L'occasion fait le larron et je profite donc de la réédition des deux albums de Darkspace pour aborder la carrière des Helvètes. Pour ma part, cela a commencé par un buzz sur le net. J'ai entendu parler par connaissance interposée d'un trio suisse qui sortait des autoproductions qui se vendaient comme des petits pains. Plutôt méfiant de cet engouement soudain de la scène pour un projet qui sentait l'arnaque minimaliste, je n'ai pas prêté plus d'attention que ça à Darkspace et j'ai continué mon chemin... Jusqu'à ce que j'entende Darkspace II... Et là, zyva la baffe!

Maintenant que je vous ai (j'espère) alléchés, un léger historique. Darkspace est donc un trio, originaire de Bern. La bête compte en son sein notamment Wroth, qui n'est autre que Tobias Möckl, plus connu en tant que Wintherr dans son projet Paysage d'Hiver. Le groupe est également connecté à Nordlicht, mais je n'ai pas pu/su trouver la relation avec Nimosh du projet sus-nommé (et qui gère le label Kunsthall Produktionen avec Tobias Möckl). Il faut dire que les membres de tout ce petit corum sont avares d'une information plutôt opaque (voir le site officiel pour s'en convaincre). Le groupe sort donc une première démo intitulée "-I" en 2002 et un premier album autoproduit "I" en 2003. Fin 2005, Darkspace organise un concert pour le lancement de "II" devant un public ultra-restreint de 21 personnes, concert qui voit se déplacer des fans de Finlande! Et puis c'est l'étripage pour obtenir son exemplaire de "II" limité à 500 exemplaires comme "I". La bouffée d'oxygène est donc grande de voir Avantgarde signer le groupe pour son "III" et rééditer les deux premiers albums introuvables sans un porte-monnaie bien garni. Mais au final, c'est quoi Darkspace, à part un buzz?

Darkspace, c'est le chaos, un voyage sublime dans un black ambient bruitiste porté sur l'hyperespace, un vaisseau d'une race inconnue qui arrive pour tous nous soumettre à sa volonté. Les seigneurs de l'espace ont mitonné un univers maléfique qui vous aspirera sans espoir de retour et vous marquera à jamais. Plutôt qu'un long discours, je ne peux que vous conseiller de cliqueter sur le lien MySpace (hu, hu) du groupe et d'écouter l'extrait de "2.8" pour vous faire une idée. Oui, c'est un extrait malgré sa durée de plus de huit minutes (et le meilleur est après). En tout, "II" contient trois titres pour 55 minutes de voyage intersidéral. Là où "I" étalait sept titres de dix minutes, "II" pousse le concept encore plus loin avec deux titres de plus de vingt minutes. Les morceaux sont des boules de haine qui explosent longuement à la gueule, qui font trembler leur victime jusqu'au plus profond de son être s'immisçant lentement par les pores de la peau.

Le son est dense dans une production à la limite du fouillis, ce qui peut être perturbant pour les gens habitués aux productions limpides. L'objectif n'est pas de distinguer chaque note, loin de là. L'ensemble forme une gangue sonore qui ne laisse aucun répit à l'auditeur écrasé, des plages ultra lourdes au moment de violence effrénée. Si l'aspect rèche du son peut rebuter, il est pourtant parfaitement dosé, permettant d'incarner une brutalité outrancière qui prend à la gorge et qui autorise seulement une bouffée d'oxygène libératrice quand les accords sont enfin plaqués. L'épreuve est rude, voire physique, mais l'écoute est un moment de musique comme on en aimerait plus souvent.

Présentés dans des écrins très sobres, les CD intégralement noirs de ces rééditions vrombiront avec plaisir dans votre lecteur préféré. Loin des morceaux pré-consommables, Darkspace propose un univers de haine qui ne demande qu'à vous écraser de sa puissance. Dans l'espace, personne ne vous entendra crier...




Rédigé par : Prince de Lu | Réédition/ | Nb de lectures : 15181