CYNIC ou un des retours les plus réussis de ces dernières années avec la sortie en 2008 du sublime "Traced In Air" acclamé par la critique et qui, bien que n'ayant pas grand-chose à voir "Focus", aura su comber l'attente de sa fidèle fanbase tout en l'élargissant. Album qui leur apportera enfin la reconnaissance qui leur a échappé en 1993, leur ouvrant les portes de prestigieuses tournées en compagnie de Opeth, Meshuggah, Between The Buried And Me ou encore Dream Theater.

Alors que l'on aurait peut-être pu s'attendre à un nouvel album en cette année 2010, les Californiens ont eu l'idée de proposer une relecture de certains morceaux de "Traced In Air", (d'où le nom de cet EP, "Re-Traced"), pensant qu'il y avait matière à explorer une nouvelle voie et tester par la même occasion de nouvelles choses en terme de production. Démarche rare et étonnante, quand on sait que l'album est sorti il y a un an et demi seulement. Le groupe a pris comme base de travail, les premières démos de l'album dans leurs versions acoustiques qu'avait composées Paul Masvidal et a laissé s'exprimer sa créativité. Quatre morceaux ont été choisi pour l'occasion: "The Space For This", "Evolutionary Sleeper", "Integral Birth" et "King Of Those Who Know", qui deviennent sobrement "Space", "Evolutionay", "Inetgral" et "King" ainsi qu'un titre inédit issu des sessions de l'album. De là à y voir un signe de simplicité dans le musique du groupe, je ne m'y engagerai point. A noter que cette sortie intronise Robin Heilzorst (comparse de Tymon au sein de EXIVIOUS) comme nouveau bassiste du groupe de façon définitive, en lieu et place de Sean Malone. Choix logique étant donné qu'il tournait avec le groupe depuis 2008 et que son travail sur le premier album de EXIVIOUS est assez génial.

Après le mini concert acoustique donné par Masvidal et Reinert lors du festival norvégiens Hole In The Sky en août 2009 (voici ce que cela donne: http://www.youtube.com/watch?v=HStnRIVvrnI ), on pouvait s'attendre à ce que cet EP nous présente cette facette, ce qui aurait pu être assez logique étant donné que Paul compose de cette façon la plupart du temps. Hormis un titre qui bénéficie de ce traitement, le reste est quand même bien surprenant voire inattendu quand on connaît le style pratiqué par CYNIC. En partant des mélodies et en gardant la trame principale des morceaux qui font qu'ils sont imédiatement reconnaissable, le quator a totalement modifié l'habillage de ceux-ci avec une multitude de trouvailles et d'arrangements léchés.
Point de metal ici, riffs techniques et solos passés aux oubliettes, batterie qui se fait très discrète, toute saturation dehors de même que le vocoder et les growls (pour le plus grand plaisir de certains), d'où le fait que l'on se retrouve confronter à un pop/rock éthéré du plus bel effet agrémenté de diverses sonorités auxquelles on ne s'attendait pas forcément. Ceux qui ne juraient que par "Focus" et furent déçus par "Traced In Air" peuvent passer leur chemin, c'est encore plus mélodique et léger, par contre les amateurs de AEON SPOKE (le groupe pop de Paul et Sean) devraient être conquis par cette nouvelle incarnation. Plutôt que les réinterprétations en elles-mêmes et la grande créativité du quator, c'est l'ambiance générale qui m'aura marqué plus qu'autre chose. Jamais la musique de CYNIC n'aura dégagée une telle quiétude, nous sommes plongés dans un univers où la séreinité règne, c'est paisible et on se sent en sécurité bien que l'on ne sache pas trop où le groupe nous emmène. Le chant sans effet de Masvidal y est aussi pour beaucoup, il dégage une fragilité vraiment touchante, qui nous confine encore plus dans cet univers mystérieux. Certains passages expriment bien ce sentiment de plénitude: les premières minutes de "Space" avec cette dualité des guitares qui tissent une progression apaisante avec ce son clair si particulier. "Evolutionary" dans une version pop très Aeon Spoke, qui après un cresendo intéressant plus saturé que la moyenne, offre une sorte de libération et un final lumineux de toute beauté, Paul Masvidal y est pour beaucoup avec sa voix si pure. Mais surtout "King", sans doute la réinterprétation la plus réussie, où nous sommes plongés dans un monde spatial empli de quiétude, ponctué par un passage orgasmique vers la deuxième minute où Robin fait des merveilles à la basse avec des notes suaves. Un moment fort de cet EP, qui reste dans la tête, l'impression de rentrer dans une nouvelle dimension. Comme sur "Evolutionary", une petite poussée d'intensité plus saturée (très rock) qui nous ouvre les portes d'une autre univers paisible aux sonorités drum'n'bass, surprenant sur le coup mais la transition est bien trouvée. Et que dire de "Integral", dans une version acoustique de toute beauté, assez intimiste avec seulement Paul à la guitare, rejoint quelques secondes par un orgue Hammond qui donne une petite touche rétro. Magnifique.
Si c'est donc cette ambiance apaisante que je retiens en premier lieu, CYNIC nous sert quelques moment plus inquiètants sur "Space" comme si le groupe n'avait pas évacué tous ses tourments. J'ai en tête ce passage, qui arrive en plein milieu et apporte une vraie cassure, aux sonorités synthétiques voire électroniques avec chant assez grave apportant une atmosphère sombre assez inhabituelle chez Cynic. Tout comme le final tout bonnement excellent de ce même titre, avec Robin à la basse qui instaure un climat mystérieux et inquiètant avec ses notes profondes et graves bien cachées dans le mix, mais qui fait pourtant tout l'intérêt. Totalement prenant et à contre-courant de la légèreté des guiatres, un des plus beaux moments de cet EP.

