DEINONYCHUS - Mournument (My Kingdom/Adipocere) - 14/01/2003 @ 15h30
Expliquer au profane ce qu’est Deinonychus s’apparente à un challenge. Comment en effet décrire une musique qui, à force de ne ressembler à rien (dans tous les sens du terme), finit par élaborer son propre style. Un style marginal mais aisément compréhensible, si bien qu’on se demande pourquoi tous ces jeunes groupes d’aujourd’hui ne laissent pas tomber leur papier calque pour essayer eux aussi d’en faire autant. Deinonychus a toujours entretenu une réputation de groupe polaire, mais de vous à moi j’ai une toute autre conception de la musique dépressive. Batterie et guitares ici ont beaucoup trop de coffre et les geignements de Marco Kehren sont excessivement surfaits pour susciter un honnête climat de noirceur terminale. Le rocambolesque laïus incitant au suicide au dos du livret ne fait rien pour rendre un soupçon de vraisemblance au discours de ce groupe décidément à part. Au crédit de Deinonychus toutefois, leur musique a considérablement gagné en intérêt par rapport au poussif hybride doom/dark de jadis, ce qui est essentiellement dû à la contribution d’un claviériste de premier ordre qui de plus ne sera pas inconnu au public français averti, puisqu’il s’agit d’Arkdae, leader de Dark Sanctuary. Mais procédons par ordre…
Les morceaux sont la plupart du temps emmenés par des cortèges de courts mouvements monocordes qu’on mentirait à qualifier de « riffs », mais qui en constituent l’épine dorsale et conditionnent la vitesse d’exécution – elle aussi généralement peu prédisposée aux embardées. C’est une sorte d’avancée image par image à laquelle Deinonychus nous confrontent avec ce style guitaristique empesé, voire statique par endroits, ce qui laisse tout à fait à l’auditeur la latitude de s’adapter et de moduler ses battements cardiaques en fonction. Confinée au rythme de croisière d’un doom caverneux la moitié du temps, la musique traverse tout de même quelques flambées d’énergie à 120 bpm qui ne lui conviennent pas vraiment, car c’est dans ces moments que son unité se disloque et dévoile entièrement sa relative banalité. Poussé à plein volume, le rendu combiné de la basse et de la guitare engendre alors dans la poitrine la sensation d’un Antonov au décollage, à savoir des vibrations mates et saturées de grumeaux dégueulasses. Vient alors se greffer la trademark du groupe, les vocaux de Kehren, censés provoquer même chez un Jean Roucas la pulsion irrépressible de se taillader les veines au stylo bille. En fait ils font effectivement froid dans le dos, ces vocaux, mais pour d’autres raisons, et la seule personne susceptible de se suicider à leur écoute serait Devin Townsend, ou par extension tous les ingénieurs du son qui planchent comme des dingues pour arranger les prises de chant au ton près. Cracher à la gueule de l’establishment uniformisant des studios leaders n’est pas répréhensible en soi, malheureusement avec ses tentatives braillardes d’expulser les cris les plus infâmes de son répertoire, Marco n’est ni vraiment provoquant, ni vraiment angoissant, ni vraiment extrême, mais extrêmement pesant une fois que l’effet d’interpellation s’est évanoui. Ce qui marchait assez bien lorsque Marco vomissait chez Bethlehem ne provoque qu’exaspération (chez moi du moins) dans le contexte de Deinonychus.

Pour en revenir quelques lignes plus haut, la relative réussite de « Mournument » en tant qu’ensemble réside dans le paradoxe fertile créé par l’aridité privatrice du Deinonychus « de base » conjugué à la grâce décisive des lignes de synthé. L’affliction infinie dont Kehren a toujours voulu se faire l’ambassadeur, ce sont les doigts d’Arkdae qui lui la procurent enfin, frappant les touches de son instrument en langueurs sincères, sculptant ces harmonies à la fois simples et cryptiques dont il bénit Dark Sanctuary depuis des années. Des deuils suspendus entre deux soupirs, qui s’imbriquent superbement en introductions recueillies ou en transitions abyssales, lorsqu’elles ne glissent pas tel un orphéon aérien qui aimante l’accablante platitude du reste vers les hauteurs, si bien qu’on voudrait parfois effacer les guitares pour plonger totalement dans ces trop rares instants de présence passionnelle.

Comme Deinonychus est l’archétype même du groupe « love it or hate it », ceux qui le supportaient déjà depuis des années devraient trouver « Mournument » très à leur goût. Quant aux détracteurs et aux novices, il ne serait peut-être pas superflu qu’ils jettent une oreille sans préjugés en gardant à l’esprit que vouloir décomposer méthodiquement une telle musique, c’est la tuer à coup sûr…




Rédigé par : Uriel | 12.5/20 | Nb de lectures : 8783




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Commentaire
hallu
Membre enregistré
Posté le: 30/11/2004 à 20h07 - (11847)
C'est un peu n'importe quoi ce disque, et la voix est pas totalement maîtrisée, ça part un peu trop dans tous les sens. Le dernier dont je prépare la chro est bien meilleur.

sakrifiss
Membre enregistré
Posté le: 01/12/2004 à 05h18 - (11852)
Sauf que le denrier il a que 5 morceaux meme s(ils sont longs, on en aurait voulu plus



hallu
Membre enregistré
Posté le: 01/12/2004 à 12h40 - (11855)
Bof, bouffant du doom à longueur de journée ça m'a pas choqué qu'il n'y ait que 5 titres, et puis 45 min de zik quand même.

nepenthes
Invité
Posté le: 20/12/2006 à 14h52 - (36877)
Il est vrai que les vocaux de Marco sont vraiment particuliers... mais pour ma part, ils ne me dérangent pas... ils apportent un grain d'originalité à une musique somme toute assez classique...
Non vraiment, j'aime bien cet album... je n'ai rien de particulier à lui reprocher... du bon doom bien lourd, bien dépressif, avec une pointe de mélancolie, quelques accélérations bien senties... du beau travail ;-)



chocorem
Membre enregistré
Posté le: 29/01/2008 à 17h43 - (51990)
Bon album contrairement au dernier, peu réussi



Ours
IP:78.250.182.224
Invité
Posté le: 30/11/2013 à 07h48 - (110179)
12,5 ? Merde, j'pensais que par ici on savait apprécier les bonnes choses ^^ Un excellent album de Deinonychus, une fois encore ! Et la voix de Marco colle parfaitement à la musique.Un des rares groupes de doom que j'apprécie. Belle réussite!

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