Si vous saviez le degré d’abnégation des membres de l’équipe de VS les enfants… Car avouons-le, même si dans la grande famille du metal, nous avons tous nos petites préférences, dans notre cas cela frise parfois le fétichisme pur et simple. Prince de Lu porte des sandales et fait du biniou même sous la douche afin d’être en phase avec la tribu pagan, Cobra Commander mate toute la journée CuisineTV afin de dégotter de nouvelles expressions culinaires à tartiner dans ses chroniques goregrind et Tonton s’astreint à un régime sévère d’éclairs au chocolat et de frites-mayo afin de soigner cette physionomie généreuse qui convient si bien à son rôle de grand sage de la cause extrême. Quant à moi, je passe généreusement plusieurs heures par jour dans mon frigo tout en mangeant des boulettes de viandes afin de me projeter mentalement en Suède, avec le compteur de ma machine à remonter dans le temps bloqué sur 1991. Bref, pour ceux du fond qui ne suivent pas, j’assume pleinement mon obsession pour le death old-school suédois et je milite activement pour que les studios Sunlight, où ont été enfantés maints chefs d’œuvres baveux comme ‘Left Hand Path’ ou ‘Into The Grave’, soient classés monuments historiques.

Et ce qui me rassure, c’est que je ne suis pas seul visiblement. Ce créneau est même presque devenu un marché à part entière, certes pas aussi chargé que celui du ‘slamming death-metal’ par exemple et de ses 7865 clones mais quand même, chaque année apportant son lot fidèles disciples ne jurant que par Autopsy, ces guitares accordées en si et baignées dans la friteuse et ces pédales de distorsion Boss avec tous les potards sur 11. A ce petit jeu-là, le champion du monde toute catégorie reste Rogga Johansson et il serait presque trop facile de croire que Darkcreed n’est que la dernière addition à sa liste interminables de projets (Paganizer, Ribspreader, Demirug etc.) tant on y retrouve ses marques, notamment cette voix bien gutturale et pourtant clairement déclamée à la Jörgen Sandström (ex-Grave) ou Dan Swanö. Sauf qu’on tient là en fait le premier mini CD de Darkcreed, groupe jusqu’à lors complètement inconnu au bataillon (alors qu’il semble en activité depuis 1996), responsable de deux démos dans la seconde moitié des années 90 et à cheval entre Stockholm et Mexico, grâce à la magie d’internet. Ses protagonistes viennent d’ailleurs des tréfonds de l’underground : le guitariste/bassiste, Miguel Angeles, joue dans un groupe de death mexicain nommé Foeticide alors que le chanteur suédois, Andres Furukawa, est lui responsable du projet de compilation ‘Ressurected In Festering Slime’ dont on vous parlera très bientôt. De bons vieux trentenaires bien tassés donc, qui ont visiblement eu envie de se faire plaisir et de rendre hommage à un certain type de death-metal sans trop se prendre la tête.

‘Dark Regions’ laboure donc pendant vingt-cinq minutes sans trop se prendre le schtroumpf. Moins alambiqué et surtout bien mieux produit (merci les studios Off Beat, propriété des gars de Clawfinger et Messhuggah) que l’album d’Unconsecrated dont je vous avais parlé le mois dernier par exemple, ce premier mini CD aime aller droit au but, préférant miser sur la lourdeur et les chorus de guitare lead bien morbides (« Dark Regions ») afin d’affiner son atmosphère de caveau rempli de cadavres rongés par la putréfaction. C’est d’ailleurs au final ce tempo plus lent, à la limite parfois du doom et avec des relents à la Asphyx qui leur permet de dépasser d’un pet de mouche le simple statut de groupe hommage déguisé auquel il semblait d’abord destiné.

Vu les milliers de kilomètres qui séparent ses musiciens et le temps qu’ils ont mis à accoucher à ce premier véritable jet, je ne parierai pas mon exemplaire original de ‘The Nocturnal Silence’ de Necrophobic que Darkcreed donne naissance à un album longue durée tout de suite. Sauf que si cela arrive, même mon copain Rogga ‘j’arrête pas’ Johansson aura du souci à se faire…


Rédigé par : Olivier ‘Zoltar’ Badin | 15/20 | Nb de lectures : 10781