Parfois ce qui compte pour faire un bon album ce n’est ni la qualité de la production ni la qualité du jeu de ses musiciens mais une seule chose : l’intention. Darkthrone avec ce nouvel album fait partie de ces rares formations où nous pouvons accepter tout, même l’inacceptable. Il est évident que certains acheteurs se sentiront floués par l’œuvre. Par sa maladroitesse ouvertement assumée. En réalité c’est la foi et la continuité du culte qui établissent le fondement d’une telle galette. Darkthrone est un groupe majeur et incontournable de la sous-culture musicale qu’est le Metal. J’aime « Circle the Wagons » pour son côté jusqu’au-boutiste, ne respectant aucune règle (commerciale et musicale) de notre musique underground favorite. Ce sont les défauts de ce disque qui en font une pépite. Son style musical si primitif reprend les riffs des groupes les plus nanars de la vague Heavy Thrash des années 80 en y ajoutant leur touché keupon et leur background Black Metal. Oui Black Metal, le mot est jeté. Même si Fenriz se défend de faire du BM depuis 4 albums, il est pratiquement impossible de passer à côté de cette tendance tant ses éléments y sont naturellement incorporés.

Ce vinyle regroupe 9 nouvelles compositions rebelles, ne respectant aucune règle et dont le but profond est une extension musicale de l’esprit hydride Rock’n’Roll Heavy Punk de ses géniteurs Fenriz et Nocturno Culto.

Beaucoup vont grincer des dents à l’écoute de cet album. Et c’est tant mieux, car ce disque est pour un public de radicaux, qui pour leur amour du métal underground recherchent l’excès sous toutes ses formes. Darkthrone a publié en 1993 « Under a Funeral Moon » dans une radicalisation de pureté underground BM. Aujourd’hui ces artistes ont pris 17 années dans les gencives. Ils sont dans d’autres sphères, ils recherchent un nouvel illogisme, plus Old School Heavy. Ils désirent assouvir leur fantasme de jeunesse, devenir les ADX « Caligula » norvégiens. Cette phrase presque hilarante peut être une esquisse reflétant l’actuel désir culturel de Darkthrone.

Entrons maintenant dans le vif du sujet et jetons-nous un peu sur le contenu musical de « Circle the Wagons ». Le titre d’ouverture « Those Treasures will never Befall You » commence avec un riff Venomesque, le son y est crade et « worthly played ». On n’en attend pas mieux. Le chant clair digne de Manilla Road perce le silence. Dans un « ouarghh » de rage alcoolisée le Punk Thrash débouchera vos otites. Un petit break épique vient relancer la machine avec un passage issu des ténèbres. Les premières notes de basse pointent leur nez dans un barouf phénoménal. Il y a même du old Sodom dans la crasse des arrangements. Il s’enchaîne avec l’intro Heavy Epic de « Running for Borders », morceau Mid Tempo et pathétiquement BM. Le riff de base est apocalyptique frisant avec une punkitude supersonique. Puis retour à des guitares Heavy qui nous font retomber dans le bourdon des 80. Le solo de Ted est hallucinant, directement issu des réverbérations de « Soulside Journey ». Dans la débâcle, les riffs s’enchaînent de façon suffocante. Leur style de prédilection est de retour avec un Punk Rock BM de premier ordre sur « I Am the Graves of the 80s » avec ses chœurs « Fuckin’Hellish ». Le chant largement Black Thrash honore cet hymne aux années 80 avec une atmosphère « Celtic Frostienne » très palpable. Le chant délire à souhait. « Destroy » est le mot d’ordre lors des saturations du SM57. Le solo est plus Heavy, presque un classique de la NWOBHM . « Stylized Corpse » ouvre avec un passage de gratte lourd et maléfique, le chant à la dérive cherche à se placer dans un brouhaha musical chaotique. Après les cris, un solo de guitare étincelant et toujours 80 annonce le désastre. La batterie fait son travail de percussion, tranquille et sans soubresaut. Toujours très influencé par CF dans un final débridé et angoissant. Un solo clôture le plus long morceau de l’album comptabilisant 7min31 sec. On retourne la face B du LP et on entame le title track de l’album, le déjà culte avant l’heure « Circle The Wagons ». Le chant clair et angoissé troublera vos oreilles. C’est vraiment Heavy, lyrique et plaintif. Les mélodies de voix sont chaotiques et relâchées, donnant dans la disharmonie sonore. Morceau dédié à Omen et autre Savage Grace. Incroyable ! Je me demande ce qu’un teen peut bien ressentir à l’écoute d’une telle œuvre ? « Black Mountain Totem » continue la promenade avec son riff Heavy et entraînant, suivi par une cassure de rythme atypique. Ils continuent leur cavalcade sur les étendues enneigées de leur contrée. Les voix sont possédées par un esprit Heavy reculé. La civilisation a-t-elle abandonné l’esprit fertile et vif de Fenriz et Nocturno Culto ? Ce track est lui aussi un long morceau atteignant 5min31 sec clôturé comme d’habitude par un solo de guitare toujours plus flou. « I Am Working Class » annonce déjà presque la fin de l’opus. L’intro pourrait figurer dans « A Blaze in the Northern Sky», mais le Darkthrone actuel nous rattrape vite avec une partie rythmique typique de ses quatre derniers albums. Comme un crachat d’outre-tombe le chant déchire le silence. L’abus de bière se ressent, c’est une nouvelle fois destructeur, sévère et sans concession. L’avant-dernier titre est déjà en piste « Eyes Burst at Dawn » : l’intro décrasse, le riff est endiablé comme un Motörhead sous SpeedBall. Puis nous retombons dans le chant Heavy dégueulé Black. C’est certainement le morceau le plus haineux, il fonce, et sa bestialité vous emportera. Il se termine avec un break insensé suivi d’un solo oppressant et venimeux. Ça y est l’album se clôture par un semi instrumental avec une mono phrase, « Bränn Inte Slottet », imposée de façon dictatoriale par un chœur en état d’ébriété. Le riff est simple et se développe durant 3 minutes pour terminer sur des notes Doom et mélancoliques. Dans un « Urlll » de soulagement, on peut relâcher sa respiration et reprendre son râle. Oui, c’est un bon album de Darkthrone que voici dans nos mains, 15ème du nom… une sacrée carrière.

Voici ma première chronique pour VSwebzine, je vous souhaite une bonne lecture et j’espère vous avoir insufflé un peu de mon enthousiasme pour cette musique qui, rien que pour le fait d’exister, mérite bien sa place dans vos colonnes cybernétiques.


Rédigé par : Philippe Courtois | 14/20 | Nb de lectures : 15103