Ah qu'il est attendu ce tout nouveau DAGOBA! Et pour cause... En deux albums, les Phocéens ont enfoncé un grand nombre de portes, entraînant l'admiration de certains et le dégoût des autres. Si le premier album éponyme m'avait bien botté malgré quelques maladresses inhérentes au fait qu'il s'agisse d'un début, le second m'avait quelque peu déçu. La faute a un trop plein de blasts sans fond, a un song writing pas folichon et une linéarité de l'ensemble fatigante.

Pourtant, je gardais en DAGOBA beaucoup d'espoir, tant on sentait que ces 4 gaillards en avaient sous le pied. Et voilà, DAGOBA pond en cette rentrée 2008 un album bien plus intéressant musicalement que "What Hell is About". Un excellent mix entre la puissance dévastatrice dont ils avaient fait preuve précédemment et le sens aigu de la mélodie dont on avait perçu quelques bribes auparavant.

Car oui, DAGOBA a enfin réussi à tempérer ses excès de fureur ou tout du moins à mieux les maîtriser. On sent ici un vrai travail de composition de la part du groupe, une vraie volonté de donner de la dimension, du relief aux titres de "Face the Colossus". On y trouve toujours des riffs au feeling entre black et death (le refrain de "Face the Colossus", "Orphan of You", "The Crash"), des plans puissants que n'auraient pas reniés PANTERA ou FEAR FACTORY ("Sudden Death", "Somebody Died Tonight", "The NightFall and all its Mistakes"), mais surtout dorénavant des passages mélodieux à la limite du mainstream ("Back From Life", "Silence #3", "The World in Between"), des apparitions de guitares sèches ("The World in Between", l'interlude "Transylvania") et des arrangements léchés à l'extrême tout au long de ces 11 plages.
Pour donner aux aficionados un point de repère par rapport à "What Hell is About", disons que DAGOBA s'est plus tourné vers une musicalité proche de "Cancer" que de "The Fall of Men" tout en gardant la force d'un titre comme "The Man You're Not".

Côté rythmique, on pourra reprocher ce que l'on veut à Franky Costanza, il s'agit quand même d'un putain de batteur qui envoie la sauce. Si visuellement il en fait des tonnes et semble adepte du twirling bâton (notez bien ce terme, il fera son petit effet lors de vos dîners mondains), à l'écoute, il est indéniable que son jeu a une influence radicale sur le rendu final de "Face the Colossus". Il bastonne, joue sur les nuances et propose des parties beaucoup moins linéaires que par le passé, étoffées de quelques finesses bienvenues. Certes, il restera quand même et toujours le Monsieur Plus du groupe, celui qui n'arrive pas à se la boucler pour laisser parler la musique, mais son jeu tartine sévère et ses breaks trouent le cul.

Autre point prépondérant: le chant. Pour ce nouvel album, on sent que Shawter a fait d'énormes progrès, offrant ainsi un panel vocal des plus variés et intéressants. Ses possibilités s'étendent du cri guttural primaire aux vocaux clairs (utilisés plus qu'à l'accoutumée) en passant par des voix écorchées mais avec une maîtrise dont il n'a jamais fait preuve auparavant. L'efficacité est au rendez-vous et on reste soufflé par sa presta qui fait à plusieurs reprises penser à Robb Flynn (MACHINE HEAD) pour la puissance alliée à la mélodie (même s'il est clair que Shawter a moins de coffre)
Par contre, question paroles, on est plus proche du visionarisme simplet à la Corneille (le chanteur, hein, pas l'auteur) que de l'écriture épique de Tolkien... Pas bien grave vous me direz, en comparaison des nombreuses sorties annuelles.

Venons en ensuite aux arrangements qui sont une pièce maîtresse de "Face the Colossus". On retrouve toujours ces samples cliniques typiques de la musique de DAGOBA mais cette fois-ci le groupe a mis le paquet sur les orchestrations, n'hésitant pas à les mettre en avant comme jamais. On y trouve des nappes de violons en veux-tu en voilà, des pianos fantomatiques, ajoutant un côté vraiment majestueux à l'ensemble. Une sorte de consécration du travail d'arrangement amorcé sur le précédent opus mais qui apparaîtra pour les allergiques aux nappes de claviers hautement prétentieux, de mauvais goût, voire complètement foiré.

Maintenant, venons-en à la production de "Face the Colossus"... Et c'est là que le bât blesse... Car si vous en êtes arrivés jusque-là, vous avez dû comprendre que DAGOBA a, une nouvelle fois, poussé les manettes à fond. Et une nouvelle fois ils ont fait appel à Tue Madsen, responsable déjà du son de "What Hell is About". Et au final, même constat que le précédent: le son est énorme mais tellement énoooorme que rien ne passe quand toutes les couches sonores se superposent. Tous les vumètres voient rouge dès que les premières notes de l'album retentissent. La tuile.
Musicalement, je le répète, j'apprécie vraiment les compos. N'en déplaise à ceux qui vont allègrement leur cracher à la gueule pour cause d'un pseudo-retournement de veste dû à une mise en avant des mélodies et des plans couplets gueulés/refrains chantés. Ceux-là même qui ont un peu de mal à comprendre le sens du mot évolution.

Mais côté prod, quand toutes les couches sonores rentrent en même temps, on frôle l'asphyxie et certains instruments se retrouvent complètement bouffés à l'image des guitares et des basses, tandis que d'autres prennent le dessus et écrasent tout comme les orchestrations et surtout la batterie, complètement surmixée (plaquez votre ventre sur vos enceintes pendant les parties de double: descente d'organe assurée). Et les quelques extraits présentés sur MySpace sont encore pires, la compression MP3 affaiblissant encore plus la clarté (enfin l'opacité) de l'ensemble. Les plans les plus aérés permettent heureusement d'apprécier à sa juste valeur la prod qu'aurait pu avoir l'opus si les niveaux et l'addition des pistes avaient été mieux gérés.
Pour exemple, et dans un tout autre style, DIMMU BORGIR sur "Puritannical Euphoric Misanthropia" avait réussi le pari de combiner une multitude de couches sonores avec un rendu des plus clairs et puissants...

"Face the Colossus" est donc un nouveau virage dans la carrière de DAGOBA, présentant un style plus mélodique et accessible tout en gardant un feeling très metal. On est loin d'un chef-d'œuvre, mais on est également à des années lumière de la daube annoncée ici et là sur le net. Sombre, puissant et émotionnel, ce colosse est une machine de guerre lancée à l'assaut d'un public metal calibré, le groupe sachant à qui il s'adresse. Reste ce son qui nécessitera des enceintes à 5000€ l'unité et une équalisation spécifique pour apparaître clair à vos p'tites n'oreilles... Apprentis ingé son, à vous!




Rédigé par : Foofur | 14/20 | Nb de lectures : 17392