Parfois, tout peut se résumer à quelques chiffres.
Un. Coal Black Hearses est la première sortie de Decrepit Spectre.
Deux. Car deux Français, issus du même groupe, sont à l'origine du projet.
Trois. Comme le nombre de titres qui composent ce MCD sorti en décembre dernier.
Quatre. Le nombre de membres qui composent le line-up, si on ajoute Kvohst et Aort, respectivement chanteur et bassiste de Code.
Cinq années nous séparent de la dernière sortie du précédent groupe de nos deux Français.
Six. Decrepit Spectre a été fondé en 2006.
Sept. Car c'est finalement avec ce dernier chiffre que tout a commencé et que tout va s'éclairer dans un calembour biscuité.

Decrepit Spectre n'est autre que le nouveau projet de Heimoth, leader du combo français Seth. Un combo qui aura marqué les esprits avec des albums aventureux et qui aura surtout sorti un premier opus frisant la perfection, de là à traumatiser une partie de l'auditorat du genre (si, si, j'insiste). Depuis Era-Decay en 2004, nos deux Français, les guitaristes Heimoth et Cyriex, ne sont pas restés les pieds dans l'eau à ramasser des mollusques du côté de Bordeaux. Cyriex est toujours guitariste dans Asmodée. Heimoth a notamment joué en live avec Code (dans lequel Alsvid est venu prêter main forte à la batterie pour quelques dates). Le gratteux sera encore prochainement sur scène avec Reverence. Et dans le secret, ils ont mitonné leur nouveau bébé, pas très en forme puisqu'il en est tout décrépi.

Dans tout ça, vous vous doutez bien que Decrepit Spectre ne donnera pas dans le black brutal et carnassier. Le groupe pose avant tout une ambiance éthérée en gardant la substance avant-gardiste de Seth. Kvohst apporte un côté dandy décomposé, comme il sait le faire avec Code. Et Coal Black Hearses trouve le parfait équilibre entre les riffs thrashy de Heimoth et la pureté étrange du chant de Kvohst. Le projet joue énormément sur la dualité entre la dynamique des rythmiques et le côté envoûtant des voix, deux facettes pour proposer une musique qui virevolte d'une atmosphère à l'autre au fil des instants. Les accords sont plaqués, la basse ronfle langoureusement,... diantre.

On en oublie dès la première minute que la batterie est une BAR. On se surprend à headbanguer dans le tempo le riff, et boum! Voilà que survient un passage atmo, avec la voix claire énormissime de l'Anglais qui expédie l'ensemble vers les étoiles. Des moments comme le refrain de "Stranded Angels" sont simplement énormes... et fréquents malgré la durée du MCD. Entre sa voix hargneuse à la ...And Oceans et ses chants clairs qui renvoient un talent comme Vortex dans les limbes, Kvohst avait illuminé le premier album de Code (avant d'y être remplacé très ponctuellement par Vortex justement). Là, il trouve un poste de choix, porté par des riffs chirurgicaux, et apporte énormément au mini.

Histoire d'égratigner un peu le vernis de perfection dont je couvre Coal Black Hearses, je ferai deux petites remarques. La durée, évidemment. J'en aurais bien pris pour un album complet tellement ça me fait vibrer. Ensuite, je suis étonné par l'ordre des titres. Les groupes ont tendance à proposer en tête de gondole des morceaux percutants qui accrochent immédiatement l'auditeur. Decrepit Spectre propose exactement l'inverse, en plaçant l'introduction dynamique du titre éponyme en troisième et en démarrant par le plus introspectif "Graverider". On peut y noter la volonté du combo de mettre en avant ses ambiances.

Tout amateur d'un black qui se réclame avant-gardiste doit jeter une oreille sur le gros quart d'heure plus que prometteur de ce premier MCD magique. Irrémédiablement attiré par la lumière, l'auditeur s'immerge dans les titres, avides de connaître ce qui se tapit à la prochaine mesure, curieux de comprendre les étranges visions décrites dans les textes. Et immanquablement, il se joint à la lente procession des spectres.


Rédigé par : Prince de Lu | 8,5/10 | Nb de lectures : 11756