DEFEATER - Abandoned (Epitaph) - Selection VS du 04/12/2015 @ 07h12
Honte sur moi, après avoir parlé du premier album de DEFEATER, je n’ai pas daigné écrire une ligne sur les deux suivants. C’est très mal parce que ce groupe fait partie de ce qui se fait mieux en hardcore « émotionnellement puissant » depuis quelques années. Pour me rattraper voila donc la chronique de leur, déjà, quatrième et excellentissime album, « Abandoned ».

Le groupe de Boston s’est crée un univers propre qu’il visite d’album en album. On y trouve des personnages récurrents, des lieux, des émotions qui passent d’album en album via des passerelles tant musicales qu’esthétiques. Cet album prend pour personnage principal un prêtre catholique, qui apparaissait dans le titre « Cowardice » présent sur le premier album du groupe « Travels », pêcheur qui s’interroge sur sa foi et sa vie. Un thème riche et très bostonien finalement (voir la riche histoire du polar bostonien toujours très imprégnée de catholicisme), ville qui compte une grosse communauté catholique. Le sujet du disque est riche et vaste mais DEFEATER se concentre sur la composante humaine de son thème, celle d’un homme d’église en proie au doute, rien de plus. Il y a définitivement du Denis Lehane dans ce groupe et dans ce disque précisément. Maintenant que le fond est posé, il faut parler de la forme, la musique parce qu’on est là pour ça avant tout.

L’album s’ouvre sur un premier titre en forme d’introduction, « Contrition », lent fade in construit sur la complainte du prêtre qui prend conscience de ses doutes « Forgive me, my Father, for i am a sinner. Unanswered, abandoned ». Un leitmotiv que l’on retrouvera tout au long de l’album tant au niveau vocal que musical. Ces mots seront aussi les derniers prononcés sur l’album qui forme donc une boucle inextinguible symbolisant la condition et le doute permanent de notre protagoniste. Oui, je spoile, tout ça ne se termine pas très bien, la rédemption n’est pas là et les doutes persistent encore et encore. Puis surtout ce disque permet de comprendre certains aspects des lyrics de « Travels » (au sein duquel on retrouve notre personnage, vous suivez ?). « Unanswered » sonne comme du Modern Life Is War, un hardcore charbonneux, urgent mais toujours empreint de cette indéfectible mélancolie qui colle aux basques des bostoniens. Un titre typique de DEFEATER qui montre que les quelques envolées metalcore du précédent disque ont disparu pour laisser toute la place au hardcore moderne et mélancolique qui fait la patte du groupe. Depuis Ruiner, aucun groupe ne le pratique mieux qu’eux. D’ailleurs ce disque est certainement leur plus désenchanté, celui sur laquelle la touche émo, voire screamo est la plus prégnante.

Le chant de Derek Archambault, grand ordonnateur du groupe, évolue et sonne plus habité que jamais. Il reste dans ce timbre rocailleux et arraché propre au hardcore moderne mais se permet aussi quelques petites variations. On trouve du chant clair via la participation de James Carrol de Make Do and Mend sur « Borrowed and Blue » qui amène une petite variation à l’ensemble et permet à ce titre, construit sur une série d’arpèges et un pattern de batterie répétitif, presque hypnotique, de se démarquer encore plus, d’apporter un peu de lumière dans la grisaille toute bostonienne de « Abandoned ». Tout au long des trente-trois minutes on reste scotché par l’atmosphère du disque, sa pertinence, sa cohérence et sa manière de conter une histoire unique mais qui trouve sa place dans l’univers créé par le groupe.

Cet album est le plus court de DEFEATER mais aussi, peut-être, le plus intense, celui qui prend le plus aux tripes. « Penance » par exemple, fait se dresser les poils dur les bras et dans la nuque. On a envie de serrer de bon Derek dans nos bras et de le bercer, de lui dire que tout va bien se passer. T’en fait pas mon gars, c’est fini, ça va aller. Il est rare qu’un disque de hardcore ne procure ce genre de sensations. « Remorse » avec son refrain tout en culpabilité, dont les paroles rappellent le « Contrition » introductif, et ses guitares désenchantées autant que tranchantes constitue l’un des pics de ce disque qui est un pic en lui-même, mais les chefs d’œuvres ont aussi leur moments plus forts que d’autres, l’enchaînement « Penance »/« Remorse »/« Pillar Of Salt » est l’acmé d’« Abandoned », un album qu’il est préférable, voire indispensable, d’écouter d’une traite, dans l’ordre, afin de saisir toute la complexité de la construction et le travail d’écriture fourni par le groupe.

