Les kros qui thrashent – Episode 1 : Les gardiens de la tradition

Au commencement était le blues, puis le blues enfanta le rock, puis le rock le hard rock, puis le hard rock le heavy metal, puis le heavy metal le thrash metal. Partout dans le monde, ce descendant turbulent du blues faisait des émules, et dans les années 80 deux continents s’affrontaient à coup de riffs rageurs, de vocaux tous plus hargneux les uns que les autres et rivalisaient en terme de vitesse d’exécution. En Amérique se trouvaient METALLICA puis plus tard DEATH, en Europe KREATOR. Pendant que ces vaillants guerriers se livraient bataille et emmenaient le thrash vers des territoires plus brutaux (DEATH) ou mélodiques (METALLICA et dans une moindre mesure KREATOR), grandissait une poignée de jeunes vikings avides de décibels et de sauvagerie qui s’imprégnèrent des œuvres de ces formations légendaires. A peine sortis de l’adolescence, ils se lancèrent dans la bataille et décidèrent de redonner ses lettres de noblesse au thrash, depuis trop longtemps occulté par le death mélodique en vogue dans leurs contrées.

Mené par une jeune fille (Metallic Kittie) dont la voix haineuse n’a d’égale que la plastique avantageuse, DECADENCE se pose ainsi comme le garant du respect des traditions. Son troisième album (en deux ans !), toujours excellemment produit par leur ingé son Kenneth Lantz, est également le premier à être signé par un label, en l’occurrence celui fondé par Metallic Kittie dans l’unique but de promouvoir le groupe, HTI Records. Ce craquant bout de femme fait à ce propos beaucoup penser à une autre figure féminine emblématique du thrash, Sabina Classen, qui tient la barre du navire HOLY MOSES depuis une vingtaine d’années maintenant : mêmes vocaux extrêmes, même volonté farouche de continuer malgré les galères, même passion viscérale pour le thrash… Bon, me direz-vous, elle est mignonne et elle a la rage. C’est cool, mais ça donne quoi sur CD ? Et bien sur CD, ça claque ! Les filiations avec KREATOR et METALLICA sont évidentes : d’entrée, « Corrosion » met cartes sur table en reprenant le riff speed de « All Of The Same Blood » (« Violent Revolution) du Kreateur ; DECADENCE n’est pas là pour poser cheveux gominés, jeans taille basse et maillots taille M mais pour faire revivre la légende ! « Sculpture » et « Invert » font quant à eux ressurgir le spectre des derniers DEATH « Symbolic » et « The Sound Of Perseverance » mais sans en faire trop, l’influence est sensible mais pas ostentatoire, les riffs s’enchaînent avec assez de naturel pour qu’on n’y voie pas qu’une panne d’inspiration maladroitement déguisée en hommage et on se prend au passage un vieux coup de blues en repensant à Chuck Shuldiner, qui sans la saloperie qui lui rongé le cerveau aurait fêté le 13 Mai dernier son quarantième anniversaire.

On pourrait craindre qu’en ralentissant les tempos, les suédois se perdent dans des approximations mélodiques de mauvais goût, mais c’est au contraire dans ce domaine qu’ils font étalage de tout leur talent mélodique et se montrent aussi efficaces que leurs légendaires mentors. Kitty Saric est tout aussi à l’aise sur les passages lourds ou mélodiques que sur les plans bourrins et module sa voix avec une facilité qui en ferait pâlir de jalousie plus d’un mâle, adaptant ainsi son chant aux ambiances ces morceaux. DECADENCE, surgit de nulle part ou presque, a ainsi sorti à la fin de l’année dernière avec « 3rd Stage Of Decay » l’un des meilleurs disques thrash de ces dernières années, une sorte de rencontre virtuelle entre METALLICA, DEATH et KREATOR marquée de l’incomparable savoir-faire suédois en matière de recyclage. Un disque hargneux, incisif, mélodique, INDISPENSABLE !


Rédigé par : Dungorpat | 17/20 | Nb de lectures : 12832