juke-box. Cette bonne vielle cassette de Freak Of Nature par exemple, et sa tête de mort bien bandante qui m’a coûté un mois d’argent de poche et que j’ai écouté cinq fois. A l’inverse, il y a de quoi passer à côté de disques géniaux plombés par des croûtes épaisses en guise de jaquette. Honnêtement, si je n’avais pas reçu le promo de DEIVOS, leurs deux ghoules qui se roulent une pelle m’auraient probablement conduit à faire l’impasse. Quoi? Vous aussi? On est tous pareils alors...

Passons la répugnance qu’inspire la preuve d’une déviance manifeste pour s’attacher au fond. DEIVOS est un combo de Death polonais qui existe depuis dix ans, et qui dans l’intervalle n’a sorti qu’un MCD en 2003, puis cet “Emanation from Below” en 2006, réédité et chroniqué en ... 2008.
DEIVOS sent la poisse. Celle du groupe persévérant qui rate le coche de la grande vague polonaise et peine à sortir de l’anonymat. Pourtant “Emanation from Below” n’est pas dépourvu de qualités. S’ils se réclament d’obédience IMMOLATION-esque, le quatuor est plutôt un hybride de VADER et de CANNIBAL CORPSE, voire de MONSTROSITY. Pas d’ambiance malsaine, de suffocation glauque et dissonante, DEIVOS possède un solide sens du rythme et de l’efficacité qui oscille entre syncopes, accords lâchés et blasts martiaux. Les sept titres qui constituent “Emanation from Below” sont autant de riffs percutants et répétitifs combinés avec des sections techniques rappelant DECAPITATED, avec qui DEIVOS partage un aspect clinique et extrêmement tranchant. Cette sensation est accrue par la production signée Hertz, toujours précise, mais aussi froide et quelque peu artificielle. Des sonorités en parfaite adéquation avec ce style, incarné par l’utilisation d’une cloche comme ponctuation quasi systématique, qui rappelle les retours à la ligne des vieilles machines à écrire. Froid, mécanique et percutant.

La vie est injuste, et DEIVOS sera peut-être l’un des nombreux groupes qui méritent d’être découverts à ne pas émerger de la masse. Polonais, honnêtes mais sans génie, courageux et malchanceux, leur destin est peut-être de rester dans l’ombre... surtout si personne ne lit cette chronique parce que leur pochette est laide à mourir.


Rédigé par : La Myxine | 13/20 | Nb de lectures : 11013