CYNIC est un peu cas d’école pour moi. Le genre de groupe ultra-hype avant même la sortie de son premier album et dont ledit disque fut d’ailleurs d’abord à sa sortie perçu comme une légère perception avant de devenir ‘culte’ quelques années plus tard après une séparation prématurée. C’est aussi, avec CELTIC FROST, l’un des seuls ces dernières années à avoir su négocier le virage ‘reformation’ avec intelligence, choisissant courageusement d’évoluer plutôt que de se contenter de donner à leurs fans ce qu’ils attendaient. Le pire est qu’étant moi-même un fan de ‘vrai’ rock progressif – ben oui, il n’y a pas que le death-metal suédois dans la vie – j’étais donc a priori une cible parfaite pour eux, ayant en quelque sorte vieilli de la même façon que Paul Masdival et Sean Reinert.

Mais voilà, rien n’y fait, quelque chose coince.

Je suis pourtant loin d’être d’accord avec les rares hurlant ‘trahison’ et réclamant à cors et à cris un ‘Focus, deuxième partie’ (calmos les gars, il y a le dernier ATHEIST pour ça). Mieux, je salue bien bas ce courageux choix artistique de justement ‘progresser’ et surtout l’incroyable finesse qui transpire désormais de leur musique, qui a fini sa transition entre death-metal baveux et rock/metal planant alors que ‘Focus’ l’avait surpris à mi-chemin, avec le résultat que l’on sait.

Sauf que malgré sa pochette très HR Giger signé par Robert Vernosa (décédé depuis hélas) et, une nouvelle fois, l’inclusion du bassiste Sean Malone (alors que celui-ci a passé toute la seconde moitié des années 90 et le début des années 2000 à se désolidariser de ‘Focus’ m’enfin bon), j’ai un peu mal avec ce nouvel EP que je trouve, disons, un peu… Gnan gnan.

Alors pas de souci, je plaide coupable : je n’aime pas ni les démos de PORTAL, ni AEON SPOKE et si j’accroche à GORDIAN KNOT et ses plans biscornus, c’est avant tout parce que je suis un éternel mordu de KING CRIMSON. Mais autant titillé par tous ses commentaires de fans qui parlent de véritables voyages initiatiques ou par un Masdival présentant ce nouveau EP de 23 minutes comme un voyage commençant en Amazonie et se terminant dans l’espace infini (je cite) qu’énervé de ne pas réussir à trouver la clef qui me permettrait de comprendre le ‘nouveau’ CYNIC, j’ai quand même décidé de replonger, mais pour une nouvelle fois hélas me retrouver devant une porte fermée.

Alors déjà, même si a priori ‘Carbon-Based Anatomy’ est présenté comme une sortie à part entière et non pas comme un simple en-cas avant leur prochain album (prévu en 2012), j’ai du mal avec ce format bâtard trois morceaux/trois interludes qui, ajouté à la durée totale par définition courte, ne laisse pas à mon avis le temps au tout de prendre sa vitesse de croisière. Tout comme je ne vois pas l’utilité de ses trois ‘faux’ titres qui permettent surtout au groupe d’épancher enfin son goût pour la world-music en général et la musique indienne en particulier, là où un seul aurait largement suffi pour ‘poser’ l’ambiance, même si selon ses géniteurs tous ces morceaux forment un tout. Mais surtout, cela ne laisse en fait que seize minutes de ‘vraie’ musique, au milieu desquelles le morceau-titre surnage largement, faisant très bien le lien entre le CYNIC de ‘Traced In Air’ et celui qui nous attend l’année prochaine, du moins si l’on se base sur « Box Up My Bones » et « Elves Beam Out ».

Et là, sans surprise, les dernières traces de metal qui trainaient encore sur sa carapace ont disparu pour laisser la place à une sorte de rock planant et béat ultra-bien arrangé, car très complexe mais toujours d’une fluidité impressionnante teinté de plans ambient. En fait, ils m’évoquent désormais un THE MARS VOLTA qui aurait laissé de côté ses sonorités sud-américaines et psychédéliques pour quelque chose de plus jazzy et reposé. D’ailleurs vocalement, Masdival utilise de plus en plus de multiples couches vocales où sa voix se superpose à d’autres pour un effet choral breveté depuis des lustres par Steven Wilson de PORCUPINE TREE.

Alors, c’est beau, très beau même et encore une fois d’une finesse incroyable. Difficile de croire d’ailleurs qu’un jour, ces mecs-là interprétaient sur scène aux côtés de Chuck Schuldiner « Leprosy » et « Scream Bloody Gore »… Mais voilà, j’avoue m’emmerder un peu en fait, comme si je restais sourd à cette invitation à un voyage qui ne semble se passer que dans la tête de ses géniteurs. Alors les fans d’AGHORA (le groupe de l’éphémère second guitariste de CYNIC, Santiago Dobles) se sentiront à la maison et ceux qui étaient éternellement frustrés de ne pouvoir prouver par A + B à leur petite amie réfractaire que non, les musiciens de metal ne sont pas tous des brutes sans âme vont enfin trouver un allié de taille. Mais ce sera sans moi. Hélas ai-je presque envie de dire d'ailleurs...


Rédigé par : Olivier 'zoltar' Badin | 5/10 | Nb de lectures : 14664