Enigmatique ? Le duo floridien propose un son qui l’est assurément. Le sludge est une musique magnifique qui peut offrir une base solide à un groupe aventureux pour le laisser s’exprimer et franchir quelques frontières. La première d’entre elles n’est autre que sa Floride natale que l’on ne reconnaît pas sur ce "Surrender To All Life Beyond Form". On se croirait plutôt en Géorgie ou Louisiane. Et même si le combo partage le même hometown que ces artistes bling-bling, point de doute, rien que de l’underground à l’horizon.

La seconde frontière se situe au niveau musical où Dark Castle pose des bases sludge, clairement, mais laisse sa curiosité se balader vers le doom, l’instrumental, l’expérimental voire l’ambiant. Plusieurs groupes proposent ce type de mélange, mais il faut avouer que ce duo a un atout charme avec leur musique atmosphérique qui permet presque une communion psychique avec les éléments. Ensemble de morceaux riches qui ne laissent point indifférent en tout cas. A la manière d’un WITTR, le groupe a ce penchant épique qu’il véhicule dans sa musique : champêtre, aérien, jusqu’au boutiste et intense.

Pour le coup, Dark Castle est loin du carcan ”12 chansons en couplet/refrain” cher à tant de formations, et propose un bloc à prendre dans son ensemble. C’est un labyrinthe simple: quelques riffs bien sentis, accompagnés par une batterie métronomique et une voix hurlée, le tout respectant un cheminement complexe et ambitieux, inégal parfois, tortueux et torturé. Les nombreux arrangements et plages samplées apportent une touche onirique et épique qui fait voyager l’auditeur, et ceux-ci sont nombreux et majoritairement judicieux. Cet enchevêtrement de sons donne une connexion directe avec la terre.

L’agencement des titres peut paraître bancal de prime abord, bourré d’interludes avec ses plages instrumentales coupant certaines dynamiques. Cet album est trop court, et sa fin trop planante laisse malheureusement un sentiment d’inachevé. On dit toujours à un artiste qu’il aille au bout de ses idées, dans ce cas-ci, ils les exploitent à fond, mais je les sens un peu perdu sur quelques titres, moins percutant. Drone, électro et chants atypiques laissent une sensation jouissive, mais atténuée sur la deuxième partie d’album.

La troisième frontière n’est autre que leurs shows où le mur du son est largement dépassé. Les voir en concert est un moment unique tant la claque est énorme. A eux 2, ils te créent une version romantique du chaos. La jolie Stevie Floyd tient sa guitare branchée sur un bloc gigantesque et Rob Shaffer, son compagnon d’infortune, s’occupe de la batterie. Et quel batteur, ample dans ses gestes, généreux avec sa batterie qu’il martyrise avec doigté. Un vrai modèle du genre. Le résultat n’en est pas moins assommant et puissant, sans basse ni seconde guitare pourtant. Quant à Stevie, demoiselle qui propose des riffs simples mais accrocheurs hurle tout ce que son coffre lui autorise. Un peu sucrée-salée cette demoiselle : jolie, timide, couverte de tatouages, crinière crade version Cavalera années 2000, qui te sourit puis te crache à la gueule ses textes. Le bisou que tu as envie de lui déposer dans le cou avant le concert te fait réfléchir à 2 fois une celle-ci passée sur scène.

Le duo s’est bien entouré avec quelques guests de qualité tels que Mike Scheidt/Yob, Blake Judd/ Nachtmystium, Nate Hall/U.S. Christmas et Sanford Parker. J’ai le même constat et sentiment que pour leur prometteur 1er album, "Spirited Migration" : ce très bon "Surrender To All Life Beyond Form" n’a cependant pas encore l’étoffe d’un grand.

J’aime le charme que cette galette dévoile lentement et de manière insidieuse. Que la vilaine pochette et son logo pas forcément appropriés ne vous rebutent pas, "Surrender To All Life Beyond Form", même s’il n’est pas parfait, vaut le coup et est un vrai régal à apprivoiser.




Rédigé par : Bras Cassé | 15/20 | Nb de lectures : 13958