Prenez les grands mythes. Portés par une charge symbolique intemporelle ils traversent les siècles, goguenards, sujets à toutes les formes d'expression artistique. Qu'on les sublime ou qu'on les dévoie, leur contenu allégorique se moule sans peine derrière n'importe quel masque. Imaginez maintenant, un trio de musiciens ambitieux qui plongent des divinités vengeresses à chevelure de serpents dans le chaudron du black metal en guise d'avatar pour leur nouveau projet. Ça s'appelle CULT OF ERINYES, formation belge de « ritualistic black metal » créée sur les braises du groupe PSALM (black/death uit Brussels).
Après avoir gravi le Golgotha lors de leur précédent EP récemment réédité chez Dunkelkunst, le Culte profite de sa signature chez Les Acteurs de l'Ombre productions pour sortir son premier album « A place to call my unknown ». Pratiques cultuelles.

Invocation.
On pourrait décrire aisément l'album au moyen de cette simple pirouette. Des premières notes à briser le silence jusqu'à leur extinction finale, la musique de CoE se cristallise autour d'un Chant, non pas la voix d'un seul homme mais bien un ensemble musical/choral qui en appelle à des divinités furieuses par-delà les berges de l'Erèbe. Le mur sonore qui ouvre l'album est parfaitement harmonisé, puissance de façade et lignes de force souterraines en appui. La qualité évidente de la production se révèle indispensable pour saisir toutes les nuances d'une zique qui se veut plus lisible qu'oppressante.
Rite.
Du black metal rituel d'accord. Mais d'abord un espace sonore où s'ouvrent distinctement tous les instruments avant de se fondre dans cette antique liturgie. Amplitude et présence donc. Un alliage de riffs tout en tension et de rythmiques percussives. Quelques tentations tribales dans les patterns de batterie, une voix écorchée vive qui se mue soudain en un chant limpide, des arpèges qui planent dans les espaces désolés d'un riff mourant, et cette basse grondante dont les pulsations secouent les profondeurs du Tartare... On attrape pas les Furies avec un solo de bouzouki.
Sacrifice.
Du black mais dans son acception la plus moderne, affranchi de la codification qui porte l'agressivité et la malfaisance au sommet des arts sombres. Il y a dans « A place to call my unknown » autant d'apaisement qu'on pourra en trouver dans l'œil d'un cyclone. Une félicité dans la tourmente qui se déploie jusque dans les fabuleux passages doom qui densifient l'album (« Black Eyelids » pour le plus évident). S'ajoutent une paire d'interludes dont je ne saurais dire s'ils brisent le rythme général ou offrent une respiration bienvenue.
CULT OF ERINYES n'oublie pas pour autant de s'inscrire dans une continuité musicale, le groupe n'a pas la prétention de réinventer le black metal, pas plus que d'incarner le chaînon manquant entre WATAIN et HATE FOREST. L'atout principal de l'album réside peut-être dans sa capacité à envouter l'auditoire bien plus qu'à s'imposer brutalement. Le Culte des Erinyes n'est pas une démonstration de force mais bien un acte de foi.




Rédigé par : #Guillaume# | 15/20 | Nb de lectures : 13267