Le talent est-il sujet à controverse? Dans la diversité des goûts et des sensibilités, rares sont les groupes qui parviennent à susciter l'unanimité si ce n'est dans la médiocrité la plus profonde. Là où STRIBORG parvient à recueillir tous les suffrages (et encore) de la "communauté" Black Metal, d'autres au contraire divisent... pour mieux régner peut-être. A l'instar de BLUT AUS NORD, DEATHSPELL OMEGA a récemment provoqué la polémique par ses explorations musicales du côté dissonant de la Force. Chef-d'oeuvre de complexité et de noirceur, hermétisme prétentieux, infecte souillure sonore voire tout à la fois, "Fas - Ite Maledicti, In Ignem Aeturnum" ne laisse pas indifférent. Ne serait-ce d'ailleurs pas l'essence même des oeuvres intéressantes ? 


DSO, en compositeur infatigable, est aujourd'hui de retour avec "Veritas Diaboli Manet in Aeturnum : Chaining the Katechon" (soit VDMACK), disponible sous forme d'un MCD ou d'un split avec S.V.E.S.T.. « VDMACK » est en fait un seul morceau de 22 minutes environ. Un exercice de style dont le groupe est assez coutumier puisqu’il semble constituer (pardonnez ma possible inculture dans le domaine) le dernier volume de son triptyque occulte.


Autant couper court à toute spéculation, ceux qui ont abandonné le groupe après "Kénôse" vont sûrement avoir quelques difficultés à adhérer à ce nouvel opus. Sans être aussi hermétique que "Fas...", bien que l’on ressente une évidente filiation - "VDMACK" confirme une volonté d'exploiter les discordances et les paradoxes - les thèmes sont souvent moins dissonants et rébarbatifs. On retrouve plutôt une certaine familiarité avec « Kénôse », et bien sûr avec les deux tomes précédents (?) : « Mass Grave Aesthetics » et «Diabolus Absconditus ».

L’album débute par un pattern répétitif, agressif et quelque peu dissonant qui se noie vite dans la mélancolie. Ces mélodies atteignent leur apogée et leur conclusion dans un tapping dont la rupture brutale et le silence qui en découle jouent le rôle de transition (ce léger manque de subtilité entre différentes phases se retrouve d’ailleurs plusieurs fois).
Au fil du morceau, DEATHSPELL OMEGA évolue dans une ambiance faite de tensions harmoniques, de relâchements, d'ambiances lourdes, sombres ou schizophrènes entrecoupées de furieux accès de fièvre. Un développement chaotique qui se tortille indéfiniment en un résumé des différentes facettes du style du groupe.

Le travail de composition est, de ce fait, énorme, riche d’orchestrations (la superbe juxtaposition de cuivres et de riffs violents en fin de morceau par exemple) et d’ambiances variées. Il est d’ailleurs difficile de ne pas se perdre en route, comme un promeneur distrait par l’étrangeté du paysage qui l’environne ou encore la difficulté d’un chemin particulièrement piégeux, au choix. Un chemin de croix qui se termine dans une procession lente et douloureuse marquée par la voix changeante, tantôt rauque tantôt invoquante de Mikko Aspa dont les litanies lancinantes accentuent encore l’insanité de l’atmosphère.

Nul n’est prophète en son pays. Si cela n’a pas beaucoup de sens en ce qui concerne DEATHSPELL OMEGA, ça a le mérite de bien sonner pour introduire une conclusion. Depuis “Fas..”, le groupe a certes perdu une part de son auditoire “Black Metal” mais se retrouve paradoxalement très à la mode dans la scène brutale, peut-être plus demandeuse d’ambiance dans un style qui se stérilise progressivement. Après la perte du son “raw” et l’évolution vers une musique plus technique... DEATHSPELL OMEGA se trouve désormais à la croisée des chemins, celle où les étiquettes s’effacent pour ne laisser que du son, extrême.


Rédigé par : La Myxine | 08,5/10 | Nb de lectures : 13327