Et si c’était finalement le contexte enfin favorable à leur musique – trente ans après mais on ne va pas chipoter hein ?! – qui allait enfin réhabiliter Steve Sylvester et son maudit DEATH SS ? À l’heure où WITCHCRAFT, THE DEVIL’S BLOOD, GRAVEYARD ou encore HANDS OF ORLAC remportent pas mal de suffrages avec une espèce de hard-rock retro plus ou moins psychédélique mais toujours très ancré dans les années 70, il est désormais de bon temps d’évoquer ce groupe italien en activité depuis quand même 1977.

Réalisée en collaboration avec leur chanteur Steve Sylvester (alias Stefano Silvestri mais ainsi anglicisé, tout de suite, cela fait mieux), qui s’est d’ailleurs chargée des notes intérieures faisant office de bio détaillée plutôt bien foutue, par un label UG mexicain et distribuée en Europe par une petite structure teutonne toute aussi obscure, cette compilation ne semble pourtant pas avoir les armes qu’il faut pour remporter cette bataille toute seule. Il faut dire qu’il y a du boulot, entre de récurrents gros problèmes de labels et de line-up et surtout ce nom (alors que ‘SS’ est l’acronyme de Steve Sylvester, tout simplement) qui lui porte la poisse depuis presque trente-cinq ans, bien que ce groupe influencé par un hard-rock des bois et les films d’horreur a toujours crié haut et fort qu'il n’avait bien sûr aucun lien avec d’éventuels groupuscules néo-nazis… Le pire est que comme le rappelle justement ce double CD qui comprend quand même la bagatelle de trente-deux morceaux réalisés entre 1982 et l’année dernière, on ne peut pas dire qu’ils aient ménagé leurs efforts, rien qu’avec leur look outrageant entre Rob Zombie, Cradle Of Filth (bien avant l’heure) et les Muppets Show et des albums réalisés à grands renforts de $$$ aux studios Academy en Angleterre (seconde maison de MY DYING BRIDE) ou avec l’assistance du producteur Neil Kernon (QUEENSRYCHE, CANNIBAL CORPSE etc.).

Sauf que justement, ‘All The Colors Of The Dark’ permet peut-être involontairement de souligner quel était le vrai problème : sa musique. Déjà, il faut dire qu’à l’instar de la grosse majorité de par exemple pas mal de groupes de prog rital des années 70, DEATH SS a toujours été indéniablement italien, c’est-à-dire avec ce petit truc pouvant que l’on a du mal à exactement pointer du doigt mais qui rend le tout un peu bancal, notamment dans le chant assez nasillard. Ce qui donne certes au tout un charme assez unique mais qui empêche toujours de les prendre totalement au sérieux. Or l’un des éléments essentiels au ‘son’ DEATH SS était son premier guitariste, Paul Chain, qui a quitté le navire dès 1982. Ce qui n’a pas empêché d’ailleurs Sylvester de continuer malgré tout pendant des années à utiliser et enregistrer les morceaux qu’ils avaient composés ensemble durant les cinq premières années du groupe.

Donc sur les quatre premiers titres, extraits d’une session studio de 1982, la formule marche plutôt bien car alors encore assez roots voire limite punk et ce n’est pas pour rien qu’encore aujourd’hui, un certain nombre de groupes se réclament de cette première monture, dont les Français de NORTHWINDS. Mais dès que les tendances, aujourd’hui horriblement datées, des années 80 à tout faire sonner comme du plastique fluo commencent à s’incruster dans leur musique, la frontière qui les séparait encore du kitsch est alors largement franchie. Alors certes, avec tout leur attirail pour épater la galerie lors de la prochaine fête d’Halloween comprenant monstres de foire (« Vampire »), blasphèmes de série Z (« Baphomet ») et pseudo-récits de possession démoniaques (« Horrible Eyes »), on peut les créditer comme le premier véritable groupe d’horror-metal. Mais paradoxalement, plus le groupe s’est professionnalisé et plus ce qui faisait son charme un peu suranné s’est donc effacé, en contraste complet avec la thématique horrifique kitshcouille qui malgré quelques embellissements pseudo-ésotériques est restée grosso merdo la même.

Sauf que depuis le début des années 90, le groupe - ou plutôt Sylvester et une plaque tournante de musicos - naviguent dans des eaux boueuses, à quelques encablures d’un metal indus vaguement gothique qui rappelle soit la tentative récente (et ratée) de Christian Death de se réinventer à l’aune de ce monde post-Marilyn Manson et désespéré d’être né non pas sous le soleil californien mais à l’ombre des tomates mozzarella. Alors je ne suis peut-être l’auditeur parfait pour ce style mais le résultat est trop souvent au mieux sans saveur et au pire, complètement raté. Un titre permet d’ailleurs de mesurer tout l’étendue du ratage de cette réorientation qui n’a jamais vraiment pris : une reprise (enregistrée en 1998) de « Come To The Sabbath » de Black Widow, l’un des premiers groupes de proto-hard-rock/prog avec Coven à avoir mélangé musique et discours occulte très poussé. Influence principale assumée de DEATH SS à ses débuts en 1977, leur chanson plus célèbre se retrouve ici boursoufflée par des claviers datés et des réarrangements très 80’s complètement inutiles.

Jusqu’à maintenant célèbre inconnu, qui plus est aujourd’hui a priori disparu, DEATH SS risque donc de continuer à l’être. Alors à la limite, payez-vous (si vous réussissez à mettre la main dessus !) ‘The Best Of Death SS 1977-84’ ou contentez-vous de la première moitié du premier CD de cette double compilation mais mode ou pas mode, ce n’est pas moi qui vous pousserai à la consommation pour ce coup-là…


Rédigé par : Olivier 'Zoltar' Badin | 'best of'/ | Nb de lectures : 13045