L'autre intérêt de cet EP, est le nouveau morceau que le groupe a joint au reste et qui se nomme "Wheels Within Wheels", issu des sessions de "Traced In Air" et retravaillé pour l'occasion. Il n'avait pas été gardé à l'époque, le groupe jugeant qu'il n'avait pas grand-chose à voir avec le reste de l'album et cela se voit de suite. C'est le morceau le plus soft composé par le groupe pour CYNIC. Le parfait mélange de CYNIC et AEON SPOKE (rien d'étonnant étant donné que ce titre a été écrit par Masvidal avant le retour de CYNIC...) et le groupe ne s'en cache pas en interview. Le côté technique de l'un (écoutez-moi le fameux "busy riff" si unique sur les refrains, ultra jouissif et l'excellent solo de Tymon, ainsi que le jeu léché de Sean Reinert) et la face pop et éthéré de l'autre. Paul Masvidal chante sans effet sur sa voix et c'est une réussite, certains se demanderont si l'on a encore à faire à du CYNIC, ce à quoi je répondrai oui. L'ambiance si particulière est présente, même s'il est vrai que le calme et la mélancolie qui se dégagent sont une nouveauté (le long passage principal où un certain spleen se dégage est surprenant, à vous mettre le cafard), mais on est happé par sa beauté. Fin de morceau classique tout en douceur, avec des lignes de basse profondes, qui sonne comme un au revoir. J'ai envie de dire que c'est du CYNIC sans en être complétement si on se réfère au passif du groupe, mais il y a un truc qui fait que ça marche.
Ce nouveau titre, n'est en aucun cas à prendre comme la voie prise pour le troisème album d'après Paul Masvidal et compagnie, il n'empêche que si le groupe prenait ce chemin plus éthéré à la façon de PORTAL (à quand la réédition de la demo ???), en supprimant définitivement le vocoder et les growls et en s'éloignant un peu plus de la sphère metal, cela ne me choquerait point. A voir donc, mais je suis plus qu'impatient, comme vous je suppose, d'entendre ce que le groupe va concocter.
En attendant, ce EP est parfait pour patienter. CYNIC nous montre qu'il n'a pas de limite dans sa créativité, il ne s'impose pas de restriction et prouve qu'avec de solides mélodies et de l'imagination, on peut faire beaucoup de choses très variées.


Rédigé par : Arnaud | CYNIC/ | Nb de lectures : 13554