"Une eau-forte, c’est l’un des procédés de la gravure sur plaque métallique. Cette appellation vient du nom donné par les alchimistes à l’acide nitrique dilué à l’eau : l’aqua-fortis, qui sert à attaquer le métal sur des zones non protégées par un vernis. La musique de Danishmendt correspond à cette substance : abrasive et douloureuse." Pour une fois qu'une présentation d'album colle aussi bien à la musique distillée ici, et ce sans paraître trop pompeux, je pouvais bien la repomper en intro, non?

Danishmendt nous délivre donc ici son premier album, après le 4 titres "L'Homme Est Un Animal Qui A Trahi" sorti il y a deux ans (et entièrement disponible sans crainte de représailles de votre fournisseur d'accès sur leur myspace). Référence hyper trop pointue et élitiste, ce sera le nom de Neurosis qui me sera parvenu le premier à la bouche, de par les structures, le son cru et le chant se rapprochant de celui des divins barbus. Je me doute qu'il y en aura qui auront déjà changé de page en se disant qu'un combo de plus dans le genre doit être aussi emballant qu'un dimanche après-midi Scrabble chez mamie (d'ailleurs en jouant "Danishmendt" je l'ai bien lattée la vieille...), bien dommage pour eux. Parce que si Danishmendt ne révolutionne pas le style, il apporte tout de même sa pierre à l'édifice et nous livre sa vision de la musique plombée.

Base looooooooooooourde donc (la martelée intro d'"Autel"), dissonance à tous les étages, voix encore plus granulée que des Granola (légèrement en retrait), ça déconne pas. L'incompétent chroniqueur que je fais établira un parallèle avec les Lyonnais d'Overmars, avec qui ils partageront également le goût des lyrics dans la langue de Steevy. Pas mal écrits cela dit en passant, ils ne sont pas de ceux que je préfère mais valent le coup de lorgnette. Les titres sont longs mais néanmoins digestes, et on sent que les gaziers ont cherché l'intensité. Pour être franc, ça a pas fait systématiquement mouche sur ma petite personne, mais il y a une doublette assez fabuleuse qui mérite à elle seule l'achat de l'album (l'enchaînement "Mise à nu"/"Le Bruit Du Monde Echouait Là") qui m'a bien achevé. Va relire l'intro au-dessus, ferme les yeux, imagine ce que ça doit rendre et écoute, c'est exactement ça.

Dommage que la production ait un rendu un tantinet trop étouffé, sans doute choix plus qu'obligation, mais reste qu'elle minimise l'impact des rythmiques coups de boutoir, qui manquent du coup un peu d'ampleur pour faire tomber mes pellicules en bonne et due forme. Un son cru, limite Albinien, loin des écrasantes productions suisses. Enfin, dommage pas tant que ça, car le groupe a d'autres atouts à faire valoir dans ses manches. Car sur cette base posthardcorisante pas révolutionnaire il est vrai, mais néanmoins costaude, Danishmendt parvient tout de même à se démarquer quelque peu d'une concurrence on ne peut plus rude. Comment? En cherchant un moyen détourné pour venir imprimer ses sept titres dans nos caboches. Si la grosse artillerie n'y parvient pas systématiquement, autant y aller au petit calibre plus mesquin... Donc direction Castorama, rayon perceuse, Black et Decker mèche metal, et tu perces, et tu perces. En l'occurence ici, ce sont les guitares qui viennent effectuer le "travail de pro", à travers leurs mélodies noisy vrillées, qui viennent insidieusement s'inscrire dans vos cortex et permettent à Danishmendt de trouver la brè(a)che.

Ce qui en ressort est à l'image du bien bel artwork de ce "Eaux Fortes", ce côté à vif, rouillé, érodé. Et le dernier titre "Un Autre Jour" venant en réponse au "Demain" que nous avions croisé six titres plus tôt, voilà notre boucle bouclée. En parlant de boucle, s'ils veulent établir résidence dans nos platines, il faudra néanmoins que les Parisiens poussent le bouchon un peu plus loin pour trouver leur place au sein des cadors français du créneau. Sachant qu'ils ont déjà les cartes en main...


Rédigé par : Crown_Me | 14.5/20 | Nb de lectures : 11054