DEFEATER poursuit son grand œuvre et hisse le hardcore moderne, ainsi que le hardcore en général, vers le haut. Difficile d’établir un classement dans la discographie des bostoniens mais ma préférence va pour « Travels » et le petit nouveau ici présenté. On est face à l’un des grands disques de hardcore de l’année et DEFEATER continue d’entretenir la flamme d’un modern hardcore made in Bridge Nine, même s’ils sont passé chez Epitaph, et de le faire mieux que personne. Un disque qui s’écoute autant qu’il se lit, c’est rare dans le hardcore. Un des très bons disques de hardcore de l’année, un des très bons disques, tout court, de l’année qui colle à la peau pendant un bon moment et dont certaines paroles comment à la peau.

Forgive me, my Father, for i am a sinner. Unanswered, abandoned.
Forgive me, my Father, for i am a sinner. Unanswered, abandoned.
Forgive me, my Father, for i am a sinner. Unanswered, abandoned.
Forgive me, my Father, for i am a sinner. Unanswered, abandoned.





http://www.defeater.me/ - 154 visite(s)


Rédigé par : Seb On Fire | 17/20 | Nb de lectures : 10309




Auteur
Commentaire
Will
IP:193.50.159.52
Invité
Posté le: 04/12/2015 à 10h31 - (118856)
Superbe comme toujours.
Manque peut-être un chouilla de "crasse" qu'on pouvait trouver dans leurs premiers efforts.

Meridian
Membre enregistré
Posté le: 04/12/2015 à 11h01 - (118857)
Chronique de qualité pour un album de haut niveau ; du coup, je suis en train de revenir sur leurs précédents disques et m’en veux de ne les avoir découverts qu’en 2013. Ce groupe a un sacré cachet… les mélodies et interludes vocales transpirent le spleen et ça, j’adore (feu Heart in Hand excellait également en la matière – d’autres groupes dans la même veine ?).

A noter, si je ne m’abuse, que leur gratteux Jay Maas les a récemment quittés… ce qui n’est pas bon signe, dans la mesure où il intervient très largement dans la composition et produit leurs albums.

A noter : pour les audiophiles qui ont le matos nécessaire "Abandoned" est disponible à l’achat (digital) en version 24 Bit – 96KHz ; la musique a un tout autre relief dans ces formats.




DeathCrumble
Membre enregistré
Posté le: 04/12/2015 à 13h54 - (118858)
Un disque vraiment agréable, dans la continuité de la discographie du groupe. Defeater fait du Defeater, et finalement ça me va très bien comme ça.
Je les ai vu il y a deux semaines, c'était super en live.
@Meridian : je te conseille My Fictions, c'est plus screamo, mais vraiment excellent. Si tu cherches des ambiances qui respirent pas la joie, tu vas être servi :)




Zero
Membre enregistré
Posté le: 05/12/2015 à 10h23 - (118867)
...J'ai toujours un éternel coup de coeur pour l'EP "Lost Ground" de 2009 qui conceptuellement est hyper poignant (le retour d'un soldat noir dans sa patrie américaine et le cheminement qui s'en suit)...s'il n'en fallait écoute qu'une, ce serait "Home ain't never home"...après "Empty Days" assez sympathique, "Letters Home" relevait à nouveau fortement le niveau avec des tubes "Bastards". Je n'ai pas encore suffisamment écouté le dernier pour fixer un avis définitif mais il m'a l'air tout bon. Dans cette mouvance "HxC old school/new school", à côté de Heart in Hand, je conseille l'excellent groupe canadien Counterparts, son dernier opus m'a beaucoup plus! The Eyes of a Traitor (le dernier), ou Killing the Dream avec l'album "Lucky Me" (petit clin d'oeil à la pochette) :-)...



Zero
Membre enregistré
Posté le: 05/12/2015 à 10h25 - (118868)
...s'il en fallait écoutER qu'une....des tubes COMME "Bastards"...



Zero
Membre enregistré
Posté le: 05/12/2015 à 13h59 - (118870)
@DeathCrumble : je ne connaissais pas My Fictions, merci !...quelle fureur et quelle fougue sur le titre "Postcard" !!...



Bras cassé
Membre enregistré
Posté le: 05/12/2015 à 20h30 - (118877)
Superbe kro pour ce petit chef d'oeuvre. Ce type de metal n'est pas forcement ma tasse the, mais j'ai ete happe a sa decouverte, a l'ecouter jusqu'a l'abrutissement plusieurs fois par jour. Un des albums qui m'a le plus marque cette annee.

bn
Membre enregistré
Posté le: 08/12/2015 à 10h37 - (118901)
Je découvre ce groupe et c'est vraiment de la bonne !

Merki pour le chro !



MrGuitoune
IP:88.164.108.64
Invité
Posté le: 10/12/2015 à 09h42 - (118922)
Ce groupe est énorme, ça prend aux tripes, c'est bien foutu, du tout bon avec son hardcore tout en émotion et cette touche screamo qui rajoute de l'intensité à leur musique.

