Sortez à l’une des soirées de Monsieur l’ambassadeur les mots ‘thrash-metal allemand des années 80’ et vous verrez avec quelle facilité les mots ‘Kreator’, ‘Destruction’, ‘Tankard’ ou ‘casques à pointes’ jailliront. Mais ne comptez pas entendre le nom ‘Deathrow’, à moins d’en avoir un au fond qui essaye de faire son intéressant… Il faut dire que ce groupe aujourd’hui oublié aux fers depuis Mathusalem aux côtés d’Exumer, Protector ou Darkness dans cette grande cave où l’on a emprisonné tous les seconds couteaux de la scène thrash. Surtout qu’il n’avait pas arrangé son cas en opérant au début des années 90 un virage stylistique des plus discutables. Pire : jusqu’à aujourd’hui, aucun de ces quatre albums sortis entre 1986 et 1992 n’étaient plus disponibles en CD, ou alors pour l’équivalent du PIB d’un pays du Tiers Monde sur Ebay. Mais entre une scène thrash retro en plein renouveau de l’autre côté du Rhin (Nocturnal, Witchburner, Hellish Crossfire, etc) et le désormais goût assumé d’une partie du public pour les rééditions de vieilleries pas forcément indispensables mais qui deviennent parfois par on ne sait quelle magie ‘culte’ à partir du moment où elles ont plus de quinze d’âge, ce n’était qu’une question de temps avant que quelqu’un ne ressorte du placard ces deux premiers albums, sortis respectivement en 1986 et 1987… Sauf que l’on ne sait plus trop au final si on doit remercier le label qui s’est dévoué à faire sa BA du jour.

Je m’explique : ce qui faisait jadis le charme de Deathrow était justement son côté très Jean Alesi ‘à fond, à fond’. Musicalement à cheval entre la scène speed et thrash, la très grosse majorité de ses morceaux étaient interprétés pied au plancher d’une façon quasi-hystérique. Or justement ce côté un peu borderline, presque plus proche de ses contemporains brésiliens tels Vulcano ou Sextrash, était ce qui lui permettait alors de se différencier de ses (nombreux) concurrents à l’époque. Sauf qu’aujourd’hui, c’est l’élément de sa personnalité qui a le plus mal vieilli. En plus d’un batteur qui semble toujours avoir une croche de retard, cela donne donc un bassiste/chanteur s’entêtant à essayer de placer un maximum de mots en un minimum de temps, tout en postillonnant dans un style vocal pas si éloigné que cela de Snake de Voivod ses refrains plus qu’autre chose.

Si le groupe ne s’est vraiment mis au techno-thrash qu’à partir de leur troisième opus ‘Deception Ignored’ (1988), dès ‘Satan’s Gift’ deux ans plus tôt, ils ont tenté de s’y mettre. Un album d’ailleurs, pour l’anecdote, qui a dû être rebaptisé ‘Riders Of Doom’ et se voir attribuer une nouvelle pochette pour être vendu sur le alors trop prude marché US… Or là où cela coince, ce que ces musiciens alors juvéniles étaient alors loin d’être des prodiges ! Si aujourd’hui avec le recul leurs limitations techniques donnent à l’ensemble un charme un peu désuet pas dégeu, difficile en écoutant le tout de ne s’imaginer un groupe passant son temps à tirer la langue à force de ne pas boxer dans leur catégorie. Malgré sa pochette très Manowar, les choses s’amélioraient il faut avouer un peu sur ‘Raging Steel’, produit par le déjà vétéran Harris Johns, baby-sitter attitré de la vague thrash teutonne. Là, Deathrow osait un peu, notamment, chose rare pour un groupe allemand à l’époque, en abordant le sujet délicat des camps de concentration sur « Scattered By The Wind », bizarrement divisé en deux plages sur cette réédition (erreur de mastering ?). Ils ont même réussi à poindre là deux ou trois vraies petites bombes old-school, dont un « Pledge To Die » toujours aussi énormissime avec ses duels de solos. Mais sans le côté ‘fun’ de Tankard ni la science du riff bien cruel de Kreator, Deathrow ne dépasse au final jamais le stade de simple produit de son époque, ‘culte’ ou pas.

Alors certes, ces deux rééditions sont agrémentés de titres des deux démos au son bien roots que le groupe avait sorties en 1985 sous le nom Samhain. Et sur ‘Satan’s Gift’, on a même droit à une longue interview, initialement donnée par le groupe il y a quelques années à nos collègues du webzine allemand ‘Voices From The Darkside’. Une interview hélas affreusement mal mis en page et donc assez fatigante à lire… Mais à part nos amis collectionneurs et notamment ceux prêts à vendre tous leurs caleçons pour mettre la main sur un skeud de Living Death (il paraît que cela existe), on est quand même loin du niveau d’un « Pleasure To Kill » quand même. Par contre, si quelqu’un avait l’intelligence de ressortir ‘Deception Ignored’, je l’en remercie d’avance !


Rédigé par : Olivier ‘Zoltar’ Badin | Rééditions/ | Nb de lectures : 11342