TamaSonorGretsch
IP:62.39.97.163
Invité
Posté le: 12/12/2015 à 12h18 - (118936)
Très bon en effet, meilleur que Letters Home mais pas encore tout à fait du niveau de Travels; manque le petit grain de folie de ce dernier !

Maxgrind
IP:78.122.6.150
Invité
Posté le: 18/01/2016 à 11h12 - (119182)
Tellement d'accord avec la chro de Seb, si ce n'est plus.

Defeater et moi, c'est une histoire d'amour. Et ce, depuis les tout débuts.

Justement, revenons en arrière à l'époque de Travels. Le commencement d'un long récit amibitieux, qui va s'étirer sur plusieurs albums.
Une histoire avec un protagoniste différent sur chaque chapitre (album), apportant leur point de vue sur leur situation respective, exprimant leurs griefs/plaintes et en interaction avec les autres personnages.

Travels est donc une énorme surprise, sortie de nulle part, et met tout le monde d'accord.
Le groupe pratique un hardcore mélodique et pêchu, qui va laisser place, au gré des albums, à la décharge d'émotions, spécialité pour laquelle ils sont grandement reconnus aujourd'hui.
Cowardice en est le parfait exemple, un concentré d'émotions (la voix écorchée de Derek, cette mélancolie propre au groupe) et de puissance (ces riffs de guitare, mon dieu). Conquis !

Au fil des années, le groupe ne va cesser de faire évoluer son propos musical. L'EP Lost Ground (quel chef d'oeuvre) est en quelque sorte une préface d'Empty Days and Sleepless Nights. Un album à fleur de peau, à écouter d'urgence pour s'imprégner de la mélancolie chère à nos compatriotes américains. Je cite pêle-mêle Warm Blood Rush, Empty Glass (leur plus beau clip à ce jour), White Knuckles, White Oak Doors. Bref, la définition même du Deeply Moving Hardcore !

Puis, c'est au tour de Letters Home d'ajouter sa pierre à l'édifice. Une légère déception pour ma part, car le groupe me semble un poil moins inspiré que d'habitude et moins touchant. Néanmoins, certains titres (Rabbit Foot, Dead Set) ne me font pas oublier que Defeater excelle sur le terrain des émotions, reste maître dans cet art.

Après ce Letters Home en légère demi-teinte, Abandoned s'est fait longuement attendre. Et voilà mon attente enfin comblée... Le groupe reprend exactement là où il s'était arrêté sur ED&SN.
Je retrouve le Defeater capable d'alterner entre l'écorché vif et la mélancolie pure.
Je retrouve le Defeater capable de pondre du tube über mélodique et prenant (Unanswered, Spared In Hell, Pillars Of Salt, Remorse, Penance) et du morceau spleenesque à t'en faire déprimer, t'en faire chialer, t'en remuer le coeur (Contrition, Borrowed and Blue, Atonement, Vice and Regret).

Et que dire de ces paroles, répétées en boucle sur certains morceaux, comme si elles résonnaient dans nos têtes, pour exprimer les doutes de ce prêtre en perdition. Comme si Defeater s'était fait le messager du Tout Puissant, comme si nous étions touchés par la Grâce Divine. Des paroles à ne pas écouter mais à vivre.

Est-ce le dernier chapitre de cette histoire, autour de cette famille ravagée par les affres du désespoir? Je n'espère pas.

Sans hésitation possible, Abandoned est mon album préféré du groupe (Lost Ground quasi à égalité mais n'étant pas un album). Le groupe est à l'apogée de son art et de son oeuvre.
Defeater, c'est ce diamant très précieux, à l'état brut, qu'il faut garder tel quel et qu'il faut chérir avec une très grande attention.

Forgive me, my Father, for I am a sinner. Unanswered, abandoned. Unanswered, abandoned.

Maxgrind
IP:78.122.6.150
Invité
Posté le: 18/01/2016 à 11h27 - (119183)
@Meridian : merci pour Heart In Hand, je ne connaissais pas et c'est pas mauvais :) si tu as aimé My Fictions, je te conseille vivement les frenchies de Nine Eleven.

@DeathCrumble : merci pour My Fictions, j'ai trouvé ça extrêmement bon. D'ailleurs, si tu aimes beaucoup ce groupe, alors jette toi sur les frenchies de Nine Eleven. Ça joue dans la même cour :)

@Zero : merci pour Killing The Dream, c'est pas mal. Concernant Counterparts, le groupe est beaucoup plus axé metalcore avec quelques pointes de mélancolie parsemées par ci par là :) Sinon, Tragedy Will Find Us est vraiment un bon album mais pour l'instant, il ne déloge pas l'excellent The Difference Between Hell And Home (j'espère que tu l'as écouté celui-là).
Et pareil que les autres, si tu as vraiment aimé My Fictions, il ne te reste plus qu'à écouter Nine Eleven ;